Comment doit s’apprécier la condition, pour la délivrance d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées (dérogation espèces protégées), liée à l’absence de solution satisfaisante ? En effet, l’article L. 411-2, 4° du Code de l’environnement prévoit que la délivrance d’une dérogation espèces protégées est possible dans cinq hypothèses limitativement énumérées, dont la fameuse raison impérative d’intérêt public majeur, et seulement s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
C’est sur la condition liée à l’absence de solution alternative satisfaisante que le Conseil d’Etat s’est prononcé dans un arrêt du 21 novembre 2025.
Dans cette affaire, le Département avait obtenu une autorisation environnementale pour la construction d’un pont, laquelle valait notamment dérogation espèces protégées. Cette autorisation a néanmoins été annulée par le tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel de Lyon, au motif qu’il existait une solution plus satisfaisante que celle retenue dans le projet autorisé, consistant à reconstruire le pont vétuste actuel sur les piles existantes plutôt que construire un nouveau pont.
Le Conseil d’Etat précise que la condition tenant à l’absence de solution alternative satisfaisante doit être regardée comme satisfaite dans le cas où trois conditions cumulatives sont remplies : (i) parmi les solutions alternatives qui ont été préalablement étudiées, il n’existe pas (ii) d’autre solution qui permettrait de porter une moindre atteinte à la conservation des espèces protégées et (iii) qui soit appropriée au regard de trois éléments :
- les besoins à satisfaire ;
- les moyens susceptibles d’être employés pour le projet ;
- les objectifs poursuivis.
Or le Conseil d’Etat relève qu’en l’espèce le projet de reconstruction du pont sur les piles existantes, s’il a bien été préalablement étudié, ne permet pas de répondre de manière appropriée à l’objectif principal du projet du Département qui était de sécuriser le franchissement de la Saône pour permettre l’accroissement de la circulation (de véhicules, cyclistes et piétons), mais également d’améliorer la continuité écologique de la Saône, de faciliter l’entretien de l’ouvrage, d’augmenter le gabarit navigable sur la rivière et de permettre la circulation publique pendant les travaux.
Le juge censure donc le raisonnement de la Cour administrative d’appel et relève qu’il n’existait pas de solution alternative satisfaisante, validant ainsi la dérogation espèces protégées délivrée au Département.