L’article L. 314-6 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit que « les conventions collectives de travail, conventions d’entreprise ou d’établissement et accords de retraite applicables aux salariés » sont, s’ils sont agréés, opposables aux autorités de tarification. L’autorité de tarification dispose-t-elle toutefois d’une marge de manœuvre dans le cadre de l’application de ces accords et conventions agréés ?
L’agrément des conventions et accords visé à l’article L. 314-6 du CASF
Cet article dispose que les conventions collectives de travail, conventions d’entreprise ou d’établissements et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) à but non-lucratif doivent en effet être agréés par le ministre compétent après avis de la commission nationale d’agrément.
Il est précisé que cet article est également applicable à un accord collectif portant sur le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) alors même que la lettre de l’article L. 314-6 du CASF ne vise pas explicitement les accords collectifs. Les décisions jurisprudentielles qui évoquent l’article L. 314-6 du CASF ont étendu largement le champ d’application de l’agrément ministériel à plusieurs normes dès lors qu’elles ont un caractère collectif et salarial.
C’est n’est qu’à compter de cet agrément ministériel que les conventions et accords collectifs prennent effet et s’imposent aux autorités de tarification.
La procédure d’agrément offre un pouvoir d’appréciation au Ministre lui permettant « de s’opposer à l’agrément sollicité […], pour des motifs d’intérêt général, tirés notamment de la nécessité de préserver l’équilibre financier des personnes morales de droit public qui supportent en tout ou partie les dépenses de fonctionnement des établissements en cause » (CE, 31 janvier 2022, req. n °412849).
Absence de consultation des autorités de tarification
La procédure d’agrément prévue au CASF ne prévoit pas que les autorités compétentes en matière de tarification doivent préalablement être consultées.
Il est toutefois observé dans la pratique que certains accords agréés par le ministre compétent sont transmis à l’autorité de tarification « pour avis ».
Opposabilité des conventions et accords collectifs agréés aux autorités compétentes en matière de tarification
Les conventions et accords collectifs agréés s’imposent aux autorités de tarification. Autrement dit, leurs conséquences financières doivent être assumées par les autorités de tarification dans le cadre de la tarification d’ESSMS.
Il appartient donc à ces autorités de vérifier que ces conventions et accords sont bien agréés selon la procédure prévue au CASF.
Ce n’est que lorsque l’application d’une stipulation conventionnelle est laissée au pouvoir d’appréciation de l’employeur que les autorités tarifaires disposent d’une marge, compte tenu de ses incidences financières et du bien fondé au regard des nécessités de fonctionnement normal de l’établissement (CNTSS, 11 décembre 1998, n° A 95-009 et A. 95-010).
Cependant, récemment, les juges semblent parfois se contredire en considérant :
- Pour certains, que l’autorité de tarification ne peut pas procéder à des abattements sur les prévisions de charges du personnel d’un ESSMS dès lors que ces prévisions correspondent exclusivement à l’application des accords collectifs de travail agréés,
- Pour d’autres, que la dépense qui résultait d’un accord d’entreprise opposable à l’autorité de tarification pourrait être écartée si l’autorité de tarification établit que ces postes ne sont plus nécessaires au fonctionnement de l’établissement ou que les charges qui en résultaient étaient manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des établissements et services fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d’accompagnement (CNTSS, 8 avr. 2011, n° A.2008.001).
Un jugement récent du Tribunal administratif de Paris illustre cette contradiction puisqu’il est venu préciser que cette opposabilité était limitée :
« […] les dépenses consenties pour améliorer l’attractivité des postes offerts par le service et les conditions d’exercice de ses agents, y compris lorsqu’elles ont été prévues par des conventions ou accords agréés, ne s’imposent aux autorités compétentes en matière de tarification qu’à hauteur des paramètres d’évolution de la masse salariale fixés annuellement par les ministres chargés de la Sécurité sociale et de l’Action sociale » (TA Paris, 7 novembre 2025, n° 2434426).
Les juges ont ainsi considéré que le taux d’évolution de la masse salariale fixé annuellement par les ministres chargés de la Sécurité sociale et de l’Action sociale sur le fondement de l’article R. 314-199 du CASF est opposable aux gestionnaires d’ESSMS et ces derniers ne peuvent demander à leurs autorités de tarification une hausse des charges de personnel supérieure à ce taux.
Il en ressort que les décisions jurisprudentielles rendues sur le sujet sont peu claires et nécessitent ainsi une certaine prudence.