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le 08/02/2022

Délai biennal de la garantie des vices cachés : forclusion ou prescription ? Opposition entre les première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation

Cass. Civ., 3ème, 5 janvier 2022, n° 20-22.670

Selon les articles 2241 et 2242 du Code civil, « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion », jusqu’à l’extinction de l’instance.

En revanche, si le délai de prescription peut faire l’objet d’une suspension, conformément à l’article 2239 du Code civil selon lequel « la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès », ce n’est pas le cas du délai de forclusion (Cass. Civ.,3ème, 3 juin 2015, n° 14-15.796).

L’article 1648 du Code civil dispose que « l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ».

Dans son arrêt du 5 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère que ce délai de deux ans est un délai de forclusion.

En l’espèce, l’acheteur découvre le 10 décembre 2012 que l’installation d’assainissement du bien qu’il a acheté le 5 juin 2009 est vétuste. Un expert judiciaire est désigné à sa demande par ordonnance du 24 juillet 2013, et rend son rapport le 20 novembre 2015.

Le 28 juin 2016, l’acquéreur assigne les vendeurs en nullité de la vente pour dol et erreur sur les qualités substantielles, puis invoque, pour la première fois en cause d’appel, la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 15 septembre 2020, déclare sa demande irrecevable, parce que tardive, en application de l’article 1648 du Code civil, qu’elle qualifie de délai de forclusion.

Dans son arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi, et confirme l’arrêt de la cour d’appel, qui a retenu que ce délai de forclusion avait été interrompu par l’assignation en référé du 28 mai 2013 jusqu’à l’ordonnance du 24 juillet 2013. A défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans le nouveau délai qui expirait le 24 juillet 2015, la demande de l’acquéreur, intentée le 28 juin 2016, était forclose en son action fondée sur la garantie des vices cachés.

En pratique, cette décision implique que l’acquéreur, dès l’expert désigné, doit prendre le soin d’interrompre à nouveau le délai, par l’introduction d’une demande au fond, avant l’expiration du délai de 2 ans depuis la désignation de l’expert, quand bien même l’expertise ne serait pas terminée.

Il faut noter que cette solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation est contraire à celle de la première chambre, qui a déjà affirmé que l’article 1648 du Code civil édictait un délai de prescription pouvant, à ce titre, faire l’objet d’une suspension lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (Cass. Civ., 1ère, 25 novembre 2020, n° 19-10.824).