Environnement, eau et déchet
le 06/04/2023

Déchets : actualités jurisprudentielles sur le rôle de l’Etat dans la sanction des dépôts sauvages

CE, 27 mars 2023, Ministre de la transition écologique, n° 462947

CAA Toulouse, 16 mars 2023, Société Umicore France, n° 21TL00688

Deux décisions des juridictions administratives, rendues par la Cour administrative d’appel (CAA) de Toulouse et le Conseil d’Etat, ont apporté des précisions sur la mise en œuvre des pouvoirs de police administrative en matière de lutte contre les dépôts sauvages de déchets, et plus particulièrement sur les modalités d’intervention de l’Etat.

L’article L. 541-3 du Code de l’environnement définit en effet des prérogatives de police permettant à l’administration compétente d’intervenir pour sanctionner la gestion irrégulière des déchets et notamment veiller à ce que ceux-ci ne soient pas entreposés de manière à former des dépôts sauvages.

1°) La première précision, apportée par le Conseil d’Etat par un arrêt en date du 27 mars 2023, tient à ce que l’éventuelle carence de l’autorité de police dans la mise en œuvre des pouvoirs de police définis à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement ne fait pas obstacle à l’engagement de la responsabilité du détenteur des déchets ou propriétaire du terrain sur lequel ils sont stockés.

A titre préalable, on indiquera que le responsable d’un dépôt sauvage de déchets est leur producteur ou détenteur. Toutefois, la responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel les déchets sont entreposés peut être engagée à la double condition qu’il n’existe pas d’autres producteur ou détenteur connu et que le propriétaire ait fait preuve de négligence.

Dans cette affaire, des déchets résultant de l’exploitation d’une ancienne ICPE n’avaient pas été éliminés à la suite de la cessation d’activités, et l’exploitant de cette ICPE avait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire avant que les déchets ne soient gérés. L’Etat s’était donc tourné vers l’indivision propriétaire du site. La CAA avait considéré que la circonstance que l’Etat n’avait pas agi à l’encontre de l’exploitant caractérisait une carence de sa part faisant obstacle à ce que la responsabilité des propriétaires soit engagée.

Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement et indique que « l’éventuel manquement de l’autorité administrative dans l’exercice de ses pouvoirs de police, s’il peut donner lieu à la mise en jeu de la responsabilité de l’administration, ne peut conduire à écarter le régime de responsabilité prévu par [les articles L. 541-2 et L. 541-3 du Code de l’environnement], notamment en tant qu’il s’applique au propriétaire du terrain sur lequel sont déposés des déchets ».

Le juge relève ensuite que les propriétaires du terrain ont fait preuve de négligence, dès lors que la pollution du site était établie depuis au moins vingt ans, que les propriétaires résidaient sur place et n’en avaient pas averti l’administration alors qu’ils ne pouvaient ignorer la présence des déchets, qu’ils n’avaient procédé à aucuns travaux avant 2020 et que certains d’entre eux avaient eux-mêmes exploité l’ICPE responsable de ces déchets.

2°) D’autres précisions ont ensuite été apportées sur l’articulation entre la police des déchets et la police des mines, par un arrêt du 16 mars 2023 de la CAA de Toulouse.

Dans cette espèce était en cause un dépôt de résidus de traitement découlant d’une ancienne exploitation minière. Le préfet avait d’abord mis en demeure le maire de la commune sur le territoire de laquelle les déchets étaient entreposés de mettre en œuvre ses pouvoirs de police en matière de déchets pour qu’il soit procédé à l’élimination du dépôt de résidus. Le maire n’a toutefois pas répondu à la mise en demeure et le préfet s’est donc substitué à lui et a mis en œuvre les prérogatives de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement.

La CAA de Toulouse a précisé, sur le rôle de l’Etat, que :

  • Il n’existe pas d’obligation pour l’Etat d’assurer, après l’expiration du titre minier, la surveillance et la prévention des risques miniers autres que ceux tirés de l’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes (dans les conditions de l’article L. 174-1 du Code minier). En l’espèce, les risques en cause étaient liés à la contamination de l’environnement des déchets en raison de leur teneur excessive en métaux lourds. L’Etat ne s’était donc pas vu transférer la surveillance et la prévention des risques liés aux résidus miniers ;
  • Aucun texte n’exclut l’exercice de la police spéciale des déchets sur un site minier et sur le site d’une ancienne exploitation qui n’est plus soumis à la police des mines. Les prérogatives de l’article L. 541-3 peuvent donc être mises en œuvre sur un site, ou ancien site, minier à l’encontre de l’exploitant de ce site. Dans le même sens, la circonstance que l’exploitant s’est conformé aux obligations qui lui ont été prescrites lors de la cessation des travaux miniers ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente intervienne à son encontre en cas de violation de la législation relative aux déchets ;
  • En cas de carence du maire dans l’exercice des prérogatives de l’article L. 541-3, il revient au préfet d’intervenir.