Fonction publique
le 13/04/2023

De l’impossibilité d’auditionner des témoins cités par l’administration en conseil de discipline, sans avoir préalablement mis l’agent poursuivi en mesure d’assister à leur audition

CE, 8 mars 2023, n° 463478

Par un arrêt en date du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat a jugé que si un conseil discipline peut décider d’auditionner un témoin sans avoir à en avertir l’agent poursuivi, en revanche, elle ne peut l’auditionner sans avoir mis en mesure ce fonctionnaire d’assister à cette audition.

 

Dans cette affaire, M. B., fonctionnaire territorial, s’est vu infliger, par arrêté du Maire de Limoges du 27 décembre 2021, la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans, assortie d’un sursis d’un an. M. B. a alors demandé au Juge des référés du Tribunal administratif de Limoges de suspendre l’exécution de cette sanction. Le Juge des référés a néanmoins rejeté sa requête.

 

Saisi de cette ordonnance, le Conseil d’Etat affirme que ni les articles 6, 7 et 8 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux « ni aucune autre disposition ou principe n’imposent à l’administration d’informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l’identité de ceux-ci. Il appartient au conseil de discipline de décider s’il y a lieu de procéder à l’audition de témoins. Il ne peut toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre les témoins le jour même de la séance sans avoir mis en mesure le fonctionnaire poursuivi d’assister à leur audition. En l’absence du fonctionnaire, le conseil de discipline ne peut auditionner de témoin que si l’agent a été préalablement avisé de cette audition et a renoncé de lui-même à assister à la séance du conseil de discipline ou n’a justifié d’aucun motif légitime imposant le report de celle-ci ».

 

Or, au cas particulier, la Haute assemblée relève que M. B. n’a pas été informé préalablement à la tenue du conseil de discipline, qui s’est réuni en son absence, de l’audition de témoins cités par l’administration. « Dans ces conditions, […] le Juge des référés du Tribunal administratif de Limoges a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure n’était pas propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension était demandée. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen du pourvoi, M. B. est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance qu’il attaque ».

 

On précisera que cette solution n’est pas nouvelle, le principe ayant été posé en 2005 (CE, Mme Z, 7 mars 2005, n° 251137) et réitéré en 2017 (CE, M. X, 31 mars 2017, n° 393627). Toutefois, elle traduit à nouveau la volonté du Conseil d’Etat de prendre ses distances avec une solution antérieure plus souple, consistant à ne retenir l’irrégularité de la procédure disciplinaire que dans l’hypothèse où les témoignages pour lesquels l’agent n’aurait pas été mis à même d’assister à l’audition auraient apporté des éléments nouveaux (CE, Centre hospitalier de Cholet, 17 décembre 1993, n° 126524).