Aide aux victimes
le 08/02/2022
Marine ALLALI
Didier SEBAN

De la nécessité de juger : retour sur l’organisation hors norme du procès des attentats du 13 novembre 2015

Articles n° 706-25 et n° 698-6 du Code de procédure pénale

Le procès des attentats du vendredi 13 novembre 2015 s’est ouvert devant la Cour d’assises de Paris, spécialement composée en matière de terrorisme le 8 septembre 2021.

Tous les superlatifs s’appliquent à cette audience tant elle est la plus grande, longue, dense, complexe des Cours d’assises qui ont pu se tenir ces dernières décennies pour juger les attentats les plus meurtriers sur le sol français depuis la Seconde Guerre Mondiale avec 131 morts et plusieurs centaines de blessés.

Cette audience « hors norme » a été l’objet d’aménagements et d’investissements considérables.

En effet, elle présente la particularité de juger 20 accusés, dont 5 sont présumés morts en zone irako-syrienne, 1 est incarcéré en Turquie et 14 sont présents à l’audience dont 11 accusés dans le box et 3 comparaissent librement.

De leur côté, 2.300 personnes, dont la vie a été durablement impactée par les attentats, sont dorénavant parties civiles.

SEBAN & ASSOCIES qui représente une cinquantaine d’entre elles, se rend chaque jour sur le banc des quelques 350 avocats de partie civile pour les représenter et tenter de leur apporter des réponses sur l’organisation et le déroulement de ces attaques.

L’audience se tient du mardi au vendredi à partir de 12h30 même si de nombreux lundis ont également été réquisitionnés pour avancer le déroulement de ce procès.

Cette audience est également particulièrement longue puisqu’initialement prévue pour une durée de 9 mois, de septembre 2021 à mai 2022, elle durera en réalité 10 mois à la suite des contagions successives de certains accusés par le Covid-19, soit jusqu’en juin 2022.

Le volume du dossier à étudier au cours de cette audience est également totalement inédit ; le dossier fait 469 tomes, soit plus d’un million de pages de procès-verbaux.

Déjà, au cours de l’instruction, les moyens engagés dans cette procédure étaient inédits, puisque six juges d’instruction antiterroristes français ont travaillé sur ce dossier.

Cette procédure présente aussi la particularité d’avoir une dimension internationale. En effet, les attentats ont été organisés depuis la Syrie, puis programmés en Belgique et exécutés en France. C’est pourquoi des actes d’investigation ont directement été réalisés en Belgique, bien entendu, mais également en Algérie, Tunisie, Egypte, Suède, Autriche, Inde, Grèce ou encore au Pakistan.

La salle d’audience, nommée « Grand procès », est à elle seule une innovation puisqu’elle a été construite spécifiquement pour ce procès pour un coût annoncé de 7,5 millions d’euros. Elle a été construite dans la salle des pas perdus du Palais de Justice de Paris sur l’Ile de la Cité avec une capacité de 500 personnes.  D’autres salles de retransmission sont également monopolisées pendant cette audience, à l’instar de la première chambre civile de la Cour d’appel de Paris, afin que le public puisse assister à ce procès et garantir ainsi la publicité des débats.

Une Web radio, qui retransmet en différé de trente minutes toute l’audience, a également été mise en place à destination des parties civiles qui ne voudraient ou ne pourraient pas se rendre psychiquement au Palais de Justice. Les parties civiles ont toutes reçu avant le début de l’audience des codes personnels afin de s’y connecter.

La Cour d’assises saisie est spécialement composée en matière de terrorisme ce qui signifie qu’il n’y a pas de jury populaire, mais 7 magistrats professionnels dont le Président de la Cour, Monsieur Jean-Louis PERIES, et deux assesseurs conformément aux dispositions des articles 706-25 et 698-6 du Code de procédure pénale. Trois magistrats supplémentaires suivent également la totalité des débats afin d’être en mesure de remplacer tout magistrat défaillant, pour garantir ainsi le bon déroulement de l’audience jusqu’à son terme. Ce nombre de trois est très faible dans les circonstances actuelles où une infection au Covid-19 pourrait facilement empêcher un magistrat de se présenter.

Cette audience est également entièrement filmée « pour l’histoire » sur le fondement de l’article L. 221-1 du Code du patrimoine qui prévoit précisément :

« Les audiences publiques devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire peuvent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel ou sonore […] lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice ».

D’ailleurs, cet enregistrement est de droit en matière de crime contre l’humanité ou d’actes de terrorisme lorsque le ministère public le demande ce qui est précisément le cas en l’espèce (article L. 122-3 du Code du patrimoine).

Le Président de la Cour d’appel de Paris a donc pris une ordonnance spécifique le 18 juin 2021 pour autoriser l’enregistrement audiovisuel et sonore de ce procès.  

Une fois achevé, les vidéos seront transmises à l’administration des Archives de France. Selon l’article L. 222-1 alinéa 3 du Code du patrimoine, elles ne seront accessibles de manière totalement libre qu’après 50 ans. Avant cela, elles ne pourront être reproduites ou diffusées qu’une fois la décision de la juridiction devenue définitive et sur autorisation spéciale du Président du Tribunal Judiciaire de Paris ou par le juge qu’il délèguera à cet effet (Article L. 222-1 alinéas 2 du Code du patrimoine).

C’est donc véritablement pour les générations à venir, qui n’auront pas connu les attentats terroristes du début du 21ème siècle, que les vidéos seront conservées.

Le début de cette audience a été marquée par les auditions de parties civiles. Pendant cinq longues semaines, la Cour, les accusés et le public ont inlassablement écouté une à une les histoires si singulières de chacun des survivants des attentats, ainsi que des familles des victimes décédées. Autant de témoignages émouvants qui ont permis à chacun de suivre seconde par seconde, minute par minute, le déroulement de la soirée du 13 novembre 2015 aux abords du Stade de France à Saint-Denis, sur les terrasses des 10ème et 11ème arrondissements de Paris et dans la salle de spectacle du Bataclan.

Depuis, les interrogatoires des accusés ont commencé afin d’appréhender leurs personnalités et leurs motivations.

Le Président a fait le choix de découper les interrogatoires par période. Il s’agit actuellement d’étudier en détail leurs parcours compris entre janvier 2014 et août 2015. Il conviendra ensuite d’appréhender la période critique d’août à novembre 2015, afin de cerner l’implication de chacun dans les attentats.

 

Marine ALLALI et Didier SEBAN