Projets immobiliers publics privés
le 22/12/2022
Myriam DAHMANE
Claire-Marie DUBOIS-SPAENLÉ

Copropriété : un administrateur provisoire peut en cacher un autre…

Article 47 du Décret n° 67-223 du 17 mars 1967

Article 29-1 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis

 

La loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967 contiennent un certain nombre de dispositions particulières relatives aux copropriétés confrontées à des difficultés financières ou de gestion. Aussi, l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 et l’article 47 du décret du 17 mars 1967 sont relatives à la désignation d’un administrateur provisoire pour la copropriété, lorsque la gestion courante par le syndic se révèle inefficace ou inexistante.

Il convient donc de distinguer le domaine propre de l’article 47 du décret du 17 mars 1967 de celui de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965.

 

I. La désignation d’un administrateur provisoire lorsque le syndicat des copropriétaires est dépourvu de syndic :

A. Les conditions d’application :

Lorsque la copropriété se trouve dépourvue de syndic et donc de représentant, il est possible d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire.

L’article 47 du décret du 17 mars 1967 prévoit ainsi que lorsque le syndicat est dépourvu de syndic, le président du Tribunal judiciaire désigne un administrateur provisoire de la copropriété qui est notamment chargé de convoquer l’assemblée en vue de la désignation d’un syndic.

Dans le cadre de cette procédure, il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve de difficultés financières ou de gestion. Il faut et il suffit, de justifier qu’il n’existe pas de mandat donné à un syndic en exercice.

L’absence de syndic peut se rencontrer à différents moments. A la naissance de la copropriété, lorsqu’un syndic provisoire a été nommé dans le règlement de copropriété mais que la première assemblée constitutive du syndicat des copropriétaires n’a désigné aucun syndic ou qu’une assemblée générale ne s’est tenue ; mais également au cours de la vie en copropriété, lorsque le mandat du syndic a pris fin et qu’aucune assemblée générale des copropriétaires ne s’est tenue ou n’a été convoquée à l’effet de désigner le syndic ou renouveler le mandat du syndic en exercice.

B. La procédure :

La demande aux fins de désignation peut être diligentée, tout intéressé, par voie de requête devant le Tribunal judiciaire. Dans le cadre de cette procédure, une requête sera déposée, sans délivrance d’une assignation, en effet la délivrance d’une assignation se révèle impossible au regard de l’absence de représentant de la copropriété en capacité de recevoir l’acte.

Cette requête peut être déposée par tout intéressé, qu’il s’agisse d’un copropriété ou d’un tiers qui justifie d’un intérêt à agir pour solliciter la désignation d’un représentant de la copropriété.

Aussi, il peut s’agir notamment d’un créancier du syndicat des copropriétaires, qui souhaite recouvrer sa créance et introduire une procédure contre la copropriété.

C. Les missions de l’administrateur provisoire 

L’administrateur provisoire sera, notamment, chargé de se faire remettre les références des comptes bancaires du syndic, les coordonnées de la banque, l’ensemble des documents et archives. Il devra convoquer l’assignation en vue de la désignation du syndic.

L’article 47 indique l’adverbe « notamment » ce qui suppose que la mission de l’administrateur provisoire peut être complétée

Si la désignation du syndic se révèle impossible, au regard notamment des graves difficultés rencontrées par la copropriété, l’administrateur provisoire pourra sur le fondement de l’article 29-1 solliciter par voie de requête, solliciter l’extension de sa mission, et ce afin d’assurer le redressement financier du syndicat des copropriétaires.

 

II. La désignation d’un administrateur provisoire en cas de difficulté financières ou d’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble :

A. Les conditions d’application :

En application de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, un administrateur provisoire peut être désigné si l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble. Il s’agit de conditions alternatives et non cumulatives.

Lorsque l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis, cela suppose que les fonds et la trésorerie du syndicat des copropriétaires ne permettent pas de faire face aux charges et aux frais.

Dans le cadre de cette procédure, il est indispensable de caractériser la gravité de la situation financière.

A titre d’exemple, cela est le cas lorsque le comptes de plusieurs exercices successifs présentent un solde négatif et qu’un prestataire prend la décision de suspendre le contrat pour défaut de paiement de ses factures.

Cette procédure a également vocation à s’appliquer lorsque le syndicat des copropriétaires se trouve dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble, et ce alors qu’il incombe au syndicat des copropriétaires d’assurer la conservation et l’amélioration de l’immeuble. L’inaptitude du syndicat à préserver l’immeuble peut trouver son origine aussi bien dans des difficultés économiques que de problématiques de gestion et de gouvernance. En effet, il peut s’avérer que certains travaux urgents de conservation ne puissent être adoptés en assemblée générale compte tenu de l’opposition ou le blocage des copropriétaires.

B. La procédure

L’article 29-1 dresse une liste exhaustive des personnes ayant qualité pour saisir le président du Tribunal d’une demande aux fins de désignation d’un administrateur provisoire, contrairement à la procédure développée ci-avant.

Le président du Tribunal ne pourra pas être saisi par tout intéressé, mais seulement par les copropriétaires représentant au moins 15 % des voix du syndicat, le syndic en exercice, le maire de la commune ou le président de l’EPCI compétent en matière d’habitation du lieu de situation de l’immeuble, le préfet ou le procureur de la République.

Concernant les modalités de saisine, l’article 62-2 du décret du 17 mars 1967 prévoit que lorsque la demande émane du syndic ou de l’administrateur provisoire, le président du tribunal est saisi par voie de requête, dans les autres cas, la saisine s’effectue par voie d’assignation délivrée au syndicat représenté par le syndic.

Ainsi, la délivrance d’une assignation au syndicat des copropriétaires suppose l’existence d’un syndic en exercice dûment mandaté.

Ainsi, et contrairement à la procédure prévue par l’article 47, la délivrance d’une assignation est indispensable, de sorte que la copropriété doit nécessairement être représentée par un syndic en exercice.

Cette procédure est inapplicable dans l’hypothèse où la copropriété est dépourvue de syndic.

C. Les missions de l’administrateur provisoire

L’administrateur désigné aura pour mission de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. Il disposera des pouvoirs du syndic, dont le mandat du syndic en exercice cessera de plein droit et éventuellement de tout ou partie des pouvoirs de l’assemblée générale des copropriétaires.

A ce titre, l’administrateur provisoire pourra approuver les comptes des exercices clos et fixer le budget prévisionnel de la copropriété. Aux termes d’un arrêt récent (Cass. Civ., 3ème, 13 avril 2022 / n° 21-15.923), la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que les copropriétaires ne pouvaient remettre en cause les décisions prises par l’administrateur provisoire qui a reçu les pouvoirs normalement dévolus à l’assemblée générale des copropriétaires et notamment celles approuvant les comptes et les budgets prévisionnels, qui deviennent donc définitives et exécutoires de plein droit dès lors qu’elles sont prises par l’administrateur provisoire.

 

Myriam DAHMANE et Claire-Marie DUBOUS-SPAENLE