Energie
le 08/02/2024

Contrats de vente directe d’électricité : avis de la Commission de Régulation de l’Energie sur le projet de décret précisant leur régime

CRE, Délibération de la CRE du 18 janvier 2024 portant avis sur un projet de décret fixant les modalités de l’autorisation dont les producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité à des consommateurs finals ou à des à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes doivent être titulaires

Par une délibération en date du 18 janvier 2024, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a rendu son avis sur le projet de décret que lui avait soumis le Gouvernement le 20 novembre 2023 afin de fixer « les modalités de l’autorisation dont les producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité à des consommateurs finals ou à des à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes doivent être titulaires ». On rappellera que les contrats de vente directe d’électricité (en anglais « Power Purchase Agreement » ou « PPA ») entre un producteur et un consommateur ont été introduits en droit interne par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après, APER). Si cette catégorie de contrats est désormais consacrée par le Code de l’énergie (art. L. 333-1 et L. 331-5), un texte réglementaire d’application, initialement annoncé pour septembre 2023, est encore attendu afin de préciser en particulier « le contenu du dossier de demande d’autorisation et […] les obligations en matière d’information des consommateurs d’électricité » pesant sur les producteurs (art. L. 333-1 III du Code de l’énergie).

En effet, aux termes de l’article L. 333-1 I du Code de l’énergie issu de la loi APER les producteurs concluant ce type de contrats doivent être titulaires d’une autorisation ministérielle, similaire à celle dont bénéficient les fournisseurs, sauf à « désigner un producteur ou un fournisseur tiers, déjà titulaire d’une telle autorisation, afin qu’il assume, par délégation, à l’égard des consommateurs finals, les obligations incombant aux fournisseurs d’électricité ». Tel est l’objet du projet de décret transmis par le Gouvernement et sur lequel la CRE s’est prononcée le 18 janvier dernier dans sa délibération ici commentée, dont on retiendra en particulier les éléments suivants.

D’abord, au sujet du contenu du dossier d’autorisation devant être déposé par le producteur, diverses modifications seraient apportées aux articles R. 333-1 à R. 333-9 du Code de l’énergie initialement applicables uniquement aux fournisseurs, en prévoyant notamment l’obligation de transmettre « les caractéristiques commerciales du projet, les caractéristiques techniques de la ou les installations de production, les clients avec lesquels le producteur envisage de signer un contrat de vente directe d’électricité ou les catégories de clients auxquelles il souhaite s’adresse », « les modalités de prise en compte des écarts entre la production effective de la ou des installations et les engagements de disponibilité et de production pris par le producteur auprès du consommateur ainsi que les contrats associés le cas échéant, à défaut de pouvoir transmettre le contrat visé à l’article L. 321-15 du code de l’énergie concernant le règlement des écarts » ou encore « une note précisant les caractéristiques techniques de la ou les installations de production sur lesquelles porte le contrat de vente directe d’électricité et notamment les informations relatives à la localisation, à la technologie de production, à la puissance installée et au productible ». La CRE se prononce favorablement sur la définition du contenu du dossier propre aux producteurs, jugeant les adaptations envisagées pertinentes.

Ensuite, le projet de décret créerait une définition du contrat de vente directe d’électricité comme étant « tout contrat ayant pour objet la vente d’électricité, d’un producteur à un consommateur final à des fins de consommation finale ou à un gestionnaire de réseaux pour ses pertes, sans cession ultérieure ».De cette définition la CRE tire deux enseignements relativement intéressants et faisant écho à des questionnements auxquels les collectivités et les praticiens en général n’ont pas manqué d’être confrontés depuis l’adoption de la loi APER.

D’une part, la CRE déduit de cette définition que les producteurs concluant des contrats purement financiers (« financial PPA » ou « virtual PPA »), dans lesquels « la totalité de la consommation demeure fournie par le fournisseur dans le cadre d’un contrat de fournitureclassique″ », ne sont pas concernés par le régime ainsi défini et par l’obligation de disposer de l’autorisation. La CRE s’estime favorable à cette exclusion compte tenu de la configuration contractuelle.

D’autre part, la CRE interprète cette définition comme confirmant la distinction entre la notion de contrat de vente directe d’électricité et celles d’autoconsommation collective ou collective étendue. En effet, un doute a pu naître sur ce point après la loi APER, au regard notamment du rejet de certaines propositions d’amendements qui avaient pourtant été soumises afin d’inscrire dans la loi le principe selon lequel les producteurs vendant de l’électricité dans le cadre d’opérations d’autoconsommation collective n’étaient pas soumis à l’obligation de disposer d’une autorisation, et plus globalement au régime applicable aux contrats de vente directe d’électricité. La CRE souligne dans sa délibération qu’en plus des règles distinctes posées par le code de l’énergie s’agissant de ce type d’opérations « une opération d’autoconsommation collective s’inscrit dans un cadre conventionnel multipartite, s’organisant autour d’une personne morale organisatrice à la différence d’un contrat de vente directe d’électricité au sens d’un PPA ». Si la CRE appelle de ses vœux une clarification encore plus explicite de la différence de nature entre le contrat de vente directe d’électricité et l’autoconsommation collective, elle fournit ici une interprétation éclairante de la distinction qu’il y a lieu de faire, à ses yeux, entre ces deux dispositifs.

Enfin, la CRE souligne néanmoins deux lacunes du projet de décret. La première concerne l’absence de précision fournie sur la répartition des obligations liées à la consommation d’un consommateur ayant signé un contrat de vente directe d’électricité et qui disposerait de plusieurs fournisseurs. En effet, dans ce cas, « les gestionnaires de réseau ne sont pas en mesure de distinguer quelle part de la consommation de chaque site affecter à chacun des fournisseurs, ce qui complexifie la répartition des obligations entre fournisseurs ». Les obligations ici visées sont celles en matière d’obligation de capacité ou encore de certificats d’économie d’énergie.

La seconde carence pointée par la CRE concerne l’absence de précision sur le dispositif de délégation de l’autorisation dont doivent sinon disposer les producteurs. En particulier, la CRE pointe l’absence d’anticipation des difficultés que ledit dispositif de délégation pourrait générer vis-à-vis des fournisseurs qui pourraient jouer le rôle de délégataire à l’égard des producteurs (en cas de refus d’endosser cette fonction notamment et s’agissant de l’articulation entre la durée des contrats de fourniture et la durée des contrats directs d’achat d’énergie).