Urbanisme, aménagement et foncier
le 15/02/2024

Contentieux d’urbanisme : Précision sur la présomption simple d’intérêt à agir du voisin immédiat.

CE, 19 janvier 2024, n° 469266

Par une décision du 19 janvier 2024 (req. n° 469266), le Conseil d’État rappelle que le voisin immédiat d’un projet de construction ne dispose que d’une présomption simple d’intérêt à agir et précise que l’existence d’une procédure judiciaire portant sur la détermination d’une servitude de passage est dépourvue de tout lien avec la nature, l’importance ou la localisation du projet de construction.

Par un arrêté en date du 21 juin 2018, le Maire de Nîmes (département du Gard) a délivré à la SARL Société de Développement Rural un permis de construire pour la réalisation d’une maison individuelle et d’un garage. Par un arrêt du 29 septembre 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé, à la demande de M. et Mme A., le jugement du 3 décembre 2019 du Tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du Maire de Nîmes et ledit permis de construire.

Dans cette affaire, pour retenir l’intérêt à agir des requérants, la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que M. et Mme A avaient fait état d’un litige portant sur la détermination d’une servitude de passage sur leur fonds au bénéfice du pétitionnaire et que la construction projetée était de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance de leur propriété, notamment à leur vue et à leur tranquillité.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 600-1-2 du Code de l’Urbanisme, un tiers (autre que l’État, une collectivité territoriale ou une association) ne dispose d’un intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme que si la construction, l’aménagement ou les travaux autorisés sont « de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance » du bien qu’il occupe ou détient.

À ce titre, il a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle il appartient au requérant de justifier son intérêt à agir « en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ». Le voisin immédiat dispose, quant à lui, d’une présomption d’intérêt à agir dès lors qu’il « fait état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction » (voir en ce sens : CE 13 avril 2016, n° 389798). Cela étant rappelé, le Conseil d’État a, d’une part, eu l’occasion de rappeler que la présomption d’intérêt à agir du voisin immédiat ne le dispense pas de son obligation de faire état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction, lesquels doivent ressortir de leurs écritures. À ce titre, il a considéré que la seule proximité du projet n’est pas suffisante.

D’autre part, le Conseil d’État a précisé que l’existence d’un litige judiciaire relatif à la « détermination d’une servitude de passage sur [le] fonds » des requérants est « sans lien avec la nature, l’importance ou la localisation du projet de construction ». Dans ces conditions, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille et rejeté la requête de M. et Mme A pour défaut d’intérêt à agir contre le permis de construire litigieux.