Urbanisme, aménagement et foncier
le 15/11/2023

Contentieux d’urbanisme : La médiation n’interrompt pas tous les délais de recours !

CE, 13 novembre 2023, n° 471898

Par une décision en date du 13 novembre 2023 (req. n° 471898), le Conseil d’Etat a précisé que la médiation initiée par une juridiction administrative n’avait pas pour effet d’interrompre le délai fixé par l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme – relatif à la cristallisation des moyens en matière d’autorisation d’urbanisme – pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article L 521-1 du Code de justice administrative.

Dans cette affaire, par une ordonnance du Tribunal administratif de Nîmes du 17 février 2023, le Juge des référés a rejeté une requête tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, à la suspension de l’exécution de l’arrêté en date du 7 juillet 2022 par lequel le maire de Rasteau (Vaucluse) a délivré un permis d’aménager à la commune pour la réalisation de terrains de sport et d’un local technique et sanitaire.

Saisi dans le cadre d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur la computation des délais pour l’introduction d’un référé suspension dirigée contre une décision d’occupation ou d’utilisation du sol, en cas d’intervention d’une médiation initiée par la juridiction.

1. D’une part, le Conseil d’Etat a rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 213-1 du Code de justice administrative, la médiation « s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction».

Lorsqu’une médiation intervient à l’initiative des parties, les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues (articles L. 213-5 et L. 213-6 du Code de justice administrative).

A contrario, l’interruption des délais de recours et la suspension des prescriptions ne sont pas prévues lorsque la médiation est initiée par la juridiction administrative (article L. 213-7 du Code de justice administrative). L’article R. 213-8 du Code de justice administrative précise, uniquement, que la médiation ne dessaisit en aucun cas le juge qui peut prendre, à tout moment, les mesures d’instruction qui lui paraissent nécessaires.

2. D’autre part, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme, créées par le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme, prévoient un mécanisme de cristallisation des moyens pour les contentieux d’urbanisme :

«  Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du code de justice administrative […] ».

Renvoyant à ce mécanisme, l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit que les requêtes en référé suspension dirigées contre une autorisation d’urbanisme ne sont plus recevables à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.

3. Dans ces conditions, compte tenu des dispositions relatives à la médiation d’une part et à la cristallisation des moyens en matière de contentieux de l’urbanisme d’autre part, le Conseil d’Etat a considéré que la médiation organisée à l’initiative du juge n’avait pas d’effet interruptif du délai fixé par l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme :

« Il résulte de la lecture combinée des dispositions citées aux points 3 et 4 que le législateur n’a pas entendu conférer à la médiation organisée à l’initiative du juge un effet interruptif du délai fixé par l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article L 521-1 du code de justice administrative. Il s’ensuit qu’en jugeant que la mise en œuvre, à l’initiative du juge, d’une médiation n’avait pu avoir pour effet, ni sur le fondement de l’article L. 213-6 du code de justice administrative, ni sur celui d’aucun principe général du droit, d’interrompre le délai institué par l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme pour la saisine du juge du référé afin d’obtenir la suspension de l’exécution du permis d’aménager contesté, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes n’a pas entaché son ordonnance d’erreur de droit ».

Autrement dit, dans le cadre d’un contentieux relatif à une autorisation d’urbanisme, à l’expiration d’un délai de deux mois suivant l’enregistrement du premier mémoire en défense, le requérant n’est plus recevable pour introduire un recours en référé suspension sans que l’intervention d’une médiation initiée par le juge ne puisse y faire obstacle.