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le 11/04/2024

Contentieux de l’accès aux documents administratifs : le Conseil d’Etat applique sa jurisprudence Czabaj

CE, 11 mars 2024, n° 488227

Par son arrêt n° 488227 en date du 11 mars 2024, le Conseil d’Etat fait application de sa jurisprudence Czabaj au contentieux de l’accès aux documents administratifs et précise le point de départ du délai raisonnable en la matière. Dans cette affaire, la société CCM Benchmark Group avait demandé, les 15 et 16 septembre 2020, au ministre de l’Education nationale de lui communiquer les résultats des évaluations des acquis des élèves. Faute de réponse, la société a saisi la CADA, le 27 octobre 2020. Celle-ci a rendu un avis favorable à la communication le 10 décembre 2020. Entre-temps, le 9 novembre, le ministère, par un courriel ne mentionnant pas les voies de recours, a opposé un refus explicite à la société.

La société requérante avait saisi le Tribunal administratif de Paris du refus de communication des documents administratifs, dans un délai d’un an à compter de l’avis de la CADA (et non la décision explicite de refus opposée par le ministère). Le Tribunal administratif a fait droit à sa demande en faisant application de la jurisprudence Czabaj au litige et en fixant le point de départ du délai raisonnable à la naissance d’une décision implicite de refus deux mois après la saisine de la CADA. Ce jugement contre lequel le ministre s’est pourvu en cassation est annulé par le Conseil d’Etat qui n’a validé qu’une partie du raisonnement suivi par les premiers juges.

D’abord, la Haute juridiction a confirmé l’application de sa jurisprudence Czabaj au contentieux de l’accès aux documents administratifs. Il a ainsi jugé que : « le demandeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la confirmation du refus de communication de documents administratifs qu’il a sollicités pour en demander l’annulation au tribunal administratif compétent, sous réserve qu’il ait été informé tant de l’existence du recours administratif préalable obligatoire devant la CADA et des délais dans lesquels ce recours peut être exercé que des voies et délais de recours contentieux contre cette confirmation. En l’absence de cette information, le demandeur peut demander l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Sauf circonstance particulière, que ne constitue pas la notification de l’avis de la CADA, ce délai ne saurait excéder un an ».

En revanche, le Conseil d’Etat n’a pas suivi le Tribunal quant à la fixation du point de départ du délai de recours. Les premiers juges avaient considéré, en substance, que la décision pouvant faire l’objet d’un recours contentieux n’intervenait qu’après l’avis de la CADA ; la décision de l’administration devant être éclairée par l’avis de la CADA. Le Conseil d’Etat a, au contraire, estimé que « lorsque l’administration, saisie d’une demande de communication de documents administratifs, oppose un refus au demandeur postérieurement à la saisine de la CADA, cette décision doit être regardée comme la confirmation du refus de communication, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, qui fait obstacle à la naissance d’une décision implicite à l’expiration du délai de deux mois mentionné à l’article R. 343-5 » du Code des relations entre le public et l’administration.

En d’autres termes, la décision administrative que le requérant doit attaquer devant le Tribunal administratif est la première décision prise sur la demande de communication qu’il a formulée (qu’elle soit implicite ou explicite), la décision intervenant postérieurement à la saisine de la CADA n’étant qu’une décision confirmative. Au regard de cette analyse du Conseil d’Etat sur la notion de décision confirmative, il s’ensuit que le délai raisonnable d’un an court à compter de la première décision de refus de communication d’un document administratif et non à compter de la décision confirmative de rejet. Ainsi que le résume Monsieur Laurent DOMINGUO, rapporteur public, « en l’espèce, en jugeant que la décision à attaquer n’était pas celle explicite du 9 novembre 2020, que le ministère a prise quelques jours après la saisine de la CADA, mais celle, implicite, survenue deux mois après cette saisine et après l’avis de la CADA du 10 décembre 2020, le tribunal a, comme le soutient le ministre, commis une erreur de droit sur le point de départ du délai de recours contentieux ». En l’occurrence, le recours de la société requérante était ainsi tardif et donc irrecevable.