Droit des données
le 11/12/2025

Consultation publique de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) : vers une refonte complète du cadre « Informatique et Libertés » du logement social

Consultation publique de la CNIL sur des projets de fiches et de référentiels – Logement social

La CNIL a ouvert, le 19 novembre 2025, une consultation publique d’ampleur portant sur l’ensemble des traitements de données mis en œuvre par les acteurs du logement social. Cette initiative marque une refonte structurelle du dispositif existant, le « pack logement social » de 2014, qui n’était plus adapté aux exigences du RGPD ni aux évolutions profondes des pratiques professionnelles du secteur.

La démarche consiste à soumettre à consultation trois ensembles de documents. D’une part, dix fiches générales rappelant les principes structurants de la protection des données dans ce domaine, notamment la détermination des finalités de traitement, la qualification des responsables et des sous-traitants, les bases légales mobilisables selon les catégories d’opérations (gestion locative, accompagnement social, prévention des impayés, sécurité des immeubles), les règles relatives aux données sensibles, la durée de conservation et les modalités d’information des personnes. La CNIL y précise également les attendus en matière de documentation interne, de gouvernance de la conformité, de contractualisation, de sécurité technique et organisationnelle, ainsi que la doctrine applicable aux transferts hors UE.

D’autre part, trois fiches thématiques approfondissent des sujets sensibles et en forte évolution. La première porte sur la vidéosurveillance et les dispositifs de contrôle d’accès dans les immeubles, en rappelant les limites posées par le Code de la sécurité intérieure, l’encadrement strict des finalités (sécurité des biens et des personnes, lutte contre les incivilités), la nécessité d’un registre documentaire complet et la prohibition de tout détournement de finalité, notamment en matière disciplinaire ou de surveillance individualisée. La deuxième examine les enquêtes et évaluations conduites par les bailleurs, notamment celles relatives aux situations sociales ou aux conditions d’occupation des logements, en encadrant les données collectées, les destinataires autorisés, les conditions d’information et l’exigence de proportionnalité. La troisième fiche traite des objets connectés dans le logement social (capteurs environnementaux, solutions domotiques, télérelève), en soulignant les risques accrus de profilage et d’atteinte à la vie privée, ainsi que la nécessité d’évaluer systématiquement les impacts via une AIPD et de limiter strictement les données collectées aux finalités d’amélioration du service.

Enfin, trois référentiels opérationnels sont soumis à commentaires. Le premier concerne la gestion locative dans toutes ses composantes : attribution, quittancement, gestion des impayés, entretien du parc, interventions techniques et accompagnement social. Le deuxième porte sur les traitements relatifs aux demandes de logement, au relogement et aux mutations, en précisant les données indispensables à l’instruction administrative, celles qui doivent être exclues et les durées de conservation applicables. Le troisième vise le domaine de l’accession sociale à la propriété, incluant la gestion des dossiers financiers, la solvabilité, les dispositifs d’accession progressive et l’accompagnement des accédants. Ces référentiels, s’ils sont adoptés, constitueront un cadre opposable en cas de contrôle, permettant aux organismes de sécuriser la conformité des traitements les plus structurants.

La consultation est ouverte jusqu’au 15 février 2026 et s’adresse non seulement aux organismes HLM, mais aussi aux collectivités territoriales, aux sociétés d’économie mixte, aux coopératives, aux services déconcentrés de l’État, aux associations d’usagers et, plus largement, à toute partie intéressée. Elle intervient dans un contexte où les bailleurs sont confrontés à une augmentation des exigences réglementaires, à une diversification des technologies utilisées et à des attentes renforcées en matière de transparence et de protection des données. La démarche de la CNIL pourrait conduire, à l’issue de la consultation, à un cadre harmonisé et stabilisé, facilitant la mise en conformité et réduisant les risques juridiques pour les organismes. Elle constitue, à ce titre, une étape déterminante dans l’adaptation du secteur du logement social aux standards contemporains de protection des données.