Urbanisme, aménagement et foncier
le 24/01/2023

Confirmation de la demande de permis de construire après l’annulation du refus : pas de modifications au projet initial pour bénéficier de la cristallisation des règles d’urbanisme

CE, 14 décembre 2022, n° 448013

Par une décision en date du 14 décembre 2022, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la portée des articles L. 600-2 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme relatives, d’une part, à la cristallisation de la règle d’urbanisme lorsqu’une décision de refus de permis de construire a été annulée par le juge.

Dans cette affaire la société Eolarmor a déposé une demande de permis de construire valant permis de démolir en vue de la réalisation d’un immeuble collectif sur le territoire de la commune de Trébeurden (Côtes d’Armor). Par un premier arrêté en date du 6 juin 2014, le Maire a refusé la délivrance de ce permis. Saisi par la société pétitionnaire, le Tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 17 mars 2017, annulé cette décision de refus et enjoint au Maire de prendre une nouvelle décision. La Commune a, alors, relevé appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Nantes. Dans le même temps, la société Eolarmor ayant confirmé sa demande, le Maire a, par un arrêté du 9 mai 2017, à nouveau, refusé de délivrer un permis de construire.

Par un arrêt en date du 16 mars 2018, la Cour administrative de Nantes a donné acte du désistement de la commune formé contre le jugement du 17 mars 2017, compte tenu d’un protocole transactionnel établi avec la société Eolarmor. Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 17 mars 2017 annulant le refus de permis de construire initial est par suite devenu définitif. La société Eolarmor a alors confirmé sa demande de permis de construire et le Maire a délivré le permis sollicité par un arrêté du 20 avril 2018.

Un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de ce permis a, alors, été formé par deux associations devant le Tribunal administratif de Rennes, lequel a rejeté la requête par un jugement du 7 octobre 2019. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que le permis de construire du 20 avril 2018, par un arrêt du 20 octobre 2020.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la portée des articles L. 600-2 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme à la cristallisation de la règle d’urbanisme lorsqu’une décision de refus de permis de construire a été annulée par le juge.

Les dispositions de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme prévoient, en effet, que :

« Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire ».

Après avoir rappelé que la cristallisation des règles applicables pour statuer sur la demande de permis de construire dont le refus a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle devenue définitive nécessitait l’intervention d’une confirmation de la demande dans un délai de 6 mois, le Conseil d’Etat a précisé que ces dispositions dérogatoires « sont d’interprétation stricte ».

Plus précisément, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour administrative d’appel de Nantes n’avait pas entaché son arrêt d’erreur de droit en retenant que « la demande présentée par la société Eolarmor ne pouvait être considérée comme une confirmation de sa demande d’autorisation initiale au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dès lors qu’elle impliquait une modification du projet dépassant de simples ajustements ponctuels, qu’il s’agissait par suite d’une demande portant sur un nouveau projet et qu’elle devait, dans ces conditions, être appréciée non au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision illégale de refus de permis de construire, mais au regard des règles du plan local d’urbanisme adopté en 2017, applicables à la date de cette nouvelle demande ».

Le Conseil d’Etat a, donc, fait le choix d’une application stricte du texte, contrairement à ce que proposait son rapporteur public, Monsieur Nicolas Agnoux. En effet, ce dernier, envisageant les deux solutions, proposait aux magistrats de permettre au pétitionnaire de bénéficier de la cristallisation prévue par les dispositions de l’article L. 600-2, dès lors que les évolutions de la demande initiale n’avaient pas pour effet de créer des non-conformités supplémentaires au regard du document d’urbanisme désormais en vigueur et qu’elles n’entrainaient pas « un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » du projet. Autrement dit, le rapporteur public proposait au Conseil d’Etat de transposer la jurisprudence applicable en matière de permis de construire modificatif.

Tel n’est, toutefois pas la position retenue par le Conseil d’état qui précise que le pétitionnaire ne peut se prévaloir d’aucune cristallisation de la règlementation applicable à la suite de l’annulation d’un refus de permis de construire si le projet ayant fait l’objet d’une confirmation de demande de permis de construire diffère de celui présenté dans la demande initiale.

Ainsi, le pétitionnaire souhaitant bénéficier de la cristallisation des règles prévue par les dispositions de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme ne pourra apporter à son projet que de simples ajustements ponctuels – lesquels restent, toutefois, à définir.

Au surplus, le Conseil d’Etat a également eu l’occasion de rappeler les conditions de mise en œuvre des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme qui permettent aux magistrats de surseoir à statuer sur les conclusions dont ils sont saisis contre une autorisation d’urbanisme lorsque le ou les vices qui affectent sa légalité sont susceptibles d’être régularisés.

A ce titre, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme ne pouvaient être mises en œuvre dès lors que l’un au moins des vices affectant la légalité du permis de construire est insusceptible d’être régularisé.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a considéré que la société Eolarmor n’était pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 20 octobre 2000 et a mis à sa charge sa somme de 3 000 euros à verser aux associations requérantes au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.