Urbanisme, aménagement et foncier
le 12/10/2023

Censure seulement partielle par le Conseil d’Etat de l’un des décrets Zéro Artificialisation Nette du 29 avril 2022 en ce qui concerne la définition des zones artificialisées

CE, 4 octobre 2023, n° 465341

CE, 4 octobre 2023, n° 465343

    L’association des maires de France (AMF) a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation du décret n° 2022-763 en date du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme, décret consécutif à la loi dite « Climat et Résilience » de 2021 ayant notamment fixé l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en France à l’horizon 2050. Ce décret, dit décret « Nomenclature » a pour objectif de déterminer les surfaces devant être considérées comme artificialisées et celles comme non artificialisées.

Le Conseil d’Etat a jugé que le décret ne remplissait pas pleinement son office. Il a, d’abord, cité l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme, créé par l’article 1er du décret attaqué. Pour rappel, selon cet article :

« I.- Les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols fixés dans les documents de planification et d’urbanisme portent sur les surfaces terrestres jusqu’à la limite haute du rivage de la mer.

 II.- Les surfaces sont classées dans les catégories de la nomenclature annexée au présent article. Le classement est effectué selon l’occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d’urbanisme.

 L’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géolocalisée.

Le solde entre les surfaces artificialisées et les surfaces désartificialisées est évalué au regard des catégories indiquées dans la nomenclature.

III.-Au sens de l’article L. 101-2-1 et du présent article, les documents de planification régionale sont :

1° Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires mentionné à l’article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales ;

2° Le plan d’aménagement et développement durable de Corse mentionné à l’article L. 4424-9 du Code général des collectivités territoriales ;

3° Le schéma d’aménagement régional mentionné à l’article L. 4433-7 du Code général des collectivités territoriales ;

4° Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France mentionné à l’article L. 123-1 du présent code ».

Ensuite, le Conseil d’Etat a relevé que cet article se référait à la notion de « polygone » et renvoyait, s’agissant de la définition de la surface desdits polygones, à « un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géolocalisée », lesquels ne font pas l’objet d’une définition par décret en Conseil d’Etat.

L’AMF reprochait au décret de déléguer à un arrêté une précision qui devait être prise par décret.

Retenant le bienfondé de cette critique, le Conseil d’Etat a considéré que « les auteurs du décret attaqué ne peuvent être regardés comme ayant établi, comme il leur appartenait de le faire […] l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».

En d’autres termes, en revoyant simplement à la notion de polygone sans donner de précision suffisante sur la manière seraient déterminés et appliqués, le Gouvernement n’a pas satisfait à ses obligations résultant de la loi Climat Résilience.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a annulé le 2ème alinéa du II. de l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme.

Il y a fort à parier qu’un futur décret va venir combler cette carence née de cette annulation. En effet, l’on vous rappelle qu’en parallèle de l’adoption de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux dite « Loi ZAN », deux projets de décrets ont été mis à la consultation du public durant l’été, dont les versions finalisées devraient être publiées prochainement.

    A l’inverse, le Conseil d’Etat a rejeté, le même jour, un second recours émanant également de l’AMF et tendant à l’annulation du décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), dit décret SRADDET (CE, 4 octobre 2023, n° 465343).

L’association requérante reprochait au décret de prévoir que la cible d’artificialisation nette des sols soit fixée par les règles du fascicule du SRADDET, en méconnaissance de la loi qui en fait un simple objectif. En somme, l’AMF estimait que les textes prévoyaient que le SRADDET s’imposerait de manière trop stricte aux documents locaux (SCOT, PLU, etc.).

Le Conseil d’Etat n’a pas retenu cet argument et a jugé que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à un niveau régional, dans le cadre des SRADDET, qui s’imposeront ensuite aux documents locaux au niveau intercommunal et communal par un rapport de compatibilité, est conforme à la loi de 2021.

L’un des autres reproches qui était fait à ce décret, était celui de l’absence de prise en compte, par le décret, des efforts déjà réalisés au titre des critères à prendre pour fixer au niveau local les objectifs ZAN. Toutefois, le Conseil d’Etat juge qu’une telle mention n’était pas nécessaire, dans la mesure où la loi « Climat Résilience » elle-même prévoit que ces efforts passés pourront être pris en compte lors de l’élaboration du document, notamment par le biais de l’association des établissements publics chargés de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale à la fixation et à la déclinaison des objectifs du SRADDET en matière de maîtrise de l’artificialisation.