Méthode d’évaluation de la valeur vénale d’un bien immobilier : précisions sur la recevabilité des termes de référence dans le cadre d’une procédure de fixation devant le juge de l’expropriation

Dans un arrêt en date du 19 septembre 2024, la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions sur les informations à transmettre concernant les termes de référence dans le cadre d’une procédure judiciaire de fixation de l’indemnité de dépossession pour permettre de mettre en œuvre la méthode d’évaluation des biens par comparaison.

Dans cette espèce, une SARL a mis en œuvre son droit de délaissement concernant des parcelles situées au sein d’une zone d’aménagement concertée. Dans le cadre de la procédure judiciaire de fixation, la Cour d’appel de Paris (arrêt du 15 juin 2023, n° 22/04648) a retenu des termes de comparaison à partir des références cadastrales et des numéros de publication sans pour autant que les actes de mutation correspondants à ces termes n’aient été produits par les parties.

La société a formé un pourvoi en soulevant le moyen du non-respect du principe du contradictoire en raison de l’absence de production de ces éléments.

Dans son arrêt du 19 septembre dernier, la Cour de cassation a pu rappeler que le principe du contradictoire supposait nécessairement que les parties puissent débattre des termes de comparaison proposés.

A ce titre, elle considère qu’il n’existe aucune obligation de produire les actes de vente correspondant aux termes de comparaison présentés, ces derniers pouvant être admis sous réserve que les informations relatives à la mutation ainsi que les références de publication soient fournies :

« 4. Pour fixer le montant de l’indemnité d’expropriation ou de délaissement, le juge apprécie souverainement les termes de comparaison issus des actes de mutation sélectionnés sur lesquels chaque partie se fonde pour retenir l’évaluation qu’elle propose, dès lors que celles-ci ont été en mesure d’en débattre contradictoirement.

    1. Les termes de comparaison invoqués par les parties dans leurs conclusions, issus de bases de données accessibles au public, dès lors qu’ils comportent les informations énoncées à l’article R. 112 A-1 du livre des procédures fiscales et sont accompagnés des références de publication permettant, le cas échéant, l’obtention auprès du service de la publicité foncière des actes de mutation concernés, mettent les parties en mesure de débattre contradictoirement de leur bien-fondé ou de leur pertinence.
    2. Le moyen, qui postule que ne peut être pris en compte, sauf à méconnaître le principe de la contradiction, un terme de comparaison comportant ses références de publication, s’il n’est accompagné de la production de l’acte de vente correspondant, n’est donc pas fondé ».

La Cour de cassation juge ainsi que dès lors que les parties disposent des éléments leur permettant d’obtenir les actes correspondant aux termes de comparaison directement auprès du service de la publicité foncière, le principe du contradictoire est respecté dans le cadre des débats.

Si la Cour de cassation fait preuve d’une forme de pragmatisme en n’imposant pas la production de l’ensemble des actes de mutation à l’appui de la mention des termes de comparaison, il convient de relever que les éléments exigés excèdent ceux accessibles sur les plateformes disponibles gratuitement (type DVF).

Il convient donc d’être vigilant à la production des informations d’identification de la parcelle (date et nature de la mutation, prix, adresse, références cadastrales, descriptif du bien dès lors qu’il a été déclaré à l’administration) et du numéro de publication au service de publicité foncière, sans quoi le terme de comparaison ne pourra pas être retenu.

Le Conseil Constitutionnel confirme la restriction de l’exercice de l’action civile des associations de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Dans une décision en date du 22 novembre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le troisième alinéa de l’article 2-6 du Code de procédure pénale[1] en ce qu’il ne prévoit pas la possibilité, pour les associations de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, d’exercer une action civile pour des faits de séquestration, de vol et extorsion.

Le 11 septembre 2024, la Chambre criminelle de la Cour de cassation [2] avait transmis au Conseil constitutionnel, une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) soulevée par l’Association Stop Homophobie sur la conformité de cette disposition issue de la loi du 10 mai 2024, estimant que cette limitation des droits reconnus à la partie civile pour les associations à certaines infractions énumérées est contraire :

  • au droit à un recours juridictionnel effectif et à la liberté d’association ;
  • aux principes d’égalité devant la loi et devant la justice.

Le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que la restriction des droits reconnus aux associations qui luttent contre les discriminations sexuelles et sexistes, n’entrave aucunement leur capacité d’agir et que la différence de traitement avec d’autres associations admises et recevables à agir se justifie par une différence objective de situation en lien avec l’objet défendu par les statuts de l’association.

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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045099310

[2] Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 septembre 2024 – n° 24-90.009

La dissolution administrative des associations s’applique aux partis politiques

Par un arrêt du 30 décembre 2024, le Conseil d’Etat a confirmé la légalité du décret du 4 octobre 2023[1] prononçant, sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure (CSI), la dissolution de l’association Civitas.

Particulièrement usité ces dernières années, ce n’est vraisemblablement pas le caractère dérogatoire du régime institué par ces dispositions du CSI – permettant à l’autorité administrative de prononcer directement la dissolution de groupements ou associations dont l’activité constitue une menace immédiate pour l’ordre public – qui a valu à cette décision d’être remarquée.

Son intérêt réside, outre le fait que la Haute juridiction a jugé la dissolution justifiée (1), dans l’application de cette procédure à un parti politique (2).

 

1. Une dissolution justifiée au regard des risques de troubles à l’ordre public résultant des prises de position de l’association

Les dispositions de l’article L. 212-1 du CSI, issues de la loi du 10 janvier 1936[2], permettent la dissolution de toutes les associations ou groupements de fait par décret en conseil des ministres.

Compte tenu de l’atteinte portée à la liberté d’association par cette décision administrative – qui déroge à la compétence du juge judiciaire en la matière[3] –, le juge opère naturellement un contrôle particulièrement étroit des motifs sur lesquels elle repose.

Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé qu’« eu égard à la gravité de l’atteinte portée par une mesure de dissolution à la liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, les dispositions de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure sont d’interprétation stricte et ne peuvent être mises en œuvre que pour prévenir des troubles graves à l’ordre public ».

Il a en outre précisé que « la décision de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait prise sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure ne peut être prononcée, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public par les agissements entrant dans le champ de cet article ».

La mise en œuvre de ce contrôle a conduit à un examen minutieux des motifs avancés pour dissoudre l’association Civitas, lequel a conduit le juge administratif à exclure l’un des trois motifs sur lesquels se fondaient le décret de dissolution.

Le premier motif, figurant à l’alinéa 5 de l’article L. 212-1 du CSI, vise les groupements « qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ».

A cet égard, le Conseil d’Etat a estimé que l’organisation de « commémorations à l’occasion de la mort de Philippe Pétain », d’hommages « à des Collaborateurs » et l’utilisation d’ « emblèmes rappelant ceux utilisés par « l’autorité de fait se disant » gouvernement de l’État français » permettaient d’établir « l’exaltation de la collaboration ».

Le deuxième motif, mentionné à l’alinéa 6 de l’article L 212-1 du CSI, permet la dissolution d’un groupement qui « provoque ou contribue par ses agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes », notamment en raison de leur appartenance à une religion ou une prétendue race.

Sur ce point, le juge administratif a relevé un certain nombre d’éléments du dossier attestant des propos antisémites régulièrement tenus par les responsables de l’association, des appels à la discrimination à l’égard des personnes de confession musulmane et plus généralement étrangères ou issues de l’immigration, ou encore de la vision hostile aux personnes homosexuelles exprimée publiquement et en des termes dégradants.

Il a en outre souligné que la mise en ligne des propos des responsables de l’association suscitait souvent des commentaires à caractère discriminatoire ou haineux, sans que ceux-ci fassent l’objet ni d’une condamnation, ni d’une modération de la part de l’association.

En revanche, s’agissant du troisième motif, le Conseil d’Etat juge que le décret a fait une inexacte application des dispositions du 3° de l’article L. 212-1 du CSI, estimant ainsi que l’association ne pouvait être dissoute sur le fondement d’une remise en cause de la forme républicaine du Gouvernement. Ce motif a néanmoins été neutralisé considérant le fait que l’auteur du décret aurait pris la même décision s’il ne s’était fondé que sur les dispositions des 5° et 6° de l’article L. 212-1 du CSI.

 

2. Une dissolution prononcée à l’encontre d’un parti politique

On l’a dit, l’association Civitas présentait la particularité d’être constituée en parti politique au sens de la loi de 1988[4].

Et alors que la requérante faisait justement valoir qu’elle constituait un parti politique, le juge administratif a estimé que « […] les partis politiques constitués en association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ne sont pas exclus par principe du champ d’application de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure. Le moyen tiré de ce que le décret serait entaché de détournement de procédure ou de détournement de pouvoir, au motif qu’il aurait pour objet, sous couvert de la dissolution d’une association, de procéder à la dissolution d’un parti politique ne peut donc qu’être écarté. […] ».

Pour le dire simplement, le Conseil d’Etat juge sans équivoque que l’article L. 212-1 du CSI est applicable à un parti politique, y compris au sens de la loi de 1988.

Il faut préciser que si la solution n’est pas nouvelle, la question méritait en réalité d’être reposée. En effet, depuis l’intervention de la loi du 10 janvier 1936, de nombreux groupements identifiés comme des « partis politiques » avaient déjà été dissous. Les solutions jurisprudentielles[5] rendues sur ces dissolutions étaient néanmoins antérieures à la loi de 1988 qui a créé la véritable définition du parti politique en France[6].

Si certains ont pu penser que l’existence de cette législation spécifique en matière de partis politiques pouvait suggérer une protection particulière de ces entités, la solution retenue exprime, au fond, qu’un parti politique est avant tout une association. On soulignera en outre la cohérence de cette solution sur le plan historique puisque la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association marque la naissance des partis politiques modernes – les garanties offertes par cette loi ayant contribué à permettre aux organisations politiques de l’époque de s’inscrire plus clairement dans un cadre légal[7].

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[1] NOR : IOMD2326367D.

[2] Loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées.

[3] On rappellera que la dissolution d’une association peut être prononcée par le juge judiciaire, notamment à la diligence du ministère public, lorsque le groupe à un objet social non conforme à l’ordre public (article 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association).

[4] Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

[5] V. par ex. CE, 17 avril 1963, Association « Parti Nationaliste », n° 47273 ; CE, Ass., 21 juillet 1970, Sieurs Krivine et Franck, n° 76179 et 76232 ; CE, Ass., 21 juillet 1970, Sieur Jurquet, n° 76233 ; CE, 13 janvier 1971, Sieur Geismar, n° 81087.

[6] Cf. titre III de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

[7] Huard Raymond, La naissance du parti politique en France, Presses de Sciences Po. « Académique », 1996, spéc. p. 289 à 310.

L’ère de la régulation débute avec l’IA Act : interdiction des IA à risque inacceptable à compter du 2 février 2025

Le règlement sur l’Intelligence Artificielle (IA Act)[1] constitue la première législation d’envergure à l’échelle mondiale qui vise à encadrer le développement, la mise sur le marché et l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle (IA) présentant des risques pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux.

Entré en vigueur le 1er août 2024, ce règlement instaure un cadre législatif structuré, dont l’application se fait progressivement sur deux ans.

 

1. Les quatre niveaux de risque

L’IA Act propose une classification des systèmes d’IA en quatre catégories, déterminées par le niveau de risque qu’ils présentent. Selon le niveau de risque identifié, les obligations réglementaires applicables varient.

  • Risque inacceptable[2]

Un système d’IA est considéré comme présentant un risque inacceptable lorsque son utilisation est contraire aux valeurs fondamentales de l’Union européenne et aux droits fondamentaux.

Il peut s’agir, par exemple, de systèmes de notation sociale ou de technologies exploitant la vulnérabilité des individus, qui mettent en péril les principes essentiels de dignité et d’égalité.

Ces IA sont totalement prohibées par le règlement.

  • Haut risque[3]

Un système d’IA est considéré comme étant à haut risque lorsqu’il peut porter atteinte à la sécurité des personnes ou à leurs droits fondamentaux. Dès lors, le développement de ces IA est soumis à des exigences renforcées (évaluation de conformité, documentation technique, …).

Ces systèmes sont listés au sein de des annexes I et III de l’IA Act, incluant, entre autres, les systèmes d’IA biométriques ainsi que les systèmes d’IA utilisés dans le recrutement.

  • Risque spécifique en matière de transparence[4]

Certains systèmes d’IA, parce qu’ils interagissent avec des personnes physiques, et qu’ils peuvent les influencer et orienter leurs comportements, présentent un risque spécifique de transparence. Partant, certaines obligations en matière d’information aux personnes leur sont applicables pour, d’une part, garantir une transparence totale et, d’autre part, renforcer la confiance dans ces outils.

À titre d’exemple, il est nécessaire que les utilisateurs employant des chatbots soient clairement informés de leur interaction avec une machine.

  • Risque minimal

Cette catégorie englobe tous les systèmes d’IA ne présentant pas de risques particuliers en matière de sécurité ou de protection des droits fondamentaux. En conséquence, aucune obligation spécifique ne leur est applicable.

Selon la Commission européenne, ces systèmes représentent la grande majorité de ceux actuellement utilisés ou susceptibles de l’être au sein de l’Union européenne.

Cette catégorie comprend notamment des applications telles que les jeux vidéo intégrant l’IA ou les filtres anti-spam, qui, en raison de leur faible impact sur la sécurité et les droits fondamentaux, échappent à une réglementation spécifique.

 

2. Les systèmes d’IA à risque inacceptable interdits dès le 2 février 2025

A partir du 2 février 2025, les systèmes d’IA présentant un risque inacceptable, c’est-à-dire ceux dont l’utilisation est contraire aux valeurs fondamentales de l’Union Européenne, seront interdits.

A titre d’illustration, sont spécifiquement interdits :

  • les technologies de notation sociale ;
  • les technologies qui exploitent les vulnérabilités dues à l’âge, au handicap ou à la situation sociale ou économique spécifique d’une personne physique ;
  • les techniques subliminales, au-dessous du seuil de conscience d’une personne, ou les techniques délibérément manipulatrices ou trompeuses ;
  • l’identification biométrique utilisée par les services répressifs à distance en temps réel et dans des lieux accessibles au public ;
  • la police prédictive ciblant les individus[5];
  • la reconnaissance des émotions sur le lieu de travail et dans les établissements.

Toute entité ne respectant pas ces interdictions de mise sur le marché, de mise en service, et d’utilisation des systèmes d’IA à risque inacceptable s’expose à une amende administrative pouvant aller jusqu’à 35 millions d’euro (ou 7 % de son chiffre d’affaires annuel mondial)[6].

Ainsi, il est essentiel que toutes les entités, qu’elles soient publiques ou privées, identifient les systèmes d’IA qu’elles utilisent et procèdent à une cartographie précise des obligations qui leur sont applicables.

L’interdiction reflète une volonté de préserver la vie privée, la dignité humaine et les libertés fondamentales face à des systèmes d’IA potentiellement intrusifs.

En définitive, l’IA Act marque une volonté claire de l’Union européenne de protéger les droits fondamentaux et de limiter les usages abusifs de l’IA.

Cependant, cette régulation soulève des défis majeurs : définir précisément les frontières d’un “risque inacceptable” risque de s’avérer complexe et pourrait créer une insécurité juridique pour les entreprises. De plus, le caractère potentiellement lourd des obligations imposées (en matière de conformité et de preuves de non-nocivité) pourrait freiner l’innovation et décourager les jeunes pousses technologiques. À l’inverse, on peut espérer qu’en instaurant un cadre clair, l’UE encourage un environnement compétitif où les acteurs les plus responsables s’épanouissent, tout en protégeant les citoyens.

La réussite de cette réglementation dépendra toutefois de sa mise en application concrète, notamment de la coordination entre autorités nationales et instances européennes.

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[1]Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle et modifiant les règlements (CE) n° 300/2008, (UE) n° 167/2013, (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1139 et (UE) 2019/2144 et les directives 2014/90/UE, (UE) 2016/797 et (UE) 2020/1828 (règlement sur l’intelligence artificielle) (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

[2] Article 5 IA Act

[3] Article 6 et suivants IA Act

[4] Articles 50 et suivants IA Act

[5] Renvoie aux systèmes d’IA visant à prédire le risque qu’une personne physique commette une infraction pénale, uniquement sur la base du profilage de la personne ou de l’évaluation de ses traits et/ou de ses caractéristiques.

[6] Article 99.3) IA Act

La Cour de cassation confirme la possibilité pour le candidat évincé de passer du référé précontractuel au référé contractuel devant le juge judiciaire

Par un arrêt publié au Bulletin en date du 14 novembre 2024, la Cour de cassation a consacré la possibilité de passer du référé précontractuel au référé contractuel devant le juge judiciaire en cas de conclusion du contrat pendant la période de suspension liée à l’introduction d’un recours précontractuel.

Dans cette affaire, la Société Communale de Saint-Martin (SEMSAMAR) a lancé un avis public à concurrence le 26 novembre 2021 pour la désignation d’un second commissaire aux comptes. Une société de commissariat aux comptes a vu son offre rejetée par une délibération du 15 septembre 2022.

La société évincée a alors assigné la SEMSAMAR selon la procédure accélérée au fond devant le Tribunal judiciaire de Fort-de-France le 23 septembre 2022, dénonçant des irrégularités dans la passation du marché et demandant l’annulation de la délibération du 15 septembre 2022.

L’accord-cadre ayant été signé le 27 septembre 2022 par la SEMSAMAR avec l’attributaire pressenti, la société requérante a demandé, dans ses dernières conclusions, l’annulation de cet accord en application des articles 16 et 18 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique et au motif que la signature était intervenue en violation de la suspension obligatoire prévue par l’article 4 de l’ordonnance.

Le Tribunal judiciaire de Fort-de-France a joint les deux instances mais, par jugement du 28 avril 2023, a rejeté les demandes de la société évincée, estimant notamment que le recours en référé précontractuel était devenu sans objet et qu’elle n’était pas recevable à modifier ses demandes afin de transformer son recours précontractuel en recours contractuel.

Devant la Cour de cassation, la société évincée a soulevé le moyen selon lequel la signature du contrat pendant la période de suspension lui ouvrait la possibilité de transformer son recours précontractuel en un recours contractuel sur les fondements des articles 16 et 18 de ladite ordonnance.

Par cette décision, la Cour de cassation a jugé, outre que le défaut d’exposé des moyens des parties constituait une violation substantielle de l’article 455 du Code de procédure civile, qu’il résulte de la combinaison articles 4, 12, 16, 17 et 18 de l’ordonnance « qu’en cas de conclusion du contrat pendant la période de suspension, le candidat évincé qui a introduit un recours précontractuel peut modifier ses demandes devant le juge et conclure à l’annulation de ce contrat, sur le fondement des textes applicables au recours contractuel. » (Point 17 de l’arrêt)

En d’autres termes, la Cour a considéré de manière très nette que la signature d’un contrat pendant la période de suspension liée à l’introduction d’un recours précontractuel prévue par l’article 4 de l’ordonnance n° 2009-515 permet au candidat évincé de modifier ses demandes et transformer son recours précontractuel en recours contractuel.

Par conséquent, la Cour a cassé le jugement attaqué, renvoyé l’affaire devant une autre composition du Tribunal judiciaire de Fort-de-France.

Ainsi, l’arrêt apporte une précision essentielle sur l’articulation entre recours précontractuel et contractuel. Et permet de clarifier les droits des candidats évincés. Pour rappel, il ressort de l’article 18 de l’ordonnance susvisée qu’en cas de violation de l’obligation de suspension, le juge peut annuler le contrat, pouvant également envisager d’autres sanctions (résiliation, réduction de durée, pénalités financières).

Notons que cette décision rendue par le juge judiciaire s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence administrative sur ce point[1] mais s’avère également plus souple pour le requérant évincé puisque la Cour de cassation ne retient pas ici le critère de l’ignorance par le candidat évincé de la signature du marché attaqué.

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[1] CE, 10 novembre 2010, France Agrimer, n° 340944 ; CE 24 juin 2011, Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, n° 346665 ; CE 5 mars 2014, Sté Eiffage TP, n° 374048. ; CE 17 juin 2015, Société Proxiserve, n° 388457

Le titulaire d’un marché public doit notifier toute contestation relative aux prescriptions des bons de commande dans un délai de quinze jours, à peine de forclusion

Dans cette affaire, la communauté d’agglomération Sophia Antipolis avait conclu le 11 mai 2015, un marché à prix unitaires à bons de commande relatif à l’exploitation du réseau « Envibus » avec la société Corporation française de transports de Perpignan Méditerranée (transféré à la société Vectalia Sophia Antipolis en 2016).

La société Vectalia contestait les quantités commandées en considérant que « les quantités mentionnées dans les bons de commande et auxquelles sont appliquées les prix unitaires étaient sous-évaluées, dès lors qu’elles ne tenaient pas compte des temps de prise en charge commerciale et de relève, et dès lors qu’elles ne [tenaient] pas compte des écarts de circuit ». Elle prétendait également qu’elle avait subi des surcoûts engendrés par le non-renouvellement des véhicules au-delà de leur durée de vie contractuelle et qu’ils devaient faire l’objet d’un remboursement.

C’est dans ce cadre que la société avait d’abord demandé à la communauté d’agglomération le paiement d’une somme de 3.220.000 d’euros puis avait saisi le Tribunal administratif de Nice d’une demande tendant à la condamnation de la communauté d’agglomération à lui verser la somme de 3.266.895,34 d’euros hors taxes.

Or, la communauté d’agglomération opposait à la société le fait qu’elle était forclose dès lors qu’au titre de l’article 3.7 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) fournitures courantes et de services de 2009 applicable au présent litige, elle aurait dû notifier dans les délais prescrits, c’est-à-dire 15 jours à partir de la notification du bon de commande, ses observations.

Ce qui n’a pas été fait en l’espèce. La société requérante n’avait émis aucune observation concernant les distances ou durées mentionnées dans les bons, ni les coûts de maintenance. Et c’est ce que relève la Cour administrative d’appel en jugeant que les réclamations étaient irrecevables en raison de l’absence de notifications d’observations par la requérante dans les délais impartis.

En conséquence, la Cour administrative d’appel de Marseille confirme le jugement du tribunal administratif, et rejette les prétentions de la société Vectalia.

Par cet arrêt, la Cour administrative d’appel rappelle que, dans les marchés à bons de commande, le titulaire du contrat doit notifier toute contestation relative aux prescriptions des bons de commande dans un délai de quinze jours, à peine de forclusion.

Plus généralement, cet arrêt réaffirme l’importance pour les titulaires de marchés publics de respecter scrupuleusement les procédures issues du CCAG applicable, notamment les délais de contestation. Faute de quoi, ils s’exposent à l’irrecevabilité de leurs prétentions financières.

Mise à disposition à titre gratuit d’un local affecté à un service public communal pour l’exercice d’un culte : suite de la décision Commune de Nice en date du 18 mars 2024

Dans une décision commentée dans une précédente LAJ [avril 2024], le Conseil d’Etat a précisé que la mise à disposition à titre gratuit d’un local affecté à un service public communal pour l’exercice d’un culte ne constitue pas nécessairement une libéralité consentie par la commune à l’association bénéficiaire.

Il a ainsi jugé que l’existence d’une libéralité doit être appréciée « compte tenu de la durée et des conditions d’utilisation du local communal, de l’ampleur de l’avantage éventuellement consenti et, le cas échéant, des motifs d’intérêt général justifiant la décision de la commune ».

Il avait ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé l’inverse et renvoyé l’affaire devant la même cour.

Cette dernière s’est de nouveau prononcée par un arrêt du 15 octobre 2024 (n° 24MA00665).

A cette occasion, la Cour a estimé que, dans l’affaire en cause, la gratuité de la mise à disposition d’une salle communale pour l’exercice d’un culte n’était pas constitutive d’une libéralité.

Pour ce faire, elle a constaté que :

  • La mise à disposition du local, de quatre heures au total, était de « très faible durée»,
  • L’association bénéficiaire ne pouvait y assurer des prestations et tirer des recettes de cette mise à disposition ;
  • L’avantage consenti, de l’ordre de 1.020 euros TTC, était « modeste», alors que, au vu du jour et de l’heure concernés par la mise à disposition, à savoir un vendredi de 7 à 11 heures du matin, la commune n’avait été privée d’aucune recette prévisible en cas de location payante pour un autre usage,
  • La mise à disposition répondait à un motif d’intérêt général dès lors qu’aucun des lieux de culte existant sur la commune ne permettait d’accueillir le nombre prévisible de personnes susceptibles de participer à cette fête religieuse à l’appel de cette association, dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public.

Il s’agit ainsi d’une première application intéressante des critères fixés par le Conseil d’Etat en mars 2024 qui pourra servir de base à une appréciation, in concreto, par les communes sollicitées pour une mise à disposition gratuite de locaux communaux à des fins cultuelles.

Les conclusions du rapporteur public sur cette affaire sont également éclairantes (A. Gautron, Gratuité ne vaut pas nécessairement libéralité, AJDA 2024.2282).

Il y est en effet rappelé certaines modalités d’identification d’une libéralité.

Ainsi, d’une part, il est précisé que la question de l’existence d’une libéralité ne se confond pas avec celle de l’économie éventuellement réalisée par la bénéficiaire de l’autorisation querellée. En effet, la libéralité, au-delà de constituer un avantage pour son bénéficiaire, doit révéler l’intention de l’administration d’avantager ce dernier.

D’autre part, il est indiqué que l’utilité publique qui s’attache à l’organisation d’une prière collective dans un espace clos, plutôt que sur la voie publique ou dans d’autres lieux inadaptés est certaine alors que, plus généralement, la jurisprudence exclut de longue date la qualification de libéralité lorsqu’un avantage financier est accordé pour un motif d’intérêt général (par exemple : CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473).

Guide du Conseil d’Etat relatif à l’application du principe de laïcité par le juge administratif

A l’occasion de la journée de la laïcité, le 9 décembre dernier, le Conseil d’Etat a publié un dossier thématique intitulé « Le juge administratif et l’application du principe de laïcité ».

Il y procède à des rappels généraux relatifs aux deux volets du principe de laïcité, à savoir le principe de neutralité religieuse de l’Etat et celui de la liberté religieuse des individus.

Le dossier présente également les différents aménagements dont peuvent souffrir ces principes, afin de tenir compte d’autres impératifs d’intérêt général comme la garantie de l’effectivité de la liberté religieuse des individus ou la protection de l’ordre public.

Il est ainsi rappelé que le principe de neutralité ne s’oppose pas à un financement public dérogatoire des cultes dans des circonstances précises comme lorsque les usagers du service public ne peuvent exercer librement leur culte par eux-mêmes (hôpitaux, prisons par exemple), ou au travers de l’entretien de certains lieux de culte par exemple.

Le cas spécifique des agents publics, tenus à une obligation de neutralité en tant que représentants incarnés de l’administration (article L. 121-2 du Code général de la fonction publique – CGFP), mais bénéficiant du droit au respect de leurs convictions religieuses en tant qu’individus, est également abordé.

Enfin, les aménagements de l’expression des convictions religieuses des individus, fondés sur des motifs d’intérêt général et de protection de l’ordre public sont évoqués.

Le guide comporte une annexe proposant une sélection de jurisprudence en matière de laïcité pour la période 2014-2024.

S’il s’agit principalement de décisions du Conseil d’Etat connues, figurent quelques jugements de tribunaux administratifs intéressants, ainsi que de récents arrêts de cours administratives d’appel.

Ainsi, par exemple, est cité un jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 30 mars 2023 (n° 2105014) dont il résulte que la projection de caricatures parues dans Charlie Hebdo sur des bâtiments publics en hommage à Samuel Paty ne porte pas atteinte au principe de neutralité ou de laïcité :

« en se bornant à exposer six dessins à caractère satirique parus dans un organe de presse dont la diffusion est dûment autorisée, la présidente de la région Occitanie n’a pas davantage porté atteinte aux principes de neutralité ou de laïcité des services publics dès lors que cette diffusion et les dessins en cause ne comportaient aucune stigmatisation d’une conviction idéologique ou religieuse en particulier, ni une prise de position à leur égard de la part de l’autorité publique mais visaient simplement à relayer le message tenant aux principes à valeur constitutionnelle de laïcité, de liberté d’expression et de liberté de conscience, ainsi que l’expose le communiqué de presse précité ».

Parmi les arrêts récents de cours administratives d’appel, l’un d’entre eux est particulièrement intéressant. Il s’agit d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 18 octobre 2024 (n° 23PA02755) dont il résulte, d’une part, que la « tabâa » ne constitue pas un signe dont le port manifeste l’intention d’un agent public de manifester sa religion et, d’autre part, qu’il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’apprécier le respect de l’interdiction faite aux agents publics de manifester, dans l’exercice de leurs fonctions, leurs croyances religieuses, au cours de la phase de recrutement d’un candidat.

Plus précisément, la tabâa est une marque sur le front constituant une dermatose pigmentée, due à une pratique assidue de la religion musulmane car résultant de la friction générée par le contact régulier du front d’un individu avec le tapis de prière.

Il a été jugé que, s’il est constant que la marque constitue un signe de l’appartenance religieuse de l’agent, elle n’est que la conséquence physique d’une pratique religieuse exercée dans un cadre privé. En outre, en l’espèce, il ne ressortait d’aucune pièce du dossier qu’elle aurait été recherchée à titre de signe distinctif. Dès lors, elle ne pouvait être regardée, en tant que telle, comme traduisant la volonté de l’intéressé de manifester ses croyances religieuses dans le cadre du service public.

En revanche, a été validée par la juridiction la circonstance que l’autorité administrative s’assure, lors de l’entretien, des garanties présentées par le candidat en vue de l’exercice de ses futures fonctions, notamment au regard du principe de laïcité. La Cour a ainsi estimé que cela ne constituait pas une discrimination du candidat à raison de ses convictions religieuses.

Concessions : précisions sur les conditions de régularisation des offres en phase de négociation

L’une des principales caractéristiques des contrats de concession est que leur procédure de passation peut toujours prévoir une phase de négociation librement organisée par l’acheteur, quelle que soit leur valeur estimée.

En cela, les concessions se distinguent des marchés publics, dont la passation ne peut inclure une phase de négociation que dans certaines procédures (procédure adaptée, dialogue compétitif, procédure avec négociation).

Pourtant, de manière paradoxale, la régularisation des offres irrégulières[1] ou inacceptables[2] en cours de négociation n’est expressément autorisée par le Code de la commande publique (CCP) que par l’article R. 2125-1 applicable aux marchés publics et rédigé en ces termes :

« Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d’appel d’offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées.

Dans les autres procédures, les offres inappropriées[3] sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées ».

A l’inverse, pour ce qui concerne les concessions, le Code se borne à disposer, en son article L. 3134-2, que l’autorité concédante doit écarter les offres irrégulières (qui ne respectent pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation[4]) et les offres inappropriées (manifestement pas en mesure, sans modifications substantielles, de répondre aux besoins et aux exigences de l’autorité concédante spécifiés dans les documents de la consultation[5]), sans prévoir expressément une possibilité de régularisation en phase de négociation.

Dès lors, il y a lieu de se demander si, dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de concession, un acheteur est juridiquement autorisé à admettre à la négociation un candidat dont l’offre initiale est irrégulière et lui permettre de régulariser celle-ci au cours de cette phase et, le cas échéant, dans quelles conditions.

C’est à ces interrogations que vient répondre le Conseil d’Etat par la décision commentée, dont la mention aux Tables du recueil Lebon se justifie aisément par son importance pour les acheteurs.

Cette décision intervient dans le cadre d’un contentieux relatif à la passation par la communauté d’agglomération Provence Alpes Agglomération d’un contrat de concession portant sur la gestion d’un complexe cinématographique. La société Ciné Espace Evasion, candidate évincée, avait obtenu du Tribunal administratif de Marseille la résiliation de ce contrat avec effet différé et le versement d’une indemnité au titre du préjudice subi. Le tribunal administratif avait fondé sa décision sur le fait que l’attributaire avait remis une offre initiale irrégulière, dans la mesure où elle n’intégrait pas le paiement du droit d’entrée prévu par le contrat et qu’elle n’aurait donc pas dû être admise à la négociation et, moins encore, remporter le contrat.

Cependant, par un arrêt n° 22MA02071 du 27 novembre 2023, la Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par la communauté d’agglomération, a annulé ce jugement et rejeté les demandes de la société Ciné Espace Evasion. Par cet arrêt, elle a non seulement considéré que les dispositions du Code de la commande publique ne font pas obstacle à ce que l’autorité concédante invite le candidat concerné à régulariser son offre au cours de la procédure de négociation, mais elle a également précisé que « dès lors que la régularisation de l’offre n’avait pour objet ni de modifier l’objet de la concession, ni les critères d’attribution, ni les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation, la circonstance, à la supposer établie, qu’elle soit « substantielle » et ne vise pas seulement à corriger une erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de la procédure ».

Saisi d’un pourvoi par la société Ciné Espace Evasion, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt ainsi rendu par la Cour administrative d’appel et pose, à cette occasion, un considérant de principe clarifiant l’interprétation qui doit être faite des dispositions du Code de la commande publique relatives à la régularisation des offres dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de concession :

« Il résulte de ces dispositions que l’autorité concédante peut librement négocier avec les candidats à l’attribution d’une concession l’ensemble des éléments composant leur offre, dès lors que cette négociation ne conduit pas cette autorité à remettre en cause l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. Ces dispositions ne s’opposent pas à ce que, lorsqu’elle recourt à la négociation, l’autorité concédante y admette un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière. Le respect du principe d’égalité de traitement des candidats implique toutefois qu’elle ne puisse retenir un candidat dont la régularisation de l’offre se traduirait par la présentation de ce qui constituerait une offre entièrement nouvelle. En tout état de cause, l’autorité concédante est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l’issue de la négociation ».

Puis, appliquant ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat conclut que la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la circonstance que la régularisation d’une offre ne vise pas simplement à corriger une erreur matérielle ne faisait pas obstacle à ce qu’elle ait lieu au cours de la négociation.

Cette décision vient ainsi confirmer la validité juridique d’une pratique d’ores et déjà largement répandue consistant, pour les autorités concédantes, à laisser aux candidats l’opportunité de mettre leur offre en conformité au cours des négociations et jusqu’à la remise de leur offre finale.

Au demeurant, l’inverse eut été très surprenant, ainsi que le souligne le rapporteur public Nicolas Labrune dans ses conclusions sous cette décision (Ariane Web) :

« Il n’y aurait donc aucune raison que vous jugiez qu’aucune régularisation n’est possible en matière de concession faute de fondement textuel exprès, et ce d’autant que vous avec décliné aux délégations de service public votre jurisprudence sur la méconnaissance des exigences du règlement de consultation (CE, 20 juillet 2022, Commune du Lavandou, n° 458427, aux Tables) et que, d’une façon générale, les exigences procédurales qui s’imposent aux autorités concédantes sont globalement plus souples que celles applicables aux pouvoirs adjudicateurs ».

En outre, cette affaire permet de préciser qu’un candidat peut, à l’occasion d’une mise en conformité de son offre, intégrer le versement d’un droit d’entrée exigé par le contrat.

Néanmoins, la limite posée par le Conseil d’Etat à cette faculté de régularisation – ne pas aller jusqu’à « une offre entièrement nouvelle » – demeure relativement abstraite et devra donc être précisée par des illustrations concrètes, à l’occasion de jurisprudences ultérieures.

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[1] Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale (CCP, art. L. 2152-2).

[2] Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure (CCP, art. L. 2152-3).

[3] Une offre inappropriée est une offre sans rapport avec le marché parce qu’elle n’est manifestement pas en mesure, sans modification substantielle, de répondre au besoin et aux exigences de l’acheteur qui sont formulés dans les documents de la consultation (CCP, art. L. 2152-4).

[4] CCP, art. L. 3124-3.

[5] CCP, art. L. 3124-4.

Élections municipales 2026 : maîtriser sa communication institutionnelle

Le 28 novembre 2024, le ministre de l’Intérieur a mis fin aux incertitudes grandissantes relatives à la durée du mandat des conseillers municipaux, dont la plupart a été installée en juillet 2020, en raison de la période de confinement et du report du 2nd tour des élections municipales[1]. En effet, en se fondant sur l’article L. 227 du Code électoral combiné au 2° du II de l’article 17 de la loi du 22 juin 2020[2] qui prévoyait déjà que les mandats des conseillers municipaux et communautaires[3] seraient renouvelés en mars 2026, le Ministre a indiqué que le renouvellement des mandats des conseillers municipaux interviendra en mars 2026[4]. Un décret en Conseil des ministres qui devrait intervenir au dernier semestre 2025 précisera la date exacte des deux tours.

Dans cette attente, à compter du 1er septembre 2025 s’ouvrira une période de réserve durant laquelle deux limites contraindront la communication institutionnelle des communes et intercommunalités mais aussi de leurs satellites locaux.

 

1. Les limites légales à la communication institutionnelle

Le Code électoral a institué deux limites à la communication en période préélectorale qui entrent en vigueur six mois avant les élections.

L’alinéa 2 de l’article L. 52-8 du Code électoral interdit aux personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, de financer la campagne électorale d’un candidat, en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués.

Cette interdiction, qui doit être mise en relation avec l’article L. 52-4 du Code électoral relatif à la mission du mandataire financier de recueillir les fonds destinés au financement de la campagne, s’applique désormais six mois avant les élections et non plus dans le délai d’un an précédant le scrutin[5].

Le 2ème alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral interdit lui aux collectivités de réaliser des campagnes de promotion publicitaire de leur gestion et de leurs réalisations. Partant, ces deux interdictions s’appliqueront à compter du 1er septembre 2025, néanmoins la prudence doit rester de mise avant cette date.

S’agissant tout d’abord des dons, notons que le législateur n’a pas entendu définir ce qu’il faut entendre par dons. Toutefois, il ressort de la jurisprudence et du guide du candidat et du mandataire financier[6], régulièrement produit par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et de Financements politiques (CNCCFP), que cette interdiction s’applique donc aussi bien aux dons provenant de personnes morales privées ou publiques tierces, qu’à ceux provenant d’une collectivité publique au sein de laquelle le candidat exercerait des fonctions électives. Partant, des actions de communication institutionnelle en faveur d’un candidat, élu-sortant, peuvent constituer des dons.

S’agissant des campagnes de promotion publicitaire, on considère traditionnellement qu’il y a campagne de promotion dès lors que l’initiative de communication dépasse l’information classique pour devenir un instrument de promotion des réalisations d’une municipalité et de ses élus. Toutefois, notons que la campagne de promotion publicitaire n’a jamais, à proprement parler, été définie par le législateur ou par la jurisprudence.

Ainsi, l’interdiction s’étend à tous les supports de communication qu’il soit interne ou externe. Le Conseil d’Etat a ainsi estimé que constitue une campagne de promotion publicitaire au sens de l’article L. 52-1 du Code électoral la distribution massive dans les boîtes aux lettres du magazine d’information générale de la ville à des jours de diffusion inhabituels correspondant à la veille et à l’avant-veille du second tour des élections départementales[7].

 

2. Le faisceau d’indices jurisprudentiels

Les notions de campagne de promotion et de don prohibé sont appréciées au cas par cas par le juge de l’élection au regard d’un faisceau d’indices, qui se compose de trois critères principaux :

  • L’antériorité : L’action de communication qui a un caractère habituel et traditionnel, telle que l’envoi d’une lettre d’information périodique ou l’organisation d’une commémoration annuelle, présentera de fait moins de risque qu’un évènement ou un support de communication inédit.

Ce critère permet de s’assurer que l’action de communication litigieuse ou l’évènement n’a pas été créé spécifiquement en vue des élections. Il exclut, a priori, la création de tout nouveau support pendant la période légale de restriction même si la jurisprudence a pu considérer que la création d’un site internet comportant une présentation générale de la Commune ne peut être regardée comme une campagne de promotion publicitaire quelques mois avant le scrutin[8].

  • La continuité et l’identité du support : La collectivité peut continuer les actions de communication régulièrement organisées mais elle ne peut en modifier la forme et la fréquence (même régularité pour les publications, même tirage, pas de modification de la pagination en augmentant notamment le nombre de pages, pas de modification de la charte graphique). Notons qu’il convient également d’être vigilant à la mobilisation de nombreux supports de communication pour l’organisation d’un évènement.
  • La neutralité du contenu : Enfin, l’information délivrée dans les campagnes de communication ne doit comporter que des messages politiquement neutres, à caractère purement informatif.

Il faut souligner qu’il s’agit d’indices et non de critères cumulatifs, ce qui veut dire que le fait qu’ils ne soient pas réunis simultanément n’empêche pas le juge de considérer qu’il se trouve en présence d’une campagne prohibée.

Il est primordial de relever que le contenu du message et donc l’indice de neutralité prévaudra dans l’appréciation faite par le juge de l’élection. Par ailleurs, il existe un risque important, sans qu’il soit automatique, pour que l’opération qualifiée de promotion de la collectivité soit considérée comme ayant bénéficié directement ou indirectement à l’élu candidat.

 

3. Les sanctions applicables

Certaines sanctions sont strictement attachées à la méconnaissance de l’article L. 52-1 du Code électoral ou de l’article L. 52-8 du Code électoral, tandis que d’autres peuvent être prononcées indifféremment en cas de méconnaissance de l’une ou l’autre de ces dispositions.

En effet, les sanctions peuvent être prononcées soit à l’occasion d’un recours devant le tribunal administratif dirigé contre les élections, soit à l’occasion du rejet du compte de campagne par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP), qui dans ce cas est amenée à saisir le tribunal administratif.

Dans le premier cas, le tribunal administratif, juge des élections municipales, peut être saisi dans un délai de cinq jours à compter de la proclamation des résultats par tout électeur de la circonscription, les candidats et le préfet. Dans ce cadre, la sanction n’est pas automatique et dépend notamment de l’influence de l’action de communication organisée sur les résultats du scrutin, notamment si l’écart de voix est faible[9].

A cet égard, le juge électoral peut éventuellement prononcer l’annulation des élections si l’irrégularité a été de nature à en altérer la sincérité ou en cas de réintroduction de dépenses ou de recettes dans le compte de campagne du candidat, et si, et seulement si, il y a un écart faible entre les voix obtenues par les candidats[10]. Le critère de l’« écart de voix » est un élément décisif du raisonnement du juge électoral lorsque celui-ci apprécie si la sincérité d’un scrutin a été altérée ou non. Les protestataires et les juges doivent donc déterminer si, au cas d’espèce, l’écart de voix est suffisamment faible, ou au contraire trop élevé, pour entraîner l’annulation de l’élection[11].

On peut aussi avoir une rectification des élections, s’il s’agit de retrancher des voix.

Dans le second cas, si la réintégration du montant des dons prohibés dans le compte de campagne a pour effet d’entraîner un dépassement du plafond des dépenses électorales, la CNCCFP pourra décider de rejeter le compte de campagne et de saisir le juge de l’élection, qui pourra déclarer le candidat inéligible[12].

Le candidat pourra également se voir refuser le remboursement de ses dépenses de campagne par l’Etat ou être condamné à une peine d’amende.

 

***

La vigilance devra donc être de mise à compter du 1er septembre 2025 et les plans de communication annuels devront donc être travaillés au regard de cette échéance. En réalité, le 1er septembre 2025 ne doit pas être conçu comme une date butoir au-delà de laquelle la communication devra être stoppée mais elle doit conduire les élus à s’interroger sur l’objectif poursuivi par chaque publication, qu’elle soit papier ou numérique. Les supports qui auront été publiés avant le 1er septembre 2025 devront aussi être contrôlés, le juge se plaçant à la date à laquelle il peut visualiser le support et non à la date à laquelle il a été publié.

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[1] Décret n° 2020-642 du 27 mai 2020 fixant la date du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, et portant convocation des électeurs

[2] Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires

[3] Ainsi que les conseillers d’arrondissement et, à Paris, les conseillers de Paris

[4] Questions écrites n° 02021 d’Isabelle Florennesn° 01868 de Louis Vogeln° 01758 de Pierre-Jean Verzelen et n° 02282 de Corinne Féret, réponses au Journal officiel du Sénat du 28 novembre 2024.

[5] Loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections

[6] https://www.cnccfp.fr/wp-content/uploads/2022/04/cnccfp_2022_guide_candidat_et_mandataire_2_compressed.pdf

[7] CE, 16 mars 2016, Elections cantonales de Niort 3, n° 394533

[8] CE, 2 juillet 1999, n° 201622

[9] v. notamment : CE, 28 juillet 1993, Elections cantonales de Bordères-sur-L’Echez, n° 142586 ; CE, 14 novembre 2008, Elections municipales de Vensac, n° 317316 ; CE, 16 mars 2016, n° 394533

[10] CE, 5 juin, 1996, Elections municipales de Morhange, n° 173642 ; CE, 16 mars 2016, Elections cantonales de Niort 3, n° 394533

[11] Romain Rambaud, contentieux des élections municipales : les « lois » de l’écart de voix, AJDA 2020

[12] Article L. 118-3 du Code électoral ; CE, 31 juillet 2009, Pons, n° 322310.

Les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) : le régime de déclaration des travaux de restauration écologique validé

Par une décision en date du 31 décembre 2024, le Conseil d’Etat s’est à nouveau prononcé sur la saga contentieuse qui a porté sur la nouvelle rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature IOTA relative aux travaux de restauration écologique des cours d’eau (cf. notre article sur le sujet).

En effet, pour faire suite à l’annulation par le Conseil d’Etat le 31 octobre 2022 de la rubrique 3.3.5.0 relative aux travaux de restauration de la continuité écologique des cours d’eau au motif qu’elle ne prévoyait qu’un régime de déclaration, le décret n° 2023-907 du 29 septembre 2023 a été adopté pour réintégrer cette rubrique. Ce décret ne prévoyait toutefois toujours qu’un régime de déclaration et avait été à nouveau contesté.

Le Conseil d’Etat valide la légalité de ce décret, en relevant :

–           Tout d’abord, que l’objectif de cette rubrique est de simplifier la procédure pour les « projets favorables à la protection des milieux aquatiques, au renouvellement de la biodiversité et au rétablissement de la continuité écologique dans les bassins hydrographiques » ;

–           Et que sont exclus de cette rubrique les travaux de modification ou de suppression des ouvrages, tels que les barrages ou les digues, susceptibles de présenter des dangers pour la sécurité publique ou d’accroître le risque d’inondation.

Le juge considère également que ce décret ne porte pas atteinte au principe de non-régression et qu’il ne contrevient pas à la gestion équilibrée de l’eau.

Le décret du 29 septembre 2023 est ainsi validé par le juge.

Révision du Paquet « Sécurité maritime » pour des transports sûrs, propres et modernes : adoption de 4 nouvelles directives

UE, Directive 2024/3100 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 modifiant la directive 2009/21/CE concernant le respect des obligations des États du pavillon

UE, Directive 2024/3101 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 modifiant la directive 2005/35/CE en ce qui concerne la pollution causée par les navires et l’introduction de sanctions administratives en cas d’infractions

UE, Directive 2024/3017 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 modifiant la directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et abrogeant le règlement (UE) n° 1286/2011 de la Commission

 

Le nouveau « Paquet maritime » a été révisé et a pour objectif de parvenir à un juste équilibre entre, la nécessité de garantir un niveau élevé de qualité des transports maritimes et la nécessité de préserver la compétitivité du secteur européen des transports maritimes, tout en maintenant des coûts raisonnables pour les opérateurs et les administrations des États membres.

Les États membres ont jusqu’au 6 juillet 2027 au plus tard pour transposer les dispositions dans leur législation nationale en ce qui concerne les 3 premières directives à l’exception de la directive relative aux enquêtes sur les accidents qui devra être transposée en droit national au plus tard le 27 juin 2027.

1-         Directive relative à la pollution causée par les navires

Cette directive intègre les normes internationales, notamment la convention MARPOL, pour une meilleure protection environnementale et pour sanctionner efficacement les rejets illégaux de substances polluantes. Pour cela, elle élargit son champ d’application à de nouvelles catégories de rejets, telles que :

  • les eaux usées ;
  • les résidus d’épuration des gaz d’échappement ;
  • les substances nuisibles transportées en colis.

Ce cadre juridique renforcé a pour objectif d’assurer des sanctions cohérentes et dissuasives pour protéger le milieu marin de l’Union.

2-         Directive relative au respect des obligations des États du pavillon

La directive clarifie les responsabilités des États du pavillon concernant la conformité des navires avec les conventions internationales. Elle met à jour la législation pour s’aligner sur le Code d’application des instruments de l’OMI (« Code III » de l’OMI) et renforcer les inspections des navires immatriculés.

Par exemple, l’utilisation accrue des solutions numériques est encouragée pour améliorer l’efficacité administrative, notamment pour la délivrance de certificats électroniques et de leurs outils de vérification.

3-         Directive relative au contrôle par l’État du port

Le contrôle par l’État du port est modernisé pour vérifier la conformité des navires étrangers aux normes internationales et européennes en s’alignant sur le protocole d’entente de Paris et les conventions de l’Organisation maritime internationale (OMI).

Ainsi, la directive a pour objectif de mettre en place des inspections harmonisées et efficaces pour garantir la sécurité maritime et la protection de l’environnement.

A titre d’exemple, les grands navires de pêche de plus de 24 mètres bénéficieront d’un régime volontaire de contrôle pour renforcer leur sécurité et celle de leur équipage.

4-         Directive relative aux enquêtes sur les accidents

La directive révisée a pour objectif d’améliorer la sécurité des navires de pêche, incluant dorénavant ceux de moins de 15 mètres, afin de pouvoir mener des enquêtes harmonisées en cas d’accidents graves (entrainant la perte de vies humaines). Elle vient également clarifier les définitions et procédures juridiques pour une gestion rapide et cohérente des enquêtes.

Les organismes d’enquête vont bénéficier de capacités renforcées pour agir avec compétence et indépendance. Aussi, l’indépendance des organismes et la confidentialité de leurs conclusions sont renforcées, réduisant les charges administratives.

La Cour des comptes estime que l’accès aux délégations de service public est limité dans certains secteurs notamment celui du transport de voyageurs

Dans son rapport « Les délégations de gestion de services publics locaux » publié le 19 décembre 2024, la Cour dresse un état des lieux sévère des délégations de service public (« DSP ») en estimant notamment que le nombre d’entreprises susceptibles d’être candidates à des DSP est limité dans certains secteurs notamment celui du transport de voyageurs.

Elle met en exergue plusieurs causes :

  • La structure oligopolistique des marchés dans lesquels interviennent les délégations de service public (transport collectif de voyageurs, eau, assainissement, déchets, parkings) limite le nombre d’entreprises susceptibles de se porter candidates.

Ces secteurs présentent un faible niveau de concurrence, avec souvent une ou deux offres en réponse aux consultations.

Ces inquiétudes sont également partagées par Régions de France en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité ferroviaire qui s’inquiète, « de l’absence de concurrence potentielle lors des prochaines procédures de mise en concurrence du secteur, avec un risque fort que le contrat de concession soit attribué à des conditions financières défavorables, réinterrogeant ainsi l’équilibre économique du contrat » ;

  • L’asymétrie des informations communiquées favorise l’entreprise titulaire d’une DSP (délégataire sortant), limite la compétitivité des offres concurrentes.

En effet, la position dominante que l’accès à l’information sensible procure au délégataire peut lui être particulièrement utile pour la reconduction des contrats, privant ses concurrents d’un même niveau d’information que lui ;

  • Les pratiques des collectivités telles que l’absence d’allotissement, une durée de mise en concurrence inadéquate peuvent restreindre la concurrence.

RGPD et transport ferroviaire : prohibition de la collecte de données relatives à la civilité des clients pour l’achat d’un titre de transport

Par un arrêt du 9 janvier 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les données relatives à la civilité des clients ne sont pas une donnée nécessaire pour l’achat d’un titre de transport et qu’une telle collecte est contraire au règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « RGPD »).

En l’espèce, le différend est survenu en raison d’une contestation par l’association Mousse auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après, « CNIL ») de la pratique de la société SNCF Connect obligeant systématiquement ses clients à indiquer leur civilité (« Monsieur » ou « Madame ») lors de l’achat de titres de transport en ligne.

Cette association estimait que cette obligation était contraire au RGPD, notamment, au regard du principe de minimisation des données. En effet, l’association soutenait que la mention de la civilité, qui correspond à une identité de genre, ne semble pas nécessaire pour l’achat d’un titre de transport ferroviaire. L’association a donc saisi la CNIL mais cette dernière a décidé de rejeter cette réclamation, considérant que cette pratique ne constituait pas un manquement au RGPD. Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil d’État a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne pour savoir si la collecte des données de civilité des clients, limitée aux mentions « Monsieur » et « Madame », peut se voir qualifiée de licite et conforme, notamment, au principe de minimisation des données, lorsque cette collecte vise à permettre une communication commerciale personnalisée à l’égard de ces clients, conformément aux usages couramment admis en la matière.

Dans son arrêt du 9 janvier 2025, La Cour rappelle que, conformément au principe de minimisation des données, qui constitue une expression du principe de proportionnalité, les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées.

En outre, la Cour rappelle qu’au titre de son article 6, le RGPD prévoit une liste exhaustive et limitative des cas dans lesquels un traitement de données à caractère personnel peut être considéré comme étant licite. Ainsi au titre de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, sous b) et f) sont respectivement considérés comme licites, le traitement de données à caractère personnel nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable de ce traitement ou par un tiers.

S’agissant de la première de ces deux justifications, la Cour souligne que, pour qu’un traitement de données puisse être considéré comme nécessaire à l’exécution d’un contrat, ce traitement doit être objectivement indispensable afin de permettre l’exécution correcte de ce contrat. Or, au cas particulier, la Cour juge qu’une « telle communication ne doit pas nécessairement être personnalisée en fonction de l’identité de genre du client concerné ». En effet, « la personnalisation de contenus n’apparaît pas nécessaire pour offrir des services à un client lorsque ces services peuvent, le cas échéant, lui être fournis sous la forme d’une alternative équivalente n’impliquant pas une telle personnalisation, de sorte que cette dernière n’est pas objectivement indispensable à une finalité faisant partie intégrante desdits services qu’une personnalisation de la communication commerciale fondée sur une identité de genre présumée en fonction de la civilité du client ne paraît pas objectivement indispensable afin de permettre l’exécution correcte d’un contrat de transport ferroviaire. »

S’agissant de la seconde condition, la Cour indique qu’aux termes de sa jurisprudence constante, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que les traitements de données à caractère personnel qu’elle vise soient licites à savoir

  • la poursuite d’un intérêt légitime par le responsable du traitement ou par un tiers ;
  • la nécessité du traitement des données à caractère personnel pour la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi ;
  • la condition que les intérêts ou les libertés et les droits fondamentaux de la personne concernée par la protection des données ne prévalent pas sur l’intérêt légitime du responsable du traitement ou d’un tiers.

Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi – soit en l’espèce au Conseil d’État – d’apprécier si ces conditions sont remplies, la Cour a toutefois donné des indications à cette dernière dans le cadre de son arrêt.

Or, elle estime que ces conditions ne sont pas réunies au cas particulier. D’une part, elle considère « qu’il semble qu’une personnalisation de la communication commerciale puisse se limiter au traitement des noms et prénoms des clients » et que « leur civilité et/ou leur identité de genre étant une information qui ne paraît pas strictement nécessaire dans ce contexte, notamment à la lumière du principe de minimisation des données ». D’autre part, la Cour relève que « le client d’une entreprise de transport n’est pas censé s’attendre à ce que cette entreprise traite des données relatives à sa civilité ou à son identité de genre dans le contexte de l’achat d’un titre de transport ». Et, elle invite la juridiction de renvoi à rechercher si au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, les libertés et droits fondamentaux desdits clients sont susceptibles de prévaloir sur l’intérêt commercial, notamment en raison d’un risque de discrimination fondée sur l’identité de genre.

Précision des conditions dans lesquelles les lignes locales à faible trafic utilisées pour le fret peuvent également être utilisées par des services de transport de voyageurs

Parution du décret définissant les conditions dans lesquelles les lignes locales à faible trafic d’une longueur ne dépassant pas 100 kilomètres qui sont utilisées pour le trafic de transport de marchandises (ci-après « fret ») peuvent également être utilisées pour des services de transport de voyageurs.

En vue de développer les lignes locales à faible trafic, l’article L. 2122-2 du Code des transports exclut du champ d’application des principes d’indépendance du gestionnaire d’infrastructure certaines petites lignes de fret qui sont utilisées, dans une certaine mesure, pour des services de transport de voyageurs.

Le présent décret précise les conditions dans lesquelles cette dérogation, conçue pour les petites lignes dédiées au fret, continue de s’appliquer lorsque la ligne est aussi mise à disposition de services de transport de voyageurs.

D’abord, les lignes ferroviaires sont considérées comme dédiées au trafic de fret « lorsqu’au moins la moitié des capacités d’infrastructure est utilisée effectivement, au cours de l’horaire de service, pour des services de transport de marchandises ».

Ensuite, les circulations de fret bénéficient d’une priorité sur les services de transport de voyageurs car comme indiqué, « les capacités d’infrastructure […] qui ne sont pas sollicitées de manière effective pour les services de transport de marchandises, peuvent être affectées à des services de transport de voyageurs ».

Compétence de l’Autorité de Régulation des Transports (ART) pour connaitre des différends relatifs à la tarification de l’accès au réseau ferroviaire

Par une décision en date du 21 novembre 2024 l’Autorité de Régulation des Transports (ci-après « ART ») abroge la décision par laquelle elle s’était déclarée incompétente pour connaitre des différends relatifs à la tarification de l’accès au réseau ferroviaire prévue dans le Document de Référence du Réseau (ci-après « DRR »).

Pour rappel, le réseau ferroviaire correspond à une « infrastructure essentielle » c’est-à-dire une installation indispensable à l’exploitation du service public de transport ferroviaire de voyageurs par les entreprises ferroviaires.

Autrement dit, le seul moyen pour ces entreprises d’exploiter leurs services de transport de voyageurs est d’accéder aux lignes.

Pour cette raison, en application de l’article 10 de la Directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 « établissant un espace ferroviaire unique européen » transposé à l’article L. 2122-9 du Code des transports, les entreprises ferroviaires se voient accorder un droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire donnant lieu à la perception de redevances d’infrastructures.

Les modalités d’accès à l’infrastructure et notamment les principes et les montants des redevances sont précisés par un Document de Référence du Réseau (ci-après « DRR »), établit chaque année par le gestionnaire d’infrastructure (c’est-à-dire SNCF Réseau) en application de l’article L. 2122-5 du Code des transports.

C’est à propos du niveau des redevances liées à l’utilisation du réseau prévue par le DRR qu’un différend est né entre une Région et SNCF Réseau et que l’ART s’est déclarée incompétente par une première décision en date du 21 décembre 2023[1].

En substance, selon l’ART, les articles L. 1263-2 et L. 2133-5 du Code des transports, en ce qu’ils prévoient la compétence de l’ART pour connaitre des différends relatifs à la mise en œuvre des redevances, excluent toute compétence de l’autorité pour statuer sur une demande de règlement de différends portant sur la fixation des tarifs des redevances figurant dans le DRR.

Il s’avère toutefois qu’entre temps, la Cour de cassation, saisie par la Région à la suite d’une décision d’incompétence de l’ART de connaître des différends relatifs à la tarification prévue dans le DRR 2020, a considéré que : en conférant à l’ART la compétence pour rendre des avis préalables sur la tarification de l’accès au réseau ferroviaire, les dispositions du Code des transport n’ont pas entendu exclure la compétence de l’ART pour régler les différends liés à cette même tarification[2].

Tirant les conséquences de cet arrêt, l’ART se reconnait compétente pour connaître des différends relatifs à la tarification de l’accès au réseau ferroviaire.

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[1] Autorité de Régulation des Transports, Décision n° 2023-065 en date du 21 décembre 2023.

[2] Cour de cassation, 16 octobre 2024, n° 22-23.219.

L’Autorité de la concurrence sanctionne des pratiques anticoncurrentielles entre les compagnies Air Antilles et Air Caraïbes à hauteur de 14.570.000 d’euros.

Par une décision en date du 4 décembre 2024, l’Autorité de la concurrence a sanctionné les compagnies aériennes Air Antilles (société CAIRE), Air Caraïbes ainsi que la société Miles plus, société de conseil spécialisée dans le secteur aérien, pour s’être entendues sur les prix et sur l’offre de transport (créneaux horaires et fréquences). Cette entente concerne des liaisons de la région Caraïbes, à savoir celles reliant Pointe-à-Pitre et Fort-de-France ainsi que celles entre chacune de ces deux aéroports et Saint-Martin, Sainte-Lucie et Saint-Domingue.

Plus précisément, entre les années 2015 et 2019, ces trois sociétés ont mis en œuvre quatre ententes permettant aux deux compagnies aériennes, Air Antilles et Air Caraïbes, d’augmenter significativement leur tarif et de réduire leurs offres tout en préservant leurs parts de marché respectives. Pour ce faire, les sociétés se sont entendues sur les prix et conditions tarifaires de leurs billets et sur la réduction de leurs offres pour pouvoir se répartir les créneaux horaires.

L’Autorité de la concurrence souligne le caractère particulièrement grave de ces ententes compte tenu de la situation de duopole de ces acteurs sur un territoire insulaire avec une clientèle captive soumise, en outre, à un coût de la vie nettement plus élevé que sur le territoire métropolitain.

Dans ces conditions, les compagnies aériennes ont été sanctionnées à hauteur de 13 millions d’euros pour Air Caraïbes et 1,5 million d’euros pour la société mère d’Air Antilles, K’Finance. Quant à la société de conseil, elle est tenue de verser la somme de 70.000 euros.

Le juge administratif rappelle ses compétences en matière de traversée des propriétés privées par les ouvrages électriques

La Cour administrative de Douai a rendu le 19 décembre 2024 un arrêt éclairant sur les règles de compétences juridictionnelles en matière d’occupation des propriétés privées par les ouvrages de transport d’électricité.

Dans cette affaire, la société propriétaire d’une parcelle sur laquelle est implanté un ouvrage de transport d’électricité (à savoir une ligne électrique haute tension) sollicitait en première instance de la part du Tribunal administratif de Rouen :

  • D’ordonner à la société gestionnaire du transport d’électricité (RTE) de procéder aux travaux d’enfouissement de cette ligne haute tension à une profondeur conforme avec la convention de servitude ayant autorisé son implantation (et donc, en d’autres termes, de procéder au déplacement de cet ouvrage qu’elle considère irrégulièrement implanté) ;
  • De condamner la société à lui verser une indemnisation en réparation du préjudice résultant du refus de RTE de déplacer cette ligne haute tension (cette demande lui ayant déjà été formulée par la société propriétaire lors d’échanges précontentieux), préjudice qui trouverait selon la requérante son origine dans la mauvaise application de la convention de servitude susvisée ainsi que sur le fondement des dommages de travaux publics.

Par un jugement du 15 décembre 2022, le tribunal avait alors rejeté l’ensemble de ces demandes indemnitaires et à fin d’injonction en considérant qu’elle relevait toutes de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Pour sa part, la Cour administrative de Douai, tout en confirmant la compétence du juge judiciaire pour statuer sur le respect de la convention de servitude et ses conséquences indemnitaires, examine les autres demandes de la société requérante, qu’elle considère comme relevant bien de sa compétence :

Ainsi, la Cour commence par rejeter la demande de la société tendant à la réparation des préjudices découlant de l’application de la convention de servitude en cause qui est une convention de droit privé comme étant portée devant une juridiction incompétente.

Elle procède ensuite à l’analyse des conclusions tendant au déplacement de la ligne haute tension.

En effet, cette demande, tirée du caractère irrégulier de l’implantation de cet ouvrage public indépendamment de l’engagement de la responsabilité contractuelle du gestionnaire pour mauvaise exécution du contrat de servitude, relève bien des juridictions administratives (voir en ce sens concernant un ouvrage de la distribution d’électricité CE, 14 juin 2019, Société ERDF, n° 414458).

Toutefois, après analyse du caractère irrégulier de l’implantation de l’ouvrage et de sa régularisation comme des inconvénients en résultant pour le propriétaire (selon les conditions jurisprudentielles fixées en la matière et rappelées ici), la Cour rejette sur le fond la demande de déplacement de l’ouvrage en cause.

Elle considère enfin que la demande de réparation présentée par la société requérante sur le fondement de la responsabilité pour dommage de travaux publics de la société RTE doit également être rejetée.

Au total, cet arrêt permet de rappeler aux propriétaires sollicitant le retrait ou le déplacement d’ouvrages électriques irrégulièrement implantés sur leur parcelle que si leurs conclusions tendant à tirer les conséquences de la mauvaise application d’une convention de servitude doivent être portées devant le juge judiciaire, ils sont bien recevables à demander aux juridictions administratives d’enjoindre les gestionnaires à réparer les conséquences de l’atteinte  portée à leur propriété privée.

Une subtilité parfois mal maîtrisée par certaines juridictions de première instance en présence de conventions de servitudes.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) décide d’une nouvelle (et a priori ultime) augmentation du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité TURPE 6

CRE, Délibération du 6 janvier 2025 portant projet de décision sur l’évolution exceptionnelle du TURPE 6 HTB au 1er février 2025

Cour des comptes, Le financement du coût des réseaux publics d’électricité par les usagers : le Turpe, Rapport d’observations définitives de la Cour des comptes publié le 18 décembre 2024

La Commission de régulation de l’énergie (CRE), à qui il revient de fixer les méthodes utilisées pour établir les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité[1] (TURPE), prépare depuis plusieurs mois l’arrivée des TURPE 7 pour une entrée en vigueur au 1er août 2025.

Ainsi que nous le commentions dans notre précédente lettre d’actualités, la CRE a ainsi lancé plusieurs consultations publiques afin de consulter les acteurs du marché de l’énergie sur la structure tarifaire de ces nouveaux tarifs.

Par deux consultations du 11 octobre 2024 dernier  ici commentées portant respectivement sur le TURPE HTA BT (applicable au réseau de distribution) et sur le TURPE HTB (applicable au réseau de transport), la CRE a notamment interrogé ces derniers sur l’opportunité d’une évolution exceptionnelle des TURPE 6 du 1er février 2025 jusqu’à l’entrée en vigueur du TURPE 7 quelques mois plus tard.

Une proposition qui, selon les contributions prochainement publiées sur le site de la CRE, semble avoir reçu l’assentiment des acteurs consultés.

En effet, par deux délibérations du 6 janvier 2025, la CRE décide de l’augmentation exceptionnelle des TURPE 6 à partir du 1er février 2025 de + 7,70 % pour le TURPE HTA BT et de + 9,61 % TURPE HTB.

Selon la Commission, cette évolution a vocation à permettre l’apurement anticipé du compte de régularisation des charges et des produits (dit « CRCP ») des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution face aux charges supportées lors de la crise énergétique. Ce lissage étant justifié par la CRE comme permettant d’éviter une évolution du TURPE 7 lors de son entrée en vigueur en août prochain.

Cette évolution arrive peu de temps après la dernière augmentation du TURPE 6 en novembre 2024 (de +4,81 % pour le TURPE HTA BT et de +4,99 % pour le TURPE HTB) alors décidée par la CRE malgré l’opposition du ministre de l’Economie et ici commentée.

Elle est également à accueillir à l’aune des récentes observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport d’observation définitives sur le financement du coût des réseaux publics d’électricité par les usagers publié le 18 décembre dernier.

Cette dernière y constate en effet que le cadre régulatoire offert par les TURPE 5 et 6 ont permis aux gestionnaires RTE et Enedis une sur-rémunération allant au-delà de leurs charges nettes comptables.

Dans ce rapport, la Cour des comptes avait d’ailleurs adressé diverses recommandations à la CRE afin de mettre en cohérence la rémunération des gestionnaires avec le faible niveau de risque qu’ils supportent du fait de leur position monopolistique sur les marchés en cause.

C’est donc une forme de première réponse de la CRE à la Cour des comptes.

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[1] Article L.341-3 du Code de l’énergie

Solarisation des toitures et des parcs de stationnement : précisions sur l’exonération des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des infrastructures où stationnent des véhicules de transports de marchandises dangereuses

Arrêté du 4 décembre 2024 définissant les conditions d’exemptions des installations classées pour la protection de l’environnement et des infrastructures où stationnent des véhicules de transports de marchandises dangereuses au regard des obligations d’installation d’ombrières et de procédés de production d’énergies renouvelables

Deux arrêtés relatifs à l’exonération de l’obligation de solarisation des toitures et parcs de stationnement des installations classées pour la protection de l’environnement (ci-après, ICPE) ont été publiés au Journal officiel du 14 décembre 2024.

Pour mémoire et en synthèse, les obligations de solarisation des toitures et des parcs de stationnement résultent des textes suivants :

  • article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation : obligation d’équiper les bâtiments neufs ou faisant l’objet d’extensions ou de rénovations lourdes ;
  • article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme : obligation d’équiper les nouveaux parcs de stationnement ;
  • article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 : obligation d’équiper les parcs de stationnement existants.

Pour le détail des conditions fixées par ces dispositions, nous vous renvoyons à nos précédentes brèves, disponibles ici et .

De nombreux cas d’exonération à l’obligation de solarisation sont ainsi prévus par ces textes. Ces cas d’exonération ont notamment été détaillés par leurs textes d’application.

En premier lieu, s’agissant de l’obligation de solarisation des bâtiments neufs, faisant l’objet d’une extension ou  lourdement rénovés, l’article 171-4 du Code de la construction et de l’habitation  dispose : « Un arrêté du ministre chargé des Installations classées définit également les cas dans lesquels tout ou partie de l’obligation prévue au I est écartée ou soumise à des conditions de mise en œuvre spécifiques pour les installations soumises à autorisation, enregistrement ou déclaration en application du livre V du Code de l’environnement, dès lors que les obligations sont incompatibles avec les caractéristiques de l’installation ».

Ainsi, par arrêté du 5 février 2020, la ministre de la Transition Écologique et Solidaire a précisé ses conditions d’application. L’arrêté du 21 novembre 2024 ici commenté vise à modifier cet arrêté du 5 février 2020 à la suite des évolutions législatives introduites par la loi du 10 mars 2023 précitée.

On retiendra notamment parmi les modifications apportées que :

  • de nouvelles ICPE sont concernées par l’exonération (les ICPE relevant des rubriques 1413,1414,1416,1434,1435 ainsi que 2925 et 3670) ;
  • l’article 3 du 5 février 2020 est modifié et détaille les modalités de calcul de la surface de toiture à prendre en compte pour application de l’article L. 171-5 du Code de la construction et de l’habitation relatif à l’obligation de solarisation des bâtiments existants au 1er juillet 2023, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2028.

En second lieu, aux termes du II. de l’article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, l’obligation de solarisation des parcs de stationnement n’est pas applicable lorsqu’il existe des contraintes techniques ou de sécurité qui ne permettent pas la réalisation de l’obligation.

Le décret n° 2024-1023 du 13 novembre 2024 portant application de l’article 40 précité détaille ces cas d’exonération et indique que les parcs où stationnent des véhicules transportant des marchandises dangereuses ainsi que les parcs de stationnement constituant une ICPE sont exonérés de l’obligation, dans des conditions fixées par arrêté. C’est l’objet de l’arrêté du 4 décembre 2024 ici commenté.

Ainsi, d’abord, l’article 1er de l’arrêté du 4 décembre 2024 précise les surfaces exclues du calcul de la superficie à prendre en compte pour déterminer la soumission du parc de stationnement à l’obligation de solarisation.

Ensuite, l’article 2 de l’arrêté apporte des précisions sur les parcs où stationnent des véhicules transportant des marchandises dangereuses et les parcs de stationnement constituant une ICPE qui sont exonérés de l’obligation.

Les parcs où stationnent des véhicules transportant des marchandises dangereuses sont les « parcs de stationnement extérieurs constituant des installations classées pour la protection de l’environnement au titre des rubriques 1413, 1414, 1416, 1421, 1434, 1435 et 2925 de la nomenclature annexée à l’article R. 511-9 du Code de l’environnement en raison de l’impossibilité technique de ne pas aggraver un risque technologique ».

Et les parcs de stationnement constituant une ICPE sont ceux « destinés à l’accueil des véhicules porteurs de la signalisation orange prévue au chapitre 5.3 de l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route et mentionnés au 2.3.2 de l’annexe I à l’arrêté du 29 mai 2009 ».