Coronavirus : exigibilité des loyers commerciaux échus durant la période de fermeture administrative

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’a pas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux qui peuvent être payés spontanément ou par compensation, mais interdit l’exercice de voies d’exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement.

Le jugement de la 18ème chambre du Tribunal judiciaire de Paris du 10 juillet 2020 nous fournit une première grille de lecture sur l’appréhension par les juridictions du contentieux relatif aux loyers commerciaux impayés durant la période de fermeture administrative imposée afin d’éviter la propagation de la Covid-19. En effet, ce jugement met en évidence l’exigibilité des loyers commerciaux durant cette période et révèle surtout l’intention des juridictions d’inviter les cocontractants à aménager eux-mêmes les répercussions économiques de la période de fermeture administrative, sous couvert de la bonne foi contractuelle.

En l’espèce, un preneur et son bailleur étaient en procédure depuis 2013 afin de fixer le montant du loyer de renouvellement d’un bail commercial. À la suite d’un arrêt du 29 janvier 2020 de la Cour d’appel de Paris, le bailleur a été déclaré redevable envers son preneur d’une certaine somme au titre d’un trop-perçu de loyer durant le cours de la procédure.

N’ayant pas provisionné la somme en question et rencontrant des difficultés économiques à raison de sa cessation d’activité du fait de la pandémie, le bailleur a sollicité tant des délais de paiement pour le solde de sa dette qu’une compensation avec les loyers échus durant la période de fermeture administrative et demeurés impayés par son preneur.

En réponse, le preneur a refusé tout délai de paiement et poursuivi l’exécution de la décision de la Cour d’appel de Paris du 29 janvier 2020.

Confronté à cette mesure, le bailleur a assigné à jour fixe afin d’obtenir un échelonnement de sa dette et sa compensation avec les créances de loyers impayés du preneur.

Dans son argumentaire, le preneur soutient notamment que la fermeture administrative de son commerce est de nature à le décharger de son obligation de paiement des loyers et qu’en conséquence, toute compensation avec la dette de son bailleur est à exclure. Il soutient plus particulièrement que la période juridiquement protégée a eu pour effet de reporter l’exigibilité des loyers échus et donc qu’aucune compensation ne peut s’opérer.

Après s’être déclaré compétent, le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’ayant pas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux, mais interdit uniquement l’exercice de voies d’exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement, la compensation des loyers impayés à son profit est donc acquise.

De plus, le Tribunal retient qu’en application de l’exigence de bonne foi, les parties étaient tenues de vérifier si les circonstances exceptionnelles ne rendaient pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives. Le bailleur ayant fait des propositions d’aménagement du paiement des loyers alors que le locataire n’a fait aucune démarche en retour, seul le bailleur avait exécuté ses obligations de bonne foi. Dès lors, le Tribunal a fait droit à sa demande de paiement intégral des loyers du deuxième trimestre 2020 par la voie de la compensation.

Si ce jugement est riche d’enseignement tant sur l’exigibilité des loyers que sur leur mode de recouvrement, il est toutefois regrettable que le preneur n’ait pas profité de ce tout premier débat judiciaire pour développer des moyens subsidiaires tels que la force majeure, l’exception d’inexécution, la perte temporaire de la chose louée ou encore l’imprévision.

Par Alexane Raynaldy

L’indemnisation pour perte d’exploitation auprès des assureurs Coronavirus : Axa condamné à indemniser un restaurant des Alpilles

Le 24 août dernier, le Tribunal de commerce de Tarascon (Bouches-du-Rhône) a condamné la compagnie Axa à indemniser un restaurateur des Alpilles pour ses pertes d’exploitation dues à l’épidémie de Covid-19, estimant « non écrite » la clause d’exclusion de garantie avancée par l’assureur.

Ce jugement, qui pourrait faire jurisprudence, prend le contrepied de celui du Tribunal de commerce de Toulouse qui, le 18 août dernier, dans un dossier similaire, avait débouté le chef étoilé Michel Sarran.

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Dans cette ordonnance, le Tribunal de commerce de Tarascon estime « non écrite » la clause d’exclusion de garantie inscrite au contrat signé entre Axa et le restaurant La Bergerie de Mouriès, dans le massif des Alpilles, près d’Aix-en-Provence, celle-ci n’étant « ni formelle, ni limitée ».

En conséquence, il condamne Axa à indemniser le restaurateur à hauteur de 114.105 euros pour ses pertes d’exploitation entre mars et mai.

Si le contrat passé entre Axa et le restaurateur de Mouriès prévoyait bien l’indemnisation des pertes d’exploitation due à une fermeture « prise par une autorité administrative compétente », fermeture qui serait notamment «la conséquence d’une épidémie», l’assureur entendait faire jouer la clause d’exclusion de garantie inscrite au contrat. Cette clause écartait la couverture promise dans le cas où la décision de fermeture concernerait « au moins un autre établissement […] sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré ».

C’est donc cette clause qui a été écartée par le Tribunal de commerce de Tarascon, celui-ci estimant qu’elle « aurait nécessairement pour effet de vider de sa substance la garantie due par Axa » dans les cas d’épidémie.

Cette décision marque ainsi une avancée significative allant dans le sens de la prise en charge par les assureurs des pertes subies par les commerçants pendant la période de confinement face à la Covid-19.

Par Alexane Raynaldy

Locaux commerciaux, entrepôts, terrains squattés : Comment obtenir la libération des lieux ?

Les squats occupent depuis quelques semaines la 1ère page des journaux ;

Théoule-sur-Mer, une résidence occupée et une libération des lieux qui se fait attendre.

Seulement, il n’y a pas que les maisons d’habitation qui peuvent être squattées, il y a aussi des terrains nus, des entrepôts et des cellules commerciales.

Les conséquences peuvent être lourdes pour l’entrepreneur.

En premier lieu, aussi longtemps que l’occupation durera, le propriétaire ne pourra effectivement pas librement disposer de ses biens. Son accès aux emprises occupées, ou celui de toute autre personne régulièrement titrée, demeure strictement prohibé tout au long de l’occupation. Cette interdiction n’est pas à négliger puisque la braver exposerait alors son auteur à des poursuites pénales du chef de violation de domicile (que les lieux soient occupés à usage personnel ou professionnel). Le transport sur les lieux pour négocier une libération amiable ou pour sécuriser et récupérer des effets demeurés dans les lieux que certains propriétaires seraient alors tentés d’engager sont donc à proscrire, tout du moins sans l’accord exprès et formel de l’occupant ou l’autorisation préalable d’un juge.

En deuxième lieu, l’occupation sans droit ni titre expose le propriétaire à des conséquences financières, souvent significatives.

Les conséquences financières ne se limitent par ailleurs pas aux seuls loyers ou redevances perdues mais peuvent, et d’ailleurs assez fréquemment, également résulter de l’entrave à l’exploitation normale du bien que fait subir l’occupation irrégulière au propriétaire. Il en est ici question de l’obstacle à la remise en location ou, plus dommageable encore, de l’obstacle à la vente que présente l’occupation illicite.

Enfin et en dernier lieu, l’occupation sans droit ni titre expose le propriétaire à des risques en termes de responsabilité puisque, conformément aux dispositions de l’article 1244 du Code civil, le propriétaire d’un bâtiment est toujours responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. Cette responsabilité est d’autant plus sérieuse en la matière que, non seulement le propriétaire ne peut plus librement accéder à ses biens pour veiller à leur entretien ou réparer d’éventuels vices que, surtout, l’occupation illicite dont il est victime ne le décharge pas nécessairement de cette responsabilité.

Aussi, toute la problématique est de faire en sorte que cette occupation illicite soit la plus courte possible.

Dès lors qu’il ne constitue pas le domicile professionnel ou personnel d’un occupant titré (propriétaire, locataire, occupant précaire), la libération de tout bien immobilier (bâti ou non bâti) doit obligatoirement être ordonnée par un juge (I). Pour autant, le prononcé d’une décision d’expulsion n’emporte pas automatiquement ni nécessairement la libération immédiate des lieux. Il y a donc lieu de rester attentif à la procédure d’exécution de la décision prononcée, laquelle peut s’avère souvent longue et complexe (II).

 

 

I – La saisine obligatoire du juge

 

En cas d’occupation d’un bien ne constituant pas un domicile, l’introduction d’une procédure judiciaire constitue un préalable indispensable pour mettre fin à une occupation sans droit ni titre et obtenir le concours de la force publique, presque toujours indispensable pour y parvenir.

L’efficacité de la procédure introduite, que ce soit au regard du délai de l’instance que de la teneur de la décision espérée, dépendra alors très largement de la rigueur avec laquelle le plaideur préparera son dossier (A).

La collecte et l’exploitation des éléments du dossier lui permettront ensuite de déterminer à la fois le cadre procédural adapté au besoin du propriétaire entravé, mais également d’attirer l’attention du juge sur les éléments qui devront le conduire à ordonner une libération dans des délais les plus réduits possibles (B).

Une fois la décision d’expulsion prononcée, il reste au propriétaire alors au propriétaire d’en confier l’exécution à un huissier de justice (C).

 

A – Préparation du dossier : collecte et instruction des éléments indispensables au succès de l’instance

 

Si l’introduction d’une instance aux fins d’expulsion peut s’avérer relativement simple tant les règles juridiques en jeu sont a priori de compréhension facile, il ne faut pourtant pas négliger la collecte minutieuse des pièces justificatives nécessaires pour emporter la conviction du juge.

 

♦  Il est d’abord question de la qualité à agir, dont le plaideur devra faire la démonstration. Il lui faudra alors apporter la preuve de son droit de solliciter l’expulsion des occupants irréguliers.

La reine des preuves est bien entendu la production du titre de propriété, bien qu’une attestation notariée de propriété, pour peu qu’elle soit récente, suffise encore à la majorité des juridictions. Cette dernière présente par ailleurs un avantage parfois non négligeable puisqu’elle permet d’épargner au demandeur d’avoir à divulguer à l’adversaire les informations de l’acte de vente qu’il souhaiterait conserver confidentielles.

 

♦ Il est ensuite question de l’intérêt à agir ; autrement dit, de la démonstration apportée par le plaideur que les biens qui lui appartiennent font bien l’objet d’une occupation sans droit ni titre.

Cette preuve n’est pas aisée à rapporter puisque les juridictions ne se satisfont évidemment pas d’une simple déclaration du propriétaire.

Seul un procès-verbal de constat constituera alors la preuve suffisante pour établir, aux yeux du juge, la réalité de l’occupation irrégulière. Il permettra en outre de conférer date certaine à l’occupation irrégulière et d’offrir au juge une description des conditions d’occupation, informations fondamentales dans l’appréciation de la mesure d’expulsion sollicitée.

 

♦  Il est enfin question du bien-fondé des demandes qui seront présentées à la juridiction, notamment au regard de la suppression des délais de grâce qui pourra être sollicitée par le plaideur (cf. infra).

Les chances de succès d’une telle demande seront en grande partie conditionnée par la démonstration que fera le propriétaire de la nécessité urgente qu’il a de récupérer la jouissance des biens occupés.

Dès lors, il conviendra que le plaideur puisse collecter tous les éléments de nature à démontrer l’entrave que constitue l’occupation irrégulière sur l’exploitation de son bien tels qu’une promesse de vente, une promesse de bail, des marchés de travaux si le bien doit en faire l’objet, etc.

Ces éléments collectés, le propriétaire est alors préparé pour identifier et saisir la juridiction compétente.

 

B – L’introduction et le déroulement de l’instance : détermination de la juridiction compétente, de la voie procédurale et des moyens de droit

 

♦ Si la détermination de la juridiction compétente territorialement pose peu de difficultés puisqu’il s’agit toujours de celle dans le ressort de laquelle est situé le bien occupé, la détermination de la juridiction matériellement compétente mérite plus d’attention puisque l’action peut alternativement relever de la compétence du tribunal de grande instance ou de celle du tribunal d’instance.

Le partage de la compétence matérielle entre ces deux juridictions de premier degré est alors fixé par les dispositions de l’article R. 221-5 du Code de l’organisation judiciaire, lesquelles attribuent au tribunal d’instance une compétence exclusive pour les « actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre ».

A contrario, tous les autres types d’occupations irrégulières en matière civile, qu’elles affectent des ouvrages bâtis à usage de commerce ou industriel ou qu’elles affectent des terrains nus à toutes fins (y compris aux fins d’habitation), relèvent de la compétence du tribunal de grande instance.

 

♦ Une fois la juridiction compétente identifiée, il convient de choisir la voie procédurale la plus opportune.

La voie du référé semble ici, de façon générale, devoir être privilégiée puisqu’elle emporte trois avantages considérables.

Ainsi, elle permet, du moins en théorie, d’obtenir un audiencement plus prompt qu’au fond. En deuxième lieu, elle confère l’exécution provisoire de droit à la décision à intervenir. Puis, en dernier lieu, elle n’est pas soumise à l’obligation d’une postulation devant le tribunal de grande instance.

En cas d’urgence dûment avérée, la voie du référé d’heure à heure (et du jour fixe si le fond est privilégié), quoique plus lourde puisqu’elle nécessite l’autorisation préalable de la juridiction saisie, est également adaptée puisqu’elle circonscrira les délais à une convocation à brefs délais et les débats à une audience.

Ceci étant, les plaideurs devront demeurer attentifs aux cas d’espèce particuliers qui, par la typologie de l’occupation irrégulière rencontrée, particulièrement lorsqu’elle est à usage d’habitation et qu’elle dure depuis une certaine durée, devront aussi envisager la saisine du juge du fond.

En effet, la Cour européenne des droits de l’Homme, à travers son arrêt « Winterstein »[1], a imposé au juge national d’exécuter un examen de proportionnalité entre la mesure d’expulsion sollicitée et l’ingérence qu’elle induit sur le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des occupants.

 

♦ Les moyens de droit et de fait, outre la cessation du trouble illicite que constitue l’occupation sans droit ni titre du bien appartenant à autrui, seront concentrés sur la suppression des délais dont les occupants pourront éventuellement bénéficier une fois la décision prononcée – lesquels peuvent durer jusqu’à trois ans.

La portée, le bénéfice et la durée de ces délais sont régis par le code des procédures civiles d’exécution aux termes de ses articles L. 412-1 et suivants[2].

Il résulte de ces articles que deux situations sont à distinguer.

L’occupation illicite ab initio bénéfice d’un régime plus strict qui permet au plaideur d’obtenir la suppression des délais visés aux articles L. 412-1 et L. 412-6 dès lors qu’elle s’exécute sur un bien à usage de domicile.

Pour sa part, l’occupation illicite qui résulte de l’échéance pour toute cause d’un titre d’occupation valablement accordé, offre quant à elle un régime plus protecteur pour l’occupant.

Ce dernier bénéficiera a minima d’un délai de 2 mois pour libérer spontanément les lieux à compter de la signification de la décision et, lorsqu’il s’agira de locaux à usage d’habitation, d’un sursis à exécution de l’expulsion pour cause de trêve hivernale (1er novembre – 31 mars).

Ceci étant, l’attention des propriétaires et des praticiens doit être attirée sur la possibilité pour l’occupant irrégulier de solliciter, en toute hypothèse, le bénéfice de délais de grâce sur le fondement des articles L. 412-3 et L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution, lesquels peuvent alors durer de 3 mois à 3 ans.

Il est donc essentiel, pour éviter au propriétaire de subir les conséquences d’une longue occupation, que le plaideur puisse justifier dès l’introduction de son recours de toutes les circonstances de fait qui militent en faveur d’une libération urgente des lieux.

C’est sur la base de l’ensemble de ces éléments que le juge prononcera sa décision et déterminera les modalités de libération des lieux. Or, même dépourvue de délais, le prononcé de la décision d’expulsion n’emporte pas libération immédiate des lieux. Il appartient en effet au propriétaire de saisir un huissier, dont il relève de l’office exclusif la mise en œuvre de cette mesure.

 

 

II – La mise en œuvre de la décision d’expulsion : voies de recours et exécution

 

La mise en œuvre de la décision d’expulsion dépend essentiellement de deux paramètres : d’une part des voies recours que l’occupant évincé peut mobiliser (qui elles-mêmes se divisent en deux catégories) et, d’autre part, des diligences d’exécution forcée qui doivent être confiées à un huissier de justice.

 

♦ Tout d’abord, l’occupant peut contester le principe même de la décision dont il fait l’objet. Le recours s’exerce alors par la voie de l’appel devant la Cour dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance de référé et dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement au fond.

Toutefois, lorsque cet appel est interjeté à l’encontre d’une ordonnance de référé ou d’un jugement au fond assorti de l’exécution provisoire, l’appel n’interrompt pas les effets exécutoires de la décision contestée.

Dès lors, le propriétaire peut poursuivre, à ses risques et périls certes, l’exécution de la décision ordonnant l’expulsion des occupant sans droit ni titre. L’opportunité de la poursuite de l’exécution dans cette hypothèse s’évalue alors à chaque d’espèce, au regard de la décision prononcée par le juge du premier degré.

L’expérience montre néanmoins que, en matière de référé, les cas de réformation d’une ordonnance de première instance demeurent rares et ne tiennent, pour l’essentiel, qu’à des violations formelles de la loi (par exemple la violation du principe du contradictoire).

 

♦ Ensuite et surtout, indépendamment de l’appel interjeté contre la décision d’expulsion et dès lors que le commandement de quitter les lieux a été signifié à l’occupant litigieux, ce dernier peut toujours solliciter du juge de l’exécution l’octroi de délais supplémentaires pour se maintenir dans les lieux.

La saisine du juge de l’exécution (ci-après « JEX ») n’est pas davantage suspensive des effets exécutoires de la décision rendue (qui sont de droit en référé ou accordés par le juge du fond) jusqu’au prononcé de sa décision par le JEX.

Aussi, le propriétaire peut toujours poursuivre l’exécution de la procédure d’expulsion jusqu’à ce que le JEX n’ait purgé sa saisine par le prononcé d’une décision.

Toutefois, l’attention des plaideurs doit ici être attirée sur la circonstance que la saisine du JEX par l’occupant rend alors le propriétaire débiteur d’une « obligation de loyauté », laquelle lui commande de ne pas exécuter la décision d’expulsion dont le JEX se trouve saisi.

La violation de cette obligation de loyauté, si elle n’autorise pas le JEX à modifier le titre exécutoire ayant prononcé l’expulsion en ordonnant la réintégration de l’occupant dans les lieux, lui permet de condamner le propriétaire à réparer le préjudice en résultant.

Le risque est alors exclusivement pécuniaire et sera, souvent, compensé par les condamnations que les occupants sans droit ni titre auront été condamnés à verser par le juge du premier degré au titre de la violation du droit de propriété causé.

En revanche, si l’expulsion n’a pas été mise à exécution avant le prononcé de sa décision par le JEX, alors tout délai que ce dernier accorderait aux occupants feront obstacle à toute exécution jusqu’à leur expiration.

Le propriétaire pourra alors toujours interjeter appel du jugement qui accorderait de tels délais. Il faut toutefois savoir que, dans cette hypothèse, l’appel n’est pas suspensif des effets du jugement. L’opportunité d’un tel appel s’appréciera donc en fonction du délai accordé par le JEX et des délais d’audiencement à prévoir devant la Cour.

 

♦ Enfin, la libération effective des lieux dépendra des diligences exécutées par l’huissier de justice pour la mettre en œuvre.

Or et dans un premier temps, les délais d’exécution de ces diligences dépendent largement de la date à laquelle la force publique accordera son concours pour mettre fin à l’occupation illégitime.

La difficulté réside ici dans la disponibilité des forces de l’ordre, laquelle veut varier, parfois sensiblement, d’un secteur à l’autre et d’un cas d’espèce à l’autre. L’huissier instrumentaire des opérations ne disposent pas du pouvoir de contraindre l’Etat à accorder son concours et seule une action en responsabilité pourra permettre au propriétaire d’obtenir la réparation du préjudice qui résulterait d’un retard dans le concours sollicité.

Puis, dans un second temps, la libération effective des lieux suppose également qu’ils soient vidés des meubles éventuellement laissés sur place par les occupants.

Le sort des meubles, régi par les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, permet alors au propriétaire de les laisser sur place jusqu’à ce que le JEX ne statue sur leur sort (mise en vente aux enchères ou abandon) ou encore de les déplacer, à ses frais avancés, dans un lieu de son choix jusqu’à ce que le JEX ne statue sur leur sort.

La date de l’audience à laquelle le juge de l’exécution sera appelé à statuer sur le sort des meubles est connue au jour de l’expulsion et communiquée aux occupants sous la forme d’une assignation qui leur est signifiée pendant cette opération.

Il convient donc pour le propriétaire d’anticiper les éventuelles difficultés que pourront présenter la gestion des meubles des occupants évincés.

 

 

En conclusion, l’efficacité d’une instance aux fins de libération de lieux occupés tient d’abord à la qualité des pièces justificatives (titre de propriété, titre d’occupation litigieux, acte de résiliation du titre d’occupation, procès-verbal de constat de la permanence de l’occupation) qui auront été rassemblées par le propriétaire préalablement à l’instance pour établir sa qualité, son intérêt et le bienfondé de son action.

L’examen de ces éléments permettra de choisir la voie procédurale adaptée qui, dans la majorité des cas sera celle du référé, laquelle offre des délais d’audiencement réduit, confère l’exécution provisoire de droit à la décision prononcée et exonère le plaideur d’une postulation obligatoire.

Les moyens de droit et de fait seront quant à eux concentrés sur le trouble causé par l’occupation sans droit ni titre et la suppression des délais dont l’occupant est susceptible de bénéficier.

L’exécution de la décision et la récupération effective des lieux par son propriétaire n’est toutefois pas immédiate. Elles supposent l’expiration des délais s’ils ont été accordés, éventuellement l’expiration des voies de recours et de la date à laquelle la force publique acceptera de prêter son concours.

Les propriétaires doivent ainsi garder à l’esprit les délais de procédure potentiellement importants qui peuvent s’écouler entre la constatation de l’occupation irrégulière et la libération effective des lieux, les invitant à faire preuve de célérité dans l’instruction et l’introduction de leur instance.

 

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[1] Cour européenne des droits de l’Homme, Winterstein et autres c. France, requête n° 27013/07, 17 octobre 2013

[2] Code des procédures civiles d’exécution, article L. 412-1, modifié par la Ioi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 – art. 201 : Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du Code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.

Article L. 412-3, modifié par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 – art. 143 : Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions. […]

Article L. 412-4, modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 – art. 27 (V) : La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du Code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Article L. 412-6, modifié par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 – art. 201 : Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait. Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l’aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa.

 

Par Claire-Marie Dubois-Sapenlé et Romain Desaix

Le droit à l’erreur est admis sur une demande de communication unique de documents dans le cadre de l’exercice du droit de préemption

Par un arrêt en date du 9 mars 2020, la Cour administrative d’appel de Douai se montre pragmatique lorsque le titulaire du droit de préemption commet de légères erreurs dans sa demande de communication unique de documents et accepte, tout de même, de suspendre le délai d’exercice du droit de préemption.

En l’espèce, le titulaire du droit de préemption avait formulé une demande unique en sollicitant la transmission des documents suivants :

  1. « une copie de l’avant-contrat de vente s’il existe » ;
  2. « le dossier technique mentionné à l’article L. 213-4 du Code de la construction et de l’habitation » ;
  3. « l’indication de la superficie des locaux ou s’il existe le mesurage effectué par un professionnel » ;
  4. « l’acte constitutif des servitudes et, si elles existent, ses annexes ».

On constate immédiatement que cette demande comporte certaines erreurs sur deux types de documents réclamés mais le juge administratif décide de ne pas les sanctionner :

  1. le titulaire du droit de préemption aurait dû solliciter « les extraits de l’avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et l’état de l’immeuble » et non la copie entière de l’avant-contrat. Néanmoins, le juge administratif considère, compte tenu du caractère lacunaire de la déclaration d’intention d’aliéner quant à la consistance et l’état de l’immeuble en cause et à la référence faite à l’article R. 213-7 du Code de l’urbanisme que cette demande doit être regardée comme sollicitant les extraits de l’avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et l’état de l’immeuble visés au 6° de l’article précité ;

  2. le titulaire du droit de préemption aurait dû viser l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation au lieu de l’article L. 213-4 pour demander la communication du dossier de diagnostic technique. Pour autant, le juge administratif estime que cette erreur de plume n’a pas pu induire en erreur le professionnel de l’immobilier auquel était adressé ce courrier.

 

Finalement le juge administratif n’est pas inflexible sur les imperfections que pourraient comporter la demande de communication unique de documents et se refuse à tout excès de formalisme.

En conséquence, il admet de suspendre le délai d’exercice du droit de préemption, nonobstant les quelques erreurs affectant la demande de communication unique de documents.

Autorisation d’urbanisme et article R. 111-2 du Code de l’urbanisme : appréciation du risque pour la sécurité publique en présence d’un plan de prévention des risques naturels

Aux termes de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme :

« Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

Dans sa décision du 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat a précisé l’analyse que devait poursuivre le service instructeur – puis, le cas échéant, le juge administratif – sur l’application de l’article R. 111-2 précité lorsqu’un plan de prévention des risques est opposable sur le territoire concerné :

« 4. Aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme : “ Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations “.

5. En vertu de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, l’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d’y interdire les constructions ou la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L’article L. 562-4 du même code précise que “ le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d’utilité publique. Il est annexé au plan d’occupation des sols, conformément à l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme […] “.

6. Les prescriptions d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d’utilité publique, s’imposent directement aux autorisations de construire, sans que l’autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention et, le cas échéant, de préciser dans l’autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l’exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, il peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s’ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Ce n’est que dans le cas où l’autorité compétente estime, au vu d’une appréciation concrète de l’ensemble des caractéristiques de la situation d’espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l’autorisation de construire est sollicitée, y compris d’éléments déjà connus lors de l’élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu’il n’est pas légalement possible d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions permettant d’assurer la conformité de la construction aux dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qu’elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis » (CE 22 juillet 2020, n° 426139).

Autrement dit et au regard des conclusions éclairantes de Monsieur le rapporteur public, Olivier Fuchs, sur cette affaire, il convient, dans une telle hypothèse, de :

  • Vérifier que le projet respecte les dispositions réglementaires du PPRI et que ces dernières sont suffisantes pour garantir la sécurité publique au regard du projet en cause ;
  • Si tel n’est pas le cas, s’interroger sur le fait de savoir si des prescriptions supplémentaires peuvent être imposées sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme ;
  • Et ce n’est qu’à défaut de pouvoir imposer de telles prescriptions que le permis de construire doit être refusé.

Ainsi, dans l’affaire en cause, le Conseil d’Etat a considéré que le tribunal administratif de Versailles avait commis une erreur de droit en annulant le permis de construire sans rechercher si les prescriptions du plan de prévention du risque d’inondation de la vallée de la Seine avait été respectées et n’étaient pas, à elles seules ou, le cas échéant, complétées de prescriptions spéciales, de nature à prévenir les risques d’atteinte à la sécurité publique :

« 7. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le projet autorisé par le permis de construire litigieux consiste en la réalisation de 758 logements devant accueillir environ 2 000 personnes, de plusieurs commerces et d’une crèche de 60 berceaux, sur un terrain situé au bord du bras de la Darse, long d’environ 850 mètres, dans la zone “ ciel “ du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) de la vallée de la Seine, correspondant à un aléa “ moyen “. Le tribunal a relevé, d’une part, qu’il ressort de l’étude hydraulique produite au dossier qu’en cas de forte crue, équivalente à la crue centennale, le site serait intégralement inondé, avec une hauteur d’eau moyenne d’un mètre et qu’en cas de crue moins importante, l’îlot central serait inondé, ainsi qu’une grande partie des parcelles voisines et, d’autre part, que l’Agence régionale de santé a émis un avis défavorable sur le projet. En en déduisant que, au vu de l’importance du projet et de la circonstance qu’il prévoit l’installation sur le site d’un établissement accueillant de très jeunes enfants, le maire avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en accordant le permis de construire attaqué, sans rechercher si, comme il était soutenu devant lui, les prescriptions du plan de prévention du risque d’inondation de la vallée de la Seine avait été respectées et n’étaient pas, à elles seules ou, le cas échéant, complétées de prescriptions spéciales, de nature à prévenir les risques d’atteinte à la sécurité publique, le tribunal a commis une erreur de droit ».

Précision par le Conseil d’Etat de l’autorité compétente pour régulariser un PLU

L’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi n° 2014-366 dite loi ALUR, n’en finit pas de nourrir le contentieux administratif.

Pour rappel, cet article, bonne illustration de la volonté d’introduire toujours plus de pragmatisme dans le contentieux de l’urbanisme, permet au juge administratif, saisi de la légalité d’un SCOT, d’un PLU ou encore d’une carte communale, de surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation d’un ou plusieurs vices dont serait entaché le document d’urbanisme en cause (il permet également de n’annuler que partiellement ces documents, mais ce n’est pas l’objet de la jurisprudence commentée).

La décision SCI l’Harmas du 29 juillet dernier apporte de nouvelles précisions sur les conditions d’utilisation de cet outil contentieux.

Dans cette affaire, la SCI l’Harmas a sollicité le juge administratif afin que celui-ci annule la délibération du 23 juillet 2015 par laquelle la commune d’Aix-en-Provence a approuvé son plan local d’urbanisme.

Cette délibération a fait parallèlement l’objet d’un autre contentieux, à l’occasion duquel, le Tribunal administratif de Marseille a accueilli le moyen tenant à l’insuffisance de motivation du rapport de la commission d’enquête. Ce faisant, le tribunal a sursis à statuer en application de l’article L. 600-9, dans l’attente de la régularisation de ce vice. Par suite, la commission d’enquête a complété sa motivation en juillet 2017, et la commune d’Aix-en-Provence a approuvé cette régularisation par une nouvelle délibération intervenue en septembre 2017.

Parallèlement, devant la CAA de Marseille, la SCI l’Harmas avait également soulevé le moyen relatif à l’insuffisance de motivation du rapport de la commission d’enquête. Pour écarter ce moyen, la cour a tenu compte de la régularisation opérée par la délibération du 26 septembre 2017 de la commune d’Aix-en-Provence.

La SCI, devant le Conseil d’Etat, a critiqué l’arrêt de la CAA de Marseille, en soutenant que la régularisation n’avait pu valablement être opérée, dans la mesure où la commune d’Aix-en-Provence n’était plus compétente en matière de plan local d’urbanisme, au regard de la création, le 1er janvier 2016, de la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Pour répondre à ce moyen de cassation, le Conseil d’Etat a commencé par rappeler sa jurisprudence commune de Sempy (CE, 22 déc. 2017, n°395963) en jugeant que « il appartient à l’autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise ».

En revanche, le Conseil d’Etat précise dans la suite de sa décision que « la compétence de l’autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation ». Ce faisant, c’est l’autorité compétente en matière de PLU au jour de l’approbation de la régularisation, et non au jour de l’édiction de la décision initiale, qui peut valablement approuver la régularisation du document d’urbanisme litigieux.

Toute la question était alors ici de savoir si, entre la délibération du 23 juillet 2015 approuvant le PLU, et la délibération du 29 septembre 2017 approuvant la régularisation du PLU, la compétence PLU avait été transférée à la Métropole. En cas de réponse positive, il fallait alors considérer que la commune ne pouvait valablement adopter la délibération du 29 septembre 2017. Toutefois, la compétence n’a été transférée à la Métropole qu’à compter du 1er janvier 2018, de sorte que la commune pouvait valablement approuver la régularisation du PLU.

Cette jurisprudence doit inciter à une vigilance accrue lors de la mise en œuvre des procédures de régularisation, seule l’autorité compétente au jour de la délibération de régularisation peut valablement acter d’une telle régularisation.

Droit de préférence du preneur et possibilités du bailleur

A l’occasion d’un litige en fixation de loyer avec son preneur, un bailleur notifie à ce dernier, en application de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, une offre de vente des locaux à un prix de 5.050.000 €, outre d’importants frais notariés et 300.000 € de frais d’agence à la charge de l’acquéreur, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2018, réitérée par acte d’huissier le 24 octobre 2018.

Le preneur conteste l’offre le 29 octobre 2018 et, le 9 novembre suivant, le bailleur conclut avec un tiers acquéreur une promesse unilatérale de vente sous réserve de la purge du droit de préférence du preneur.

Le bailleur assigne son preneur à jour fixe aux fins de confirmation de la purge du droit de préférence légal avait bien été mise en œuvre par ses soins.

Le bailleur ayant obtenu gain de cause en première instance, le preneur relève appel du jugement au motif que la notification de l’offre de vente aurait dû être antérieure à toute négociation avec un tiers, avant tout mandat de vente et avant tout avant-contrat.

Suivant arrêt du 27 mai 2020, la Cour d’appel de Paris déboute le preneur de l’intégralité de ses demandes et confirme ainsi le jugement entrepris.

Les juges du second degré estiment en effet que le bailleur pouvait, sans remettre en cause la validité de l’offre de vente au preneur, entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien, de détermination de sa valeur et de vérification d’un marché de la vente.

L’arrêt rappelle au passage que l’inclusion dans le prix de l’offre de vente, sans introduire de confusion dans l’esprit de l’acquéreur, du coût des honoraires de l’agent immobilier alors qu’ils ne sont pas dus, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente.

Régime applicable au bail reconduit après la cession à un organisme HLM

Un bailleur a donné à bail à un couple de locataire à compter du 15 juillet 1991 un appartement acquis en 2001 par un organisme HLM.

Par la suite, un nouveau bail est régularisé entre les locataires et l’organismes HLM.

En 2015, après avoir fait plusieurs offres de relogement refusées par la locataire, le bailleur lui notifie un congé pour démolir demeuré infructueux et l’assigne en expulsion, sur le fondement de dispositions applicables aux logements sociaux non conventionnés.

Le bailleur ayant obtenu gain de cause en première instance et en appel, la locataire forme un pourvoi en cassation. Elle prétend que le congé aurait dû respecter les formes et conditions de l’article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le bail étant selon elle soumis à cette législation et non à celle relative aux logements sociaux non conventionnés.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et considère que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a dit que les dispositions propres aux logements appartenant à des organismes HLM ne faisant pas l’objet d’une convention ne sont pas applicables aux baux en cours lors de l’acquisition de ces logements par l’organisme HLM, mais que, les baux reconduits étant de nouveaux baux, ceux-ci ne peuvent, lors de leur reconduction, demeurer régis par les dispositions de droit commun des baux d’habitation auxquelles ils étaient initialement soumis.

Ainsi, ce n’est qu’à l’occasion d’une reconduction de bail ou d’un nouveau bail que le régime de ce dernier suit celui la qualité du nouveau bailleur.

Précisions sur la notion d’établissement recevant du public (ERP) et l’application de la réglementation en vigueur

Par un jugement rendu le 18 juin 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a eu l’occasion de revenir sur la notion d’établissement recevant du public et sur l’application de la réglementation en vigueur.

En l’espèce et d’un point de vue factuel, une association a conclu un bail commercial portant sur un local situé au premier étage d’un bâtiment.

A la suite d’une visite inopinée et après avoir constaté de nombreuses anomalies, la commission communale de sécurité et d’accessibilité a émis un avis défavorable à l’admission du public au sein de ce local ainsi que celui situé au même étage et occupé par une seconde association distincte.

Sur la base de cet avis et en raison des dangers pour le public, la commune a pris un arrêté de fermeture de l’ensemble de l’établissement recevant du public et a mis en demeure les présidents de chacune des associations de respecter et faire respecter ledit arrêté municipal.

L’une des associations a alors formé un recours gracieux infructueux puis un recours contentieux afin notamment d’obtenir l’annulation de l’arrêté de fermeture pris par la commune.

A cet effet, cette dernière a fait valoir que le maire de la commune avait, de manière erronée, considéré que les locaux de chacune des deux associations faisaient partie d’un même établissement recevant du public, alors que ces locaux faisaient l’objet de baux commerciaux distincts, que les preneurs de ces baux étaient distincts et qu’ils n’accueillaient pas le même public.

Toutefois, après avoir rappelé les dispositions des articles R. 123-2 et R 123-21 du  Code de la construction et de l’habitation ainsi que celle de ‘l’article GN 2 de l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public, le Tribunal a jugé qu’il ressort de ces dispositions que « lorsqu’elles ne sont pas isolées conformément aux dispositions réglementaires, les exploitations distinctes regroupées dans un même bâtiment sont considérées comme un seul établissement recevant du public, au sens et pour l’application de la réglementation contre les risques d’incendie et de panique, nonobstant la circonstance qu’il s’agisse d’établissements indépendants au regard du droit des sociétés et du droit commercial ».

Autrement dit, plusieurs exploitations de types similaires peuvent coexister dans le même bâtiment et constituer autant d’établissements recevant le public, sous réserve que ces exploitations regroupées au sein d’un même bâtiment répondent à des conditions d’isolement.

En l’espèce et pour rejeter sa requête, le Tribunal a ainsi considéré que l’association requérante qui avait ouvert son local au public sans autorisation municipale n’alléguait pas que ces conditions d’isolement seraient remplies, étant précisé que l’existence de baux commerciaux, de preneurs et de publics distincts est indifférente à la définition physique de l’établissement recevant du public.

Il a ainsi conclu que, compte tenu de la description des lieux telle qu’elle ressort du procès-verbal de la commission communale de sécurité et d’accessibilité, la commune, qui contrairement à ce que soutenait l’association requérante, avait effectivement constaté que les locaux étaient exploités par deux associations distinctes, a pu considérer que les deux locaux, desservis par le même accès et le même escalier intérieur au même étage du même bâtiment, constituent un seul établissement recevant du public au sens et pour l’application de la réglementation contre les risques d’incendie et de panique.

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence très stricte sur l’application de la réglementation en vigueur concernant les établissements recevant du public lesquels endossent une grande responsabilité.

Dépôt du rapport d’expertise et dessaisissement de l’expert judiciaire

Par un arrêt rendu le 9 juillet 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est revenue sur les règles applicables en matière d’expertise judiciaire. 

En l’espèce et très brièvement, à la fin de ses opérations d’expertise, l’Expert a déposé un premier rapport d’expertise. 

Postérieurement, et sans en aviser les parties, l’Expert a déposé un second rapport. 

En première instance, la Cour d’appel a écarté des débats ce rapport d’expertise complémentaire déposé après le dessaisissement de l’expert judiciaire désigné. 

La Cour de cassation a alors confirmé l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que : 

« […] ayant relevé que, dans son rapport déposé le 27 mars 2017, l’expert judiciaire ne s’était pas prononcé sur l’incidence fiscale de la cession des parts sociales, point qui ne figurait pas dans les chefs de sa mission, mais qu’il avait pris l’initiative, sans en aviser les parties, de déposer le 10 avril 2017, après son dessaisissement, un second rapport comprenant un développement sur cette incidence et modifiant certains postes d’éléments de l’actif et ayant retenu que ce rapport complémentaire avait été établi en dehors des règles de l’expertise civile, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a souverainement déduit que celui-ci devait être écarté des débats. » 

Autrement dit, après dépôt de son rapport d’expertise, l’Expert judiciaire désigné est dessaisi et ne peut reprendre ses opérations d’expertise sans obtenir l’autorisation du juge. 

En pratique, les exceptions à ce principe sont restreintes et encadrées de sorte que les parties doivent être particulièrement vigilantes avant le dépôt du rapport de l’Expert judiciaire si elles souhaitent encore produire des pièces, formuler des observations ou demandes indemnitaires complémentaires.   

Retour sur les contours de l’assurance obligatoire en cas de travaux sur existants

Par un arrêt rendu le 25 juin 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de revenir, une nouvelle fois, sur la question de l’assurance obligatoire en cas de travaux sur existants.

Pour mémoire, il résulte des dispositions de l’article L. 243-1-1 du Code des assurances que :

« I. – Ne sont pas soumis aux obligations d’assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d’effluents, ainsi que les éléments d’équipement de l’un ou l’autre de ces ouvrages. Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d’équipement, sont également exclus des obligations d’assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l’ouvrage ou l’élément d’équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d’assurance. II. – Ces obligations d’assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles ».

En l’espèce, des particuliers ont confié à une entreprise l’aménagement des combles d’une maison après modification de la charpente et création d’un plancher ainsi que de trois fenêtres.

Postérieurement, ils se sont plaints de l’apparition d’infiltrations et de désordres à l’intérieur et à l’extérieur de l’immeuble.

Après une expertise judiciaire, ils assignent l’entreprise ainsi que son assureur responsabilité civile décennale en indemnisation de leurs préjudices.

Aux termes de son arrêt, la Cour d’appel a limité la condamnation de l’assureur à garantir l’entreprise « au montant du coût des travaux de reprise de l’ouvrage neuf […] ».

La Cour de cassation confirme l’arrêt sur ce point et considère que « la cour d’appel a exactement retenu que les dommages causés par répercussion à l’ouvrage existant ne relevaient de l’obligation d’assurance que si cet ouvrage était totalement incorporé à l’ouvrage neuf et en devenait techniquement indivisible » ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque « la modification de la charpente avait consisté à rigidifier le triangle supérieur des fermettes par la suppression des contre-fiches et l’ajout à chacune d’elles des renforts d’arbalétriers et des entraits et la mise en place de jambettes et d’une sorte d’entrait retroussé » et non une incorporation totale à l’ouvrage neuf.

Elle a ainsi conclu que l’assureur ne devait sa garantie à l’entreprise que pour les travaux de reprise des désordres affectant l’ouvrage neuf réalisé.

Encore une opportunité pour la Cour de clarifier les contours de l’assurance obligatoire en cas de travaux sur existants dont l’appréciation ne peut se faire qu’au cas par cas.

Vers une éventuelle fusion de SUEZ et VEOLIA, les deux opérateurs majeurs du secteur de l’eau et des déchets en France

Véritable serpent de mer depuis 2006, le rapprochement des deux groupes français, acteurs mondiaux majeurs dans le domaine de l’eau et des déchets, semble relancé.

ENGIE, qui détient plus de 32 % de parts de SUEZ, souhaite vendre sa participation pour simplifier sa structure et rendre plus cohérentes et lisibles ses activités, plutôt éloignées du domaine de l’eau. Cette vente a nécessairement reçu le soutien de l’Etat, lui-même actionnaire à hauteur de 23 % d’ENGIE, et qui n’a évidemment pas intérêt à ce que la vente se fasse à vil prix.

VEOLIA a fait montre de son intérêt de rachat de ces parts, et envisage ensuite de lancer une OPA sur les 68 % restants.

Cette fusion aurait probablement un sens à l’international, afin de permettre à ce futur géant du secteur de concurrencer les grosses entreprises américaines ou chinoises. Pour le PDG de VEOLIA, Antoine Frérot, il s’agirait de créer « un super champion mondial de la transition écologique », réalisant alors près de 41 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé.

C’est du point de vue national que cette fusion interroge.

D’abord, il est clair que la fusion de ces deux entreprises qui détiennent à elles-deux (la SAUR étant le troisième acteur minoritaire) le monopole du secteur de la gestion de l’eau en France, va enfreindre le droit de la concurrence : il est d’ores et déjà envisagé que VEOLIA vende la branche Eau de SUEZ et un acquéreur a déjà été trouvé, le fonds français d’infrastructures MERIDIAM. Si l’opération aboutit, ce seront pas moins de 4 à 5 milliards d’euros d’actifs qui devraient être cédés à ce fonds, qui a plutôt bonne presse et est considéré comme un acteur important en faveur du développement durable.

Au-delà du secteur de l’eau, il est également probable que cette fusion conduise aux mêmes problèmes anticoncurrentiels dans le domaine de l’incinération des déchets et qu’une vente de la branche Déchets soit donc aussi à envisager.

SUEZ craint une suppression massive d’emplois (le chiffre de 2.000 suppressions de postes en France est évoqué, notamment en raison de doublons dans des fonctions support et des centres de services partagés).

Les collectivités doivent-elles craindre cette fusion ?

Il est vrai qu’il n’est pas rassurant de voir les deux acteurs principaux du secteur fusionner, là où le monopole est souvent source d’abus de prix, conduisant d’ailleurs de nombreux élus à faire le choix d’un retour en régie. Et si les nouveaux actionnaires de SUEZ et de sa branche Eau ont de fortes exigences de rentabilité – ce qu’on peut raisonnablement anticiper s’agissant d’un fonds de pension –, on peut imaginer que le groupe privilégie les gros contrats de concession, délaissant les plus petites collectivités ou leur proposant un prix déraisonnable. En tout état de cause, les collectivités auront moins de poids dans les négociations des contrats puisque la concurrence se réduit à peau de chagrin.

Les parlementaires s’emparent en tous cas du sujet et une commission vient d’être créée pour que la représentation nationale soit informée des intentions de chacun.

En parallèle, les dirigeants de SUEZ préparent une contre-offre en vue de faire racheter les parts d’ENGIE par un consortium dont la liste des membres n’est pas encore arrêtée. A ce stade, sont cités parmi les acquéreurs potentiels les fonds d’investissement français ARDIAN et ANTIN, qui pourraient être rejoints par un fonds européen voire par le groupe AXA. Cette contre-offre a été présentée le 15 septembre 2020 au Conseil d’administration de SUEZ, au Ministre de l’économie et des finances le lendemain et devrait être rendue publique dans les prochains jours.

Affaire à suivre donc.

Modalités de transfert des compétences eau et assainissement au regard du dispositif législatif dérogatoire dans les communautés de communes

La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes prévoit que les communes d’une communauté de communes  pouvaient s’opposer au transfert des compétences eau et assainissement au 1er janvier 2020 « si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population ont délibéré en ce sens. En ce cas, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026. […] Si, après le 1er janvier 2020, une communauté de communes n’exerce pas les compétences relatives à l’eau et à l’assainissement ou l’une d’entre elles, l’organe délibérant de la communauté de communes peut également, à tout moment, se prononcer par un vote sur l’exercice de plein droit d’une ou de ces compétences par la communauté. Les communes membres peuvent toutefois s’opposer à cette délibération, dans les trois mois », dans les conditions de majorité précitée. 

En l’espèce, conformément à la loi du 3 août 2018, les communes de la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée se sont opposées avant le 1er juillet 2019 au transfert des compétences eau et assainissement. Néanmoins, la Communauté a procédé, par une délibération du 22 juillet 2019, à l’engagement de la procédure de transfert desdites compétences, en application de l’article L. 5211-17 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). On rappellera qu’en application de cet article, les communes peuvent transférer une ou plusieurs compétences par délibérations concordantes de l’organe délibérant de la communauté de communes et des conseils municipaux se prononçant dans les conditions de majorité requises pour la création d’un établissement public de coopération intercommunale. 

Le Conseil d’Etat a alors précisé que, dès lors que les communes ont exprimé leur opposition, dans les conditions prévues par la loi, au transfert des compétences eau et assainissement, avec pour effet de repousser au 1er janvier 2026 le transfert obligatoire desdites compétences eau et assainissement à la communauté de communes, alors cette dernière ne pouvait mettre en œuvre la procédure de l’article L. 5211-17 du CGCT entre le 1er juillet 2019 et le 1er janvier 2020 en vue d’un transfert de ces mêmes compétences au 1er janvier 2020. En somme, le juge refuse le recours aux règles de droit commun qui permettrait, au regard des règles de majorité différentes, de surmonter les oppositions de certaines communes au transfert et ainsi de faire échec au dispositif d’opposition au transfert. 

Saisie-attribution : précisions sur le caractère exécutoire du jugement de première instance

Réclamées par de nombreux observateurs, des précisions ont enfin été apportées par la Cour de cassation sur la qualité de titre exécutoire conférée au jugement de première instance.

En l’espèce, une banque avait obtenu, en 2011, la condamnation de son débiteur par un jugement revêtu de l’exécution provisoire, confirmé par un arrêt de Cour d’appel en 2014. C’est pourtant sur le fondement du jugement de première instance, et non de l’arrêt confirmatif, que la banque créancière avait fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire de son débiteur.

Le débiteur a contesté cette saisie-attribution devant le juge de l’exécution qui a déclaré non avenu le jugement en vertu duquel la saisie avait été pratiquée au motif qu’il n’était pas justifié de sa signification (et pour cause puisque la banque n’avait pas comparu) et ordonné la mainlevée de la saisie.

La Cour d’appel a infirmé le jugement du juge de l’exécution dès lors que la banque appelante a pu justifier, en cause d’appel, avoir signifié le jugement en vertu duquel la saisie avait été pratiquée.

En cassation, le pourvoi du débiteur est rejeté par la deuxième chambre civile. En effet, le jugement de première instance était revêtu de l’exécution provisoire de sorte qu’il était exécutoire et l’arrêt d’appel de 2014, l’ayant purement et simplement confirmé, ne pouvait lui faire perdre son caractère de titre exécutoire ni son autorité de chose jugée.

Ainsi, le créancier dispose de deux titres exécutoires : le jugement de première instance, assorti de l’exécution provisoire et l’arrêt d’appel exécutoire dès son prononcé. La saisie-attribution peut donc être fondée sur l’une ou l’autre des décisions, conformément à l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

Par ailleurs, selon l’article 501 du Code de procédure civile, le jugement est exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée, donc lorsqu’ il n’est pas susceptible d’un recours suspensif d’exécution ou, s’il est susceptible d’un tel recours, à l’expiration du délai de recours.

Pas de survie des clauses en cas de caducité du contrat de location financière en conséquence de l’anéantissement de la vente

En décidant que la résolution de la vente entraîne la caducité du contrat de location avec option d’achat, la Cour de cassation poursuit le revirement entrepris en 2018 dans le contentieux du crédit-bail.

En l’espèce, une personne physique a commandé un navire de plaisance fabriqué par la société Bavaria Yachtbau GmbH et cédé à la société Yacht Azur par le distributeur exclusif de la marque, la société Bateaux moteur Bavaria France. Pour cette acquisition, l’acquéreur a conclu un contrat de location avec option d’achat avec la société BNP Paribas. La société Yacht Azur a été placée par la suite en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.

Le 17 février 2009, il assigne la société Yacht Azur en résolution de la vente et du contrat de location. La Cour d’appel décide que la résolution du contrat de vente relatif au navire litigieux entraînait la caducité du contrat de financement du fait que ces contrats étaient indivisibles. Au soutien de son pourvoi, la banque affirme que l’anéantissement du contrat de vente entraîne la résiliation du contrat de location avec option d’achat, sous réserve de l’application des clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation.

Or, la Cour de cassation refuse une telle lecture et précise que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de location avec option d’achat et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat.

Cette décision fait application d’un arrêt de chambre mixte du 13 avril 2018 en matière de crédit de location avec option d’achat. D’une part, la ressemblance entre l’opération de crédit-bail et la location avec option d’achat plaide pour un alignement des solutions.  D’autre part, les clauses prévues dans le cadre d’une résiliation sont donc parfaitement inapplicables puisque la caducité intervient au jour de la résolution du contrat de vente.

Ainsi, cette décision est majeure puisqu’elle affirme le principe selon lequel la disparition du contrat de vente entraine la caducité du contrat de location avec option d’achat.

Précisions sur la déontologie de la fonction publique apportées par le rapport annuel 2019 de la HATVP

Le 9 juillet 2020, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a publié son rapport annuel, celui-ci revêtant cette année une portée particulière puisqu’il aborde, pour la première fois, la mission de contrôle déontologique dont elle est désormais chargée à l’égard des fonctionnaires depuis la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Concernant ce dernier sujet, le rapport est peu disert sur les questions déontologiques, en comparaison de l’exhaustivité des rapports qui étaient émis par la commission de déontologie, mais il apporte néanmoins quelques informations intéressantes.

Pour mémoire, la nouvelle procédure déontologique mise en place par la loi du 6 août 2019 délègue aux employeurs publics une grande partie du pouvoir de contrôle qui appartenait jusqu’alors exclusivement à la commission de déontologie. Concrètement, c’est donc, sauf pour ceux qui exercent les plus hautes responsabilités, l’employeur public, le cas échéant assisté du référent déontologue, qui contrôle notamment la compatibilité déontologique et pénale des allers-retours entre le secteur public et le secteur privé des fonctionnaires.

Cette nouvelle procédure transfère de facto le contrôle du respect des principes déontologiques aux employeurs publics, qui ne disposent pas nécessairement des moyens dont était dotée la commission de déontologie, tant en termes de personnel que de compétence et de spécialisation.

Dans ce contexte, le rapport est avare d’exemple de cas étudiés, ou d’éléments précis sur la façon dont la HATVP procède le cas échéant au contrôle déontologique. En outre, la HATVP insiste sur le fait qu’elle ne publiera pas d’avis, même anonymisés : ceux-ci étant confidentiels, ils ne seront rendus publics qu’avec l’accord de la personne à l’origine de la saisine (lesquels, a priori, ne seront pas les avis négatifs, dont les agents seront naturellement peu enclins à accepter la publication, alors qu’ils sont les plus riches d’enseignement).

Par ailleurs, la HATVP précise qu’elle n’est pas « tenue par la doctrine de la commission de déontologie de la fonction publique »[1]. Autrement dit, les rapports successifs jusqu’alors publiés annuellement par la commission de déontologie, ne constitueraient plus une source parfaitement fiable d’interprétation des règles déontologiques, puisque la HATVP se réserve maintenant officiellement le droit de diverger de l’interprétation suivie par la commission de déontologie.

C’est, d’ailleurs, ce qu’elle fait immédiatement après concernant les critères de définition de l’entreprise privée[2] : alors que la commission de déontologie retenait trois critères (nature de l’activité ; répartition du capital ; mode de financement[3]), la HATVP indique désormais qu’elle adoptera des critères légèrement différents : elle prendra ainsi en compte le poids économique de l’entité ; la nature de ses membres ou actionnaires et l’inscription de l’organisme sur le registre des représentants d’intérêts.

Enfin, la HATVP indique assurer, au-delà de ses missions de contrôle, une réelle mission de conseil en matière déontologique.

Elle précise en premier lieu accepter de délivrer des avis directement aux institutions, et notamment en ce qui concerne les chartes déontologiques que les employeurs publics pourraient être amenés à édicter. Cette possibilité est précieuse : à défaut de disposer d’une jurisprudence permettant d’assurer un contrôle fin sur le plan déontologique, les employeurs peuvent s’engager dans l’élaboration d’une charte qui, elle, pourra revêtir un degré de précision suffisant, et doté d’une sécurité juridique forte puisqu’elle pourra être validée directement par la HATVP.

En deuxième lieu, on peut noter deux mesures de renforcement de la sécurité des contrôles.

D’abord, la HATVP a indiqué accepter, pour le moment du moins, de répondre directement aux interrogations qui lui sont adressées par les référents déontologues, ces derniers étant, pour rappels, chargés du deuxième degré de contrôle déontologique, après les employeurs publics eux-mêmes.

Ensuite, un guide des conflits d’intérêts, qui portera notamment sur les questions de compatibilité pénale et déontologique ainsi que le risque de prise illégale d’intérêt pourrait être publié à destination des administrations chargées de les prévenir dans le cadre de la compétence qui leur a été attribuée par l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

[1] Rapport HATVP 2019, p. 77

[2] Rapport, p. 77

[3] Rapp. de la commission de déontologie 2016, p. 29

Fixation à titre temporaire des règles dérogatoires de formation et de titularisation de certains fonctionnaires territoriaux en raison de la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19

Ce décret paru au Journal officiel le 23 août dernier instaure des règles dérogatoires de formation et de titularisation de certains fonctionnaires territoriaux en raison de la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.

L’article 1 dudit décret libère l’agent stagiaire dont la titularisation est prévue au plus tard au 31 décembre 2020 de l’obligation de formation d’intégration, dès lors qu’en raison de la crise sanitaire, le stagiaire n’a pu suivre en tout ou partie ladite formation entre le 17 mars 2020 et le 31 décembre 2020.

Toutefois, l’article 2 précise que la formation d’intégration doit avoir été suivie par l’agent concerné postérieurement à la titularisation et au plus tard, avant le 30 juin 2021.

Tous les cadres d’emplois visés en annexe du décret sont concernés, à savoir la plupart de ceux de la fonction publique territoriale. Nécessairement, l’article 2 exclut expressément les agents soumis à scolarisation préalablement à la nomination dans un grade des cadres d’emplois suivants : administrateurs territoriaux, ingénieurs en chef territoriaux, conservateurs du patrimoine territoriaux, conservateurs des bibliothèques territoriaux.

Le décret s’attarde également sur la situation particulière des stagiaires de la filière police municipale, précisément les agents des cadres d’emplois des agents de police municipale, des chefs de service de police municipale et des directeurs de police municipale, astreints à une formation préalable obligatoire à l’exercice de leur fonction. Ils voient soit, « une comptabilisation, au titre des stages prévus dans le cadre de la période obligatoire de formation, des services accomplis par les stagiaires auprès de la collectivité territoriale qui les emploie, sous réserve que cette collectivité effectue une évaluation du stage. » soit, « une dispense d’une durée maximale de quinze jours au titre des enseignements théoriques de la formation ».

Précisions sur le détachement d’office

La loi de transformation de la fonction publique intervenue en 2019 a créé une mesure de détachement d’office des fonctionnaires, en modifiant l’article 15 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et en prévoyant que lorsqu’une activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, alors les fonctionnaires sont détachés d’office auprès du cocontractant de l’administration, selon un contrat à durée indéterminée soumis au Code du travail.

Depuis la parution le 11 juin d’un décret n° 2020-714 modifiant dans les trois fonctions publiques les décrets afférents au détachement, cette nouvelle mesure est applicable, lorsqu’une opération entre dans son champ d’application, c’est-à-dire dans le cadre de l’exécution d’un contrat par lequel une administration, pour une durée donnée, transfère à un tiers de droit privé une de ses activités de service public.

Les trois décrets prévoient désormais la procédure de détachement dans chacune des fonctions publiques, en indiquant notamment que le fonctionnaire transféré – qui n’a pas en réalité le choix d’accepter ou non là où jusqu’alors le détachement était un acte volontaire – doit être informé au moins trois mois à l’avance de ses conditions d’emploi et de sa rémunération.

L’autorité hiérarchique a par ailleurs l’obligation d’exercer un contrôle déontologique, en consultant, en cas de doute, le référent déontologue, voire la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Notamment, le décret encadre les conditions de rémunération, en indiquant que le fonctionnaire reçoit la rémunération la plus élevée entre celle qu’il percevait au cours des douze mois précédents et celle applicable à un salarié ayant la même ancienneté et exerçant les mêmes fonctions dans l’organisme de détachement.

S’agissant précisément de son ancienneté, les services accomplis en détachement entrent dans le calcul des services publics effectifs.

Enfin, et surtout, le décret précise les modalités de fin du détachement, selon plusieurs hypothèses, dont le cas où le contrat entre la personne publique et l’organisme d’accueil n’est pas lui-même renouvelé. Trois options sont alors à disposition de l’agent : une réintégration, si besoin en surnombre, un placement dans une autre position statutaire que l’activité ou, troisième option, une indemnité, en contrepartie de son départ de la fonction publique et s’il n’est pas à moins de deux ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

Parution du rapport d’activité 2019 de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

Dossier de presse

 

Comme habituellement, ce rapport est très instructif et complet, une partie du rapport étant dédiée à chaque type de mission assuré par la HATVP : contrôle des déclarations des responsables publics, prévention des conflits d’intérêts, encadrement de la représentation d’intérêts, participation à la diffusion d’une culture d’intégrité et des principes déontologiques et, pour l’horizon 2020, les nouvelles fonctions assurées par la HATVP en matière de contrôle et de conseil déontologique à l’égard des fonctionnaires et agents publics, par suite de la suppression de la Commission de déontologie de la fonction publique (conséquemment à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le 1er février 2020).

Ainsi qu’elle y procède chaque année, la HATVP a formulé un certain nombre de propositions (neuf) parmi lesquelles :

  • Se voir doter d’un pouvoir de sanction administrative pour certains manquements aux obligations déclaratives et déontologiques ;

  • L’évolution du cadre juridique du contrôle des instruments financiers applicable à certains responsables publics (pour les membres du Gouvernement, leur permettre de les conserver en-deçà d’un certain seuil ou prévoir la cession de ces instruments après leur nomination) ;

  • Un certain nombre d’évolutions en matière de représentation d’intérêts, parmi lesquelles une modification significative du cadre juridique en vigueur. La HATVP propose la suppression des critères de l’activité principale ou régulière et de l’initiative dans la définition de la représentation d’intérêts – ce qui plaide donc en faveur d’une définition plus large du représentant d’intérêts –, ainsi que le passage à un rythme de déclaration semestriel (et plus annuel), notamment ; le report de deux ans de l’extension du Répertoire des représentants d’intérêts aux relations avec les collectivités territoriales, prévue pour 2021 ; prévoir un délit d’entrave aux missions des agents de la HATVP ; encourager la publicité en open data des rencontres entre responsables publics avec les représentants d’intérêts.

 

Par ailleurs, parmi les éléments intéressant de ce Rapport, il est notamment à relever que la HATVP prévoit la publication prochaine d’un Guide intégralement dédié aux conflits d’intérêts.

La HATVP rappelle, à raison, que l’appréhension du conflit d’intérêts est complexe et que les jurisprudences administratives et judiciaires demeurent relativement méconnues. En pratique, il apparaît qu’une partie des élus et des responsables publics ont une connaissance encore approximative de cette notion et de son appréciation et, par ailleurs, une partie des élus et dirigeants publics ignorent qu’ils doivent déclarer leur patrimoine et leurs intérêts (cela est surtout vrai pour les dirigeants publics, précisément parce que la liste des établissements et entreprises et celle des fonctions dirigeantes concernées en leur sein par cette obligation n’est pas assez précisément identifiable par la loi, de sorte que la HATVP a demandé à plusieurs reprises la publication d’un décret à ce sujet).

S’agissant des obligations déclaratives, justement, la HATVP relève une meilleure appropriation de celles-ci de manière générale par les déclarants, ainsi qu’une amélioration de la qualité et du contenu des déclarations. Pour l’année 2019, 9,3 % des déclarations d’intérêts ont donné lieu à un contrôle approfondi et 9 dossiers ont été transmis au Parquet pour manquement aux obligations déclaratives.

Il convient par ailleurs de rappeler que le Conseil d’Etat a récemment jugé que l’appréciation publique portée sur une déclaration de patrimoine par la HATVP constitue un acte faisant grief susceptible de recours devant le juge administratif (CE Ass., 19 juillet 2019, n° 426389).  

En matière de représentation d’intérêts, si les acteurs s’approprient progressivement le dispositif, la HATVP relève l’existence de difficultés persistantes. Elle insiste sur la complexité du cadre juridique du registre et réitère sa demande que les décisions individuelles exclues du dispositif soient précisées par voie réglementaire. Elle souhaite également que l’objectif initial de l’instauration du registre, c’est-à-dire « retracer l’empreinte normative de la loi et du règlement » puisse être atteint grâce à un élargissement et une plus grande précision des informations que devraient déclarer les représentant d’intérêts dans les fiches d’activité.

Les premiers contrôles déontologiques ont eu lieu au début de l’année 2019 et la HATVP a cherché à faire œuvre d’une grande pédagogie (assistance téléphonique, demi-journée d’information, publication d’une fiche pratique, création d’une foire aux questions sur le site web de la Haute autorité).

Pour faire respecter la loi, rappelons que la HATVP dispose de pouvoirs importants et, notamment, de faire diligenter des contrôles sur pièce et sur place en cas de soupçon de non-respect des obligations déontologiques. Elle souhaite qu’un délit d’entrave à la bonne exécution du contrôle des représentants d’intérêts soit créé, comme cela existe en Irlande.

En outre, à compter de cette année (le 1er février 2020), la HATVP doit s’emparer de ses nouvelles fonctions en matière de déontologie des fonctionnaires et agents publics (correspondant à une partie des missions qu’exerçait la Commission de déontologie de la fonction publique). Le champ d’action de la HATVP est redéfini en matière de contrôle du cumul d’activités avec des fonctions publiques ou de reconversion dans le secteur privé et, par ailleurs, elle aura à effectuer des contrôles « pré-nomination » dans le cadre du retour d’un agent public au sein de la fonction publique après avoir effectué une mobilité dans le secteur privé. Au-delà, le principe est celui de l’internalisation du contrôle (c’est-à-dire opéré en très grande majorité par l’administration elle-même) et la saisine de la Haute autorité selon un principe de subsidiarité (une saisine obligatoire demeurant pour les plus hauts emplois).

Enfin, la gouvernance de la HATVP a par ailleurs été remaniée puisqu’un nouveau Président, Didier Migaud, ancien Premier président de la Cour des comptes, est entré en fonctions au mois de janvier 2020 et que le collège de la Haute autorité a été élargi à 13 membres.

 

Le plan de relance du gouvernement prévoit une baisse de 10 milliards d’euros de la fiscalité économique locale en 2021, et d’autant en 2022

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

Dans le but affiché de « relocaliser » l’industrie et d’asseoir son indépendance le Gouvernement, a confirmé une baisse des impôts de production, applicable dès 2021, qui viserait la Contribution économique territoriale (CET) – composée de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la Cotisation foncière des entreprises (CFE) – et la Taxe foncière sur les propriétés bâties :

  • la CVAE serait réduite de moitié ;
  • les modalités de calcul CFE et la Taxe foncière des établissements industriels seraient à nouveau modifiés afin d’aboutir à une réduction de moitié de la valeur locative servant d’assiette à ces impôts ;
  • le plafonnement de la CET serait abaissé à 2 % de la valeur ajoutée (au lieu des 3 % actuels).

La baisse prévue est significative : en deux ans, les impôts de production diminueraient de 28 % alors que le produit annuel de ces impôts s’élève à plus de 70 milliards d’euros, soit près du quart de l’ensemble de la fiscalité qui pèse sur les entreprises, et représente 3 % du PIB français (contre 1,6 % en moyenne en Europe).

Selon les calculs de Matignon, les 10 milliards d’euros de baisse d’impôts devraient profiter à environ 32.000 entreprises dont 42 % d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 32 % de petites et moyennes entreprises (PME). Le secteur industriel percevrait au total 37 % du gain total, loin devant le commerce (15%).

Selon le ministre, les pertes au titre de la CVAE reposeraient uniquement sur les régions et devraient faire l’objet d’une compensation intégrale par l’état alors que les conséquences de cette réforme viendront s’ajouter aux pertes budgétaires liées à la suppression de la taxe d’habitation qui sera effective entre 2012 et 2023.

Le détail technique de ces différentes mesures figurera dans le projet de loi de finances pour 2021 qui devrait être disponible à la fin du mois de septembre après la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres.