Fonction publique
le 13/12/2023

Caractérisation d’un harcèlement sexuel malgré l’absence de demande expresse à caractère sexuel

CAA Lyon, 9 novembre 2023, n° 21LY03768

Par un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour administrative d’appel de Lyon a apporté une nouvelle illustration en matière de harcèlement sexuel.

Pour rappel, l’article L. 133-1 du Code général de la fonction publique (CGFP) définit désormais le harcèlement sexuel comme suit :

« Aucun agent public ne doit subir les faits :
1° De harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Ou assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
 ».

Si la définition ainsi retenue se rapproche sensiblement de celle prévue à l’article L. 1153‑1 du Code du travail, la jurisprudence administrative est cependant plus rare concernant le harcèlement sexuel. Les exemples qu’elle fournit sont donc toujours utiles pour approfondir la compréhension de cette question.

En l’espèce, un agent qui exerce les fonctions de maîtresse de maison au sein d’un foyer départemental avait sollicité la protection fonctionnelle le 25 mai 2020 en raison du harcèlement sexuel qu’elle estimait subir de la part d’un nouveau psychologue et contre lequel elle avait également porté plainte.

La requérante faisait notamment état du fait que cet agent, qui disposait d’un bureau, s’installait pour travailler dans la cuisine où elle exerçait ses missions, qu’il était en recherche constante de proximité avec elle, créant un climat de mal-être, et la rabaissait par le biais d’insultes.

Si la Cour a relevé que l’agent en cause n’avait jamais expressément fait de demande à caractère sexuel à l’intéressée, elle a cependant considéré que « les pièces du dossier établissent le comportement et les propos, déplacés et ambigus, et ce de façon répétée, de l’intéressé à son égard, durant le service, lesquels revêtent une connotation sexuelle. En outre, il ressort des pièces versées et n’est pas contesté en défense que Mme A s’est explicitement opposée à la venue de l’agent concerné au sein de la cuisine, qu’elle lui a demandé de cesser ces agissements sans qu’il n’en tienne compte, et a tenté d’obtenir de l’aide auprès de ses collègues lors des jours de présence de l’agent dans la structure. Il n’est pas enfin contesté que ces propos et comportement ont créé une situation intimidante pour Mme A la plaçant dans un climat d’insécurité au travail. ».

Ce faisant, et contrairement à la solution initialement retenue par Le Tribunal administratif de Lyon, la Cour a apprécié très concrètement les deux conditions nécessaires à caractériser le harcèlement sexuel tel que défini au 1° de l’article L. 133-1 du CGFP précité, à savoir, en l’espèce, des propos répétés à connotation sexuelle qui crée à l’encontre de l’agent qui en a été victime une situation intimidante.

Il existait dès lors une présomption de harcèlement sexuel qui, en l’absence de démonstration de l’existence de circonstances étrangères à tout harcèlement, justifiait qu’il soit accordé à la requérante la protection fonctionnelle.

Le rappel est donc important, alors que les obligations des employeurs publics ont été renforcées en la matière puisqu’elles sont tenues, depuis le 1er mai 2020, de mettre en place un dispositif ayant pour objet de recueillir les signalements d’agents qui estiment subir différents types d’atteintes, dont le harcèlement sexuel, mais aussi des personnes qui en sont témoins, afin d’orienter et d’apporter aux victimes l’accompagnement nécessaire.