Dans un jugement en date du 24 janvier 2025[1], le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du Maire de Moirans de recourir au logiciel Briefcam pour traiter les images tirées du nouveau système de vidéoprotection de la commune.
Ce logiciel développé par la société israélienne Briefcam opère une analyse algorithmique des images collectées par la vidéoprotection, allant de la simple analyse de comportement à la mise en œuvre d’alertes détectées grâce à l’analyse automatique des images.
Le juge administratif motive son annulation en rappelant tout d’abord que les images d’une personne physique collectées par une caméra constituent une donnée à caractère personnel dès lors qu’elles permettent d’identifier la personne concernée (cons.13), s’appuyant en ce sens sur les dispositions de l’article 3 de la directive de 2016 relative à l’information, aux fichiers et aux libertés[2].
Cette qualification lui permet de mettre en relation les dispositions de l’article 8 de la CESDH[3] relatives au droit à la protection de la vie privée et familiale et de la directive 2016/680 du 27 avril 2016, avec celle de l’article 4 de la loi du 6 janvier 1987 rappelant que la collecte, la conservation et le traitement de telles données n’est possible sous réserve (cons.18) :
- De poursuivre des finalités légitimes ;
- Que le choix, la collecte et le traitement sont adéquats et proportionnés au regard des finalités.
Sur la base de ces dispositions, le tribunal estime qu’en l’absence de détermination d’une finalité déterminée et explicite, et de garanties relatives au traitement de ces données, les requérants sont fondés à soutenir la méconnaissance des dispositions précitées (cons.18).
En défense, la commune avait vainement tenté de rappeler la mise en place d’un règlement communal d’utilisation du système de vidéoprotection, un argument écarté par le juge en raison de l’absence de dispositions relatives à l’utilisation d’un traitement algorithmique des images collectées (cons.19).
En outre, le juge rappelle que l’autorisation du préfet de mettre en œuvre un système de vidéoprotection n’emporte pas autorisation d’utiliser un système de traitement algorithmique des données (cons.19).
Ainsi, la solution dégagée par le juge, sans proscrire l’utilisation d’un système de traitement algorithmique des données, rappelle qu’une telle utilisation ne peut être menée sans en encadrer l’utilisation, notamment en l’absence de garanties relatives à la protection de la vie privée des habitants.
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[1] TA de Grenoble, 24 janvier 2025, n°2105328
[2] Directive 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision cadre 2008/977/JAI du Conseil
[3] Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales