Projets immobiliers publics privés
le 19/12/2024

Airbnb, c’est fini ?

La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale dite loi Le Meur a été publiée au Journal Officiel du 20 novembre 2024 et instaure une série de mesures, dont certaines sont entrées en vigueur dès le 21 novembre, afin de restreindre la location de type Airbnb au profit de locations de longue durée.

Présentation des principales mesures, lesquelles sont de trois ordres : règlementaire (I), matériel (II) et fiscal (III).

 

I. Sur le plan règlementaire d’abord, rappelons en premier lieu qu’il existe deux régimes distincts :

  • Celui de la déclaration préalable des meublés de tourisme prévu aux articles L. 324-1 et suivants du Code du tourisme (A),
  • Celui de l’autorisation préalable au changement d’usage prévu aux articles L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation (B).

A. S’agissant de la déclaration des meublés de tourisme, la procédure avec enregistrement préalable par le biais du téléservice national dédié – en cours de mise en place – s’appliquera à toutes les locations de meublés touristiques, y compris des résidences principales, au plus tard au 20 mai 2026 (article L. 324-1-1 du Code du tourisme).

En outre, à compter du 1er janvier 2025, le nombre maximal de jours de location pourra, sur délibération motivée de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), être réduit à 90 jours (article L. 324-1-1 V du Code du tourisme).

Enfin, le nouvel article L. 324-1-1 III bis du Code du tourisme offre la possibilité au maire de suspendre la validité d’un numéro de déclaration et émettre une injonction aux plateformes numériques de location de courte durée de retirer le logement de la location si les pièces justificatives ou informations fournies dans le cadre de l’enregistrement sont erronées ou incomplètes ou lorsque le logement est visé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris en application des articles L. 511-11 ou L. 511-19 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), étant précisé que dans ces derniers cas il pourra désactiver l’accès au référencement d’une annonce. Des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 50.000 € sont également prévues à l’article L. 324-1-1 V du Code du tourisme.

Les sanctions existantes sont, elles, durcies :

  • L’amende sanctionnant le non-respect de la procédure de déclaration préalable soumise à enregistrement, jusqu’à présent de 5.000 €, sera de 10.000 €, et ce à compter au plus tard du 20 mai 2026 (article L. 324-1-1, V du Code du tourisme).
  • L’amende sanctionnant la fausse déclaration ou l’utilisation d’un faux numéro de déclaration sera de 20.000 €, et ce à compter au plus tard du 20 mai 2026 (article L. 324-1-1, V du Code du tourisme).

B. S’agissant de l’autorisation préalable pour changer l’usage d’habitation, des modifications ont été apportées au dispositif de l’autorisation permanente (1) et temporaire (2).

  1. Modifications apportées au dispositif de l’autorisation permanente du changement d’usage

Le dispositif de l’autorisation permanente du changement d’usage est adopté par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme.

L’article L. 631-9 du CCH dispose désormais qu’une telle délibération doit être motivée par « un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. »

L’article L. 631-7 du CCH relatif au changement d’usage « permanent » précise désormais que ce dispositif peut être mis en place, non plus dans les communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, mais dans les communes « dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du Code général des impôts ». Une telle liste est relative aux zones tendues.

Rappelons que précédemment, l’extension du dispositif du changement d’usage aux zones tendues autres que l’Ile-de-France supposait une décision du préfet (article L. 631-9 du CCH dans son ancienne version).

En outre, la dualité des régimes de déclaration préalable d’un meublé de tourisme et autorisation préalable au changement d’usage pouvait être source de confusion. Il convient à cet égard de rappeler l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation a très récemment eu l’occasion de préciser que la décision de classement en meublé de tourisme prévue par l’article L. 324-1 du Code du tourisme ne pouvait se substituer à l’autorisation de changement d’usage prévue par l’article L. 631-7 du CCH (Cass. Civ. 3ème, 27 juin 2024 (n° 23-13.131).

La loi Le Meur harmonise toutefois la notion de logement touristique meublé de ces deux régimes, puisqu’est abandonnée la définition propre que donnait le dernier alinéa de l’article L. 631-7 du CCH du changement d’usage propre au régime de l’autorisation préalable – « la location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » au profit de la « location d’un local meublé à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme au sens de l’article L. 324-1-1 I du Code du tourisme. », cet article définissant le meublé de tourisme comme « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. »

Ce faisant, est abandonné l’exigence de répétition de la location. Certes, la jurisprudence considérait que la répétition était caractérisée dès deux locations de ce type.

Toutefois, avec la nouvelle définition du changement d’usage, ce changement sera constitué dès la première location.

Notons enfin que la notion de location « pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » est maintenue à l’article L. 631-7-1 A du CCH relatif à l’autorisation temporaire de changement d’usage.

La définition de locaux à usage d’habitation contenue à l’alinéa 2 de l’article L. 631-7 du CCH n’est pas modifiée mais un nouvel alinéa précise désormais que « l’usage d’habitation s’entend de tout local habité ou ayant vocation à l’être même s’il n’est pas occupé effectivement, notamment en cas de vacance ou lorsqu’il a fait l’objet d’un arrêté pris sur le fondement du livre V du présent code ».

Compte-tenu de la difficulté pratique de rapporter de l’usage d’habitation des locaux au 1er janvier comme l’exigeait l’article L. 631-7 du CCH dans sa précédent rédaction, la loi Le Meur assouplit la démonstration d’un tel usage en ces termes en élargissant la temporalité de la preuve : la période de cet usage doit désormais être soit comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable au changement d’usage ou la contestation de l’usage dans le cadre des procédures prévues au présent livre, et sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article.

Un tel assouplissement rendra assurément plus efficaces les actions engagées par les communes, ou désormais par les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme (article L. 651-2 alinéa 2 du CCH) pour voir sanctionner le changement d’usage irrégulier.

Et ce d’autant plus que l’amende civile prévue dans un tel cas à l’article L. 651-2 du CCH est portée à 100.000 € contre 50.000 € précédemment.

Cette sanction qui s’applique également désormais à toute personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l’infraction prévue à l’article L. 651-2, contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition de services (article L. 651-2-1 du CCH), est en outre étendue au non-respect du dispositif de l’autorisation préalable temporaire de changement d’usage (article L. 651-2 du CCH).

  1. Modifications apportées au dispositif de l’autorisation temporaire de changement d’usage

S’agissant de l’autorisation temporaire du changement d’usage, qui était jusqu’à présent limitée aux seules personnes physiques, s’étend désormais aux personnes morales.

Cette autorisation temporaire doit par ailleurs être conforme le cas échéant au règlement de copropriété, ce dont le demandeur doit justifier par une attestation sur l’honneur.

L’article L. 631-7-1 A CCH ainsi modifié encadre également les conditions d’octroi de l’autorisation temporaire :

  • La délibération instaurant le dispositif de l’autorisation temporaire peut, sur tout ou partie du territoire de la commune, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elle délimite, fixer le nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage ;
  • La délibération fixe la procédure de sélection des candidats, en prévoyant des garanties de publicité et de transparence, qu’il s’agisse de l’autorisation initiale ou de celle renouvelée ;
  • Toutes les autorisations temporaires accordées le sont pour une durée identique, inférieure à 5 ans.

Les copropriétés ne sont pas en reste puisqu’elles peuvent, pour celles comportant dans leur règlement une clause d’habitation bourgeoise, interdire la location en meublé de tourisme par décision de l’assemblée des copropriétaires adoptée à la majorité simple (2/3) et non plus à l’unanimité (article 26 d) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

En outre, tout nouveau règlement de copropriété établi à partir du 21 novembre 2024 doit préciser si la location de meublés de tourisme est autorisée ou interdite (article 98-1-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

Enfin, le syndic doit être informé de la transformation du logement en meublé de tourisme par le copropriétaire ou le locataire (article 9-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

 

II. Sur le plan matériel ensuite, l’article 3 de la loi Le Meur rétablit l’article L. 631-10 du CCH lequel prévoit que la location touristique meublée, soumise à autorisation permanente (article L. 631-7 du CCH) ou temporaire (article L. 631-7-1 A du CCH) requiert un classement énergétique du logement concerné, lorsqu’il est situé en France métropolitaine, entre les classes A et E.

A compter du 1er janvier 2034, le diagnostic de performance énergétique devra être classé entre A et D.

S’agissant des meublés de tourisme, ils doivent, s’ils ne constituent pas la résidence principale du loueur, respecter les niveaux de performance énergétique d’un logement décent au sens de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (article L. 324-2-2 du Code de tourisme alinéa 1er).

A cet effet, les propriétaires doivent transmettre dans un délai de 2 mois au maire qui en fait la demande, un DPE en cours de validité, sous peine d’astreinte administrative de 100 € par jour (article L. 324-2-2 du Code de tourisme alinéa 2).

Enfin, les propriétaires qui louent ou maintiennent en location un meublé de tourisme ne respectant les niveaux de performance énergétiques exigés sont passibles d’une amende ne pouvant excéder 5.000 € (article L. 324-2-2 du Code de tourisme alinéa 3).

 

III. Sur le plan fiscal enfin, la location de meublés de tourisme est imposée au titre des micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux).

L’abattement fiscal forfaitaire pour tenir compte de toutes les charges est réduit sur les revenus locatifs perçus à compter du 1er janvier 2025 comme suit :

  • De 71 % (dans la limite de 188.700 euros) à 50 % pour les meublés classés et chambres d’hôtes dans la limite de 77.700 euros de revenus locatifs annuels ;
  • De 50 % (dans la limite de 77.700 euros) à 30 % pour les meublés non classés dans la limite de 15.000 euros de revenus locatifs annuels.

Ces nouvelles mesures visant à réguler les locations meublées touristiques permettront sans doute de remettre de nombreux logements dans le giron de la location de longue durée.