Santé, action sanitaire et sociale
le 15/06/2023
Esther DOULAIN
Doriane PILARD

Aide sociale à l’enfance : le Tribunal des conflits détermine la juridiction compétente en matière d’action en responsabilité

Tribunal des Conflits, 15 mai 2023, n° C4271

Tribunal des Conflits, 15 mai 2023, n° C4272

Dans deux décisions en date du 15 mai 2023, le Tribunal des conflits s’est prononcé sur l’ordre de juridiction compétent pour connaitre d’actions en responsabilités nées de préjudices résultant de manquements dans l’accompagnement administratif par le service d’aide sociale à l’enfance (ASE) auprès de mineurs qui lui avaient été confiés.

Dans une première affaire[1], une mesure d’assistance éducative avait été ordonnée par le Juge des enfants du tribunal de grande instance de Paris visant le placement d’une mineure née au Rwanda en 1997 sous la tutelle du Conseil départemental.

Estimant que le service de l’ASE avait manqué à ses obligations dans la gestion de sa situation administrative puisqu’elle avait été contrainte d’exercer des actions après l’expiration de sa tutelle, la mineure a assigné la Ville de Paris afin d’obtenir une indemnisation de son préjudice. Le juge de la mise en état du Tribunal judicaire de Paris s’est, d’abord, déclaré incompétent avant que la Cour d’appel de Paris rejette l’appel interjeté par la requérante contre cette ordonnance au motif de son incompétence. C’est pourquoi, la requérante a saisi le Tribunal administratif de Paris afin d’obtenir réparation de ses préjudices, en ce que l’ASE avait commis une faute dans l’exercice de sa mission de tuteur. Plus précisément, elle invoquait le fait que le service s’était abstenu de lui souscrire une déclaration de nationale française mais également de former une demande de jugement supplétif d’acte de naissance. Après le rejet, par le Tribunal administratif de Paris de cette demande, en appel, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a renvoyé cette question de compétence au TC, estimant que cette question relevait de la compétence de la juridiction judiciaire.

Dans une seconde affaire[2], un mineur né en Mauritanie en 1998 avait fait l’objet d’une mesure de placement auprès des services de l’ASE du département de Seine-Saint-Denis jusqu’à sa majorité. Le requérant a saisi le Tribunal administratif de Montreuil afin d’obtenir la réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi invoquant la carence fautive du département dans l’accompagnement de ses démarches administratives. Plus précisément, il estimait qu’en ayant renoncé au dépôt d’une demande d’obtention de nationalité française, le service l’aurait privé de toute chance de bénéficier d’une déclaration de nationalité française[3]. Après un rejet par le Tribunal administratif de sa demande d’indemnisation, le requérant a relevé appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Paris, qui a renvoyé au Tribunal des conflits la question de savoir si l’action introduite relevait, ou non, de la compétence de la juridiction administrative.

Dans ces deux affaires, le Tribunal des conflits a considéré unanimement qu’il appartenait à la juridiction de l’ordre judiciaire de connaître des actions en réparation de telles fautes.

Dans la première affaire, le Tribunal des conflits a estimé que la demande d’un mineur visant à obtenir réparation du préjudice résultant des manquements de son tuteur dans l’accompagnement de ses démarches administratives était relative aux conditions d’exercice de la tutelle et concernait un droit qui relève essentiellement du droit civil.

Dans la seconde affaire, le Tribunal des conflits a considéré que dans l’hypothèse où le service de l’ASE aurait commis une faute en n’ayant pas accompli les démarches nécessaires à la souscription de la déclaration de nationalité, cette faute n’était pas détachable des obligations qui incombent au service de l’ASE au titre de sa mission d’assistance éducative lui ayant été confiée par le juge judiciaire. C’est pourquoi, les juges ont ainsi retenu que l’appréciation de la réparation d’une telle faute, incombait à la juridiction de l’ordre judiciaire.

Désormais, nul doute demeure sur la compétence de la juridiction en matière de responsabilité de l’ASE.

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[1] TC, 15 mai 2023, n° C4271

[2] TC, 15 mai 2023, n° C4272

[3] En vertu de l’article 21-12 du code civil.