Energie
le 08/06/2023

Actualité jurisprudentielle et réglementaire en matière de contribution tarifaire sur les prestations d’acheminement

CAA Paris, 17 mai 2023, n° 21PA03478

CAA Paris, 17 mai 2023, n° 21PA03378

CAA Paris, 17 mai 2023, n° 21PA03373

La contribution tarifaire sur les prestations d’acheminement (CTA), créée par la loi n° 2004-803 en date du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, assure le financement d’une partie des retraites des agents des industries électriques et gazières pour ce qui concerne les droits acquis au 31 décembre 2004 des activités de transport et de distribution d’électricité et de gaz.

La CTA est assise, pour l’électricité, sur la part fixe hors taxes des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité (les TURPE) et, pour le gaz naturel, sur une quote-part hors taxes des tarifs d’utilisation des réseaux de transport (dit ATRT) et de distribution du gaz naturel (dit ATRD).

La CTA due au titre de la distribution et du transport d’électricité a donné lieu à trois décisions rendues par la Cour administrative d’appel de Paris le 17 mai 2023 saisie par la société BNP Paribas, la société Générale et la société Accoinvest.

Ces trois sociétés sollicitaient l’annulation de trois ordonnances du Tribunal administratif de Paris par lesquelles la juridiction avait rejeté leurs recours respectifs tendant à obtenir la condamnation de l’Etat à les indemniser du versement indu, selon elles, de la CTA au cours de plusieurs années.

Le principal moyen soulevé par les société consistait à soutenir que la CTA constitue une « taxe indirecte supplémentaire » sur l’électricité, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, s’ajoutant à l’accise prévue au paragraphe 2 de ce même article, à savoir, pour la France, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), alors prévue à l’article 266 quinquies C du Code des douanes, et qu’elle ne respecte pas les règles de taxation prévues par les mêmes dispositions de la directive.

Les sociétés entendaient donc engager la responsabilité de l’Etat pour faute au titre de son activité normative.

Statuant sur le recours des trois sociétés, la Cour commence par annuler les trois ordonnances rendues par le Tribunal administratif qui s’était à tort estimé incompétent au profit de la juridiction judiciaire. La Cour administrative d’appel de Paris rappelle ainsi que si « les tribunaux de l’ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître de toutes les contestations concernant l’assiette et le recouvrement de la contribution tarifaire d’acheminement, laquelle revêt le caractère d’une contribution indirecte », en revanche, « la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions indemnitaires introduites par les personnes qui supportent financièrement cette contribution, lorsqu’elles entendent rechercher la responsabilité pour faute de l’Etat ou de toute autre personne publique du fait de son activité normative, qu’elle soit législative ou réglementaire ». Au cas présent, la juridiction administrative est bien compétente pour statuer sur les trois recours.

Sur le fond, la Cour administrative d’appel de Paris rejette les recours indemnitaires. Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que la CTA « est due par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution ou par les fournisseurs d’électricité, qui la perçoivent auprès des consommateurs, à raison des contrats – contrats d’accès au réseau public de distribution ou contrats uniques – qu’ils ont conclus pour la réalisation des prestations de transport et de distribution d’électricité », pour en déduire que « Son montant est donc intégralement répercuté par les redevables sur le consommateur final, sous la forme d’un prélèvement qui s’ajoute au prix de l’abonnement ».

La Cour rappelle ensuite de manière détaillée la manière dont est calculée la CTA en matière d’électricité en soulignant qu’ « elle est assise sur la part fixe hors taxes des tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (TURPE), […] ou sur la part fixe hors taxes, […] relative à l’utilisation des réseaux comprise dans le prix ou dans les tarifs réglementés de vente de l’électricité » et qu’elle est « essentiellement fonction du domaine de tension et de la puissance souscrite dans le cadre du contrat de raccordement aux réseaux, à l’exclusion de la part variable de ce tarif, seule à dépendre de la consommation d’électricité ».

La Cour administrative d’appel de Paris en conclut qu’ « il n’existe pas de lien direct et indissociable entre la contribution et la consommation d’électricité, et la contribution ne peut être regardée comme calculée directement ou indirectement sur la quantité d’électricité au moment de la mise à la consommation de celle-ci ». Il s’en suit que « la contribution tarifaire d’acheminement ne constitue pas un impôt indirect frappant directement ou indirectement la consommation d’électricité ».

Au total donc, la CTA ne relève pas du champ de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive européenne du 16 décembre 2008, et aucune violation du droit européen, et donc aucune faute, ne peuvent être imputées à l’Etat français pour avoir institué cette contribution.

Par ailleurs, on signalera, s’agissant de la CTA afférente aux activités gazières, que la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a délibéré le 11 mai 2023 afin de donner son avis sur le projet d’arrêté soumis par le Gouvernement pour fixer le coefficient de proportionnalité pour la contribution tarifaire sur les prestations de transport de distribution de gaz naturel.

En effet, chaque année, ce coefficient est fixé par arrêté des Ministres chargés de l’énergie et du budget, pris après avis de la CRE, et permet de calculer la quote-part hors taxes des ATRT et ATRD sur lesquelles est prélevée la CTA de gaz naturel.

La CRE relève, dans sa délibération, que le coefficient soumis par le Gouvernement est calculé conformément aux dispositions réglementaires applicables et est conforme au niveau calculé sur la base des éléments transmis à la CRE par les gestionnaires de réseau de transport et de distribution de gaz naturel. La CRE émet donc un avis favorable.