Droit des données
le 13/11/2025

Le Conseil d’État précise les modalités d’exercice du droit de rectification selon la nature des données à caractère personnel concernées et leur pertinence au regard des finalités du traitement

CE, 30 septembre 2025, n° 497566

Saisi d’un pourvoi dirigé contre un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le Conseil d’État a apporté d’importantes précisions sur les conditions d’exercice du droit de rectification prévu à l’article 16 du RGPD et à l’article 50 de la loi du 6 janvier 1978. En l’espèce, une bénéficiaire d’une prestation de compensation du handicap demandait à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Pyrénées-Atlantiques de rectifier plusieurs mentions figurant dans la synthèse pluridisciplinaire de visite à domicile la concernant. Le directeur de la MDPH n’ayant procédé qu’à une rectification partielle, la requérante sollicitait l’annulation de cette décision, estimant que les données litigieuses étaient inexactes ou incomplètes.

Confirmant l’arrêt de la Cour, le Conseil d’État énonce une formulation de principe qui vient encadrer la portée du droit de rectification. Il juge que la personne concernée « a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant, pertinentes au regard des finalités du traitement et dont elle établit qu’elles sont entachées d’inexactitude matérielle, lorsque cette correction n’est pas de nature à affecter ces finalités ». Le droit de rectification, ajoute la Haute juridiction, « ne s’étend pas aux appréciations ou autres données à caractère personnel subjectives figurant dans le traitement ». Enfin, la personne concernée « a également le droit d’obtenir que ses données à caractère personnel incomplètes soient complétées dans la mesure où une telle situation est de nature à compromettre les finalités du traitement ».

Par cette triple précision, le Conseil d’État distingue clairement entre, d’une part, les données objectives, dont la rectification peut être exigée si leur inexactitude matérielle est démontrée, et, d’autre part, les appréciations subjectives — observations, jugements professionnels, ou évaluations de situation — qui échappent à ce droit. Le juge administratif rattache ainsi l’exercice du droit de rectification à la nature des données traitées, en réservant son application aux seules informations factuelles susceptibles d’être vérifiées. En outre, il subordonne la mise en œuvre de ce droit à la pertinence des données au regard des finalités du traitement : une rectification n’est recevable que si elle ne compromet pas ces finalités, et un complément d’information n’est exigible que si l’incomplétude des données est de nature à les compromettre.

Appliquant ces principes, le Conseil d’État approuve la Cour administrative d’appel d’avoir jugé que les fiches de synthèse établies à la suite des visites à domicile n’avaient pas vocation à retracer l’intégralité du parcours administratif et médical de la personne concernée. L’omission de certaines données anciennes (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, antécédents médicaux) ou l’absence de mention de douleurs chroniques déjà connues ne compromettaient pas la finalité du traitement, consistant à évaluer la situation fonctionnelle actuelle de la personne en vue de l’élaboration du plan personnalisé de compensation. De même, les appréciations portées par les membres de l’équipe pluridisciplinaire sur les aides nécessaires relevaient de l’évaluation professionnelle et ne pouvaient être rectifiées.

L’apport essentiel de cette décision réside dans la délimitation fonctionnelle et qualitative du droit de rectification, désormais articulée autour d’un double critère : la nature des données (objectives ou subjectives) et leur incidence sur les finalités du traitement. Cette approche consacre une lecture finaliste et proportionnée de l’article 16 du RGPD, qui préserve à la fois le droit des personnes à l’exactitude des informations les concernant et la liberté d’appréciation des autorités ou professionnels intervenant dans l’évaluation de leur situation.