Par une ordonnance rendue le 7 août 2025, le Conseil d’Etat a offert une illustration rare des limites de la liberté d’expression d’un représentant syndical.
L’ordonnance était rendue en appel par la Haute juridiction dans le cadre d’un référé liberté qui avait été engagé par un représentant syndical, se prévalant de sa liberté syndicale, à l’encontre d’une décision de fin anticipée de la mise à disposition dont il bénéficiait auprès de l’Agence française pour l’enseignement à l’étranger, et l’évinçait ainsi des fonctions qu’il y exerçait, en raison notamment des propos et du comportement qu’il avait adopté dans le cadre de ses responsabilités syndicales, et qui visaient à déstabiliser et décrédibiliser l’administration.
On sait, classiquement, que la jurisprudence reconnait une liberté d’expression étendue aux représentants syndicaux, sous réserve que ne soient pas dépassées les « limites de la polémique syndicale » (CAA Bordeaux, 28 juin 2005, n° 01BX02510), solution également retenue par la chambre criminelle de la Cour de cassation s’agissant des infractions de diffamation et d’injure commise dans le cadre d’une activité syndicale (Cass. Crim., 5 octobre 2021, n° 20-85.396).
Naturellement, cette limite est classiquement dure à apprécier, s’agissant d’une appréciation au cas par cas du juge administratif difficilement prévisible qui invite donc généralement à la prudence dans l’adoption de mesures, notamment disciplinaire, tirant les conséquences de ce qui est regardé comme un dépassement de cette limite.
L’illustration donnée par le Conseil d’Etat est donc fort utile. Il rappelle tout d’abord les termes d’une jurisprudence déjà actée, qui résume la question en indiquant que « Si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques » (CE, 27 janvier 2020, n° 426569). Cette liberté renforcée n’est donc pas sans limite.
Précisément, s’agissant du cas d’espèce, le Conseil d’Etat reconnait que l’AEFE était fondée à se séparer du représentant syndical, en mettant fin à sa mise à disposition auprès d’elle, compte tenu de l’abus qu’il avait commis dans l’usage de sa liberté d’expression syndicale, et reconnaissant qu’elle pouvait notamment trouver sa limite dans des propos dénigrant et décrédibilisant l’administration qui l’employait et des dommages sur le service que ces propos causaient.
Certes, l’agent avait, semble-t-il, également commis d’autres manquement, notamment du fait de son comportement à l’égard de ses collègues qui s’apparentait, d’après l’arrêt, à des agissements de harcèlement, ce qui justifiait également la mesure.
Reste que le Conseil d’Etat a considéré que la décision était également fondée de façon régulière sur les propos polémiques, et estime donc que la décision de fin de mise à disposition était justifiée par l’intérêt du service. La décision, si elle n’est fondamentalement innovante, rappelle utilement ces limites et confirme que l’administration est en droit de se protéger face à ces excès en prenant les mesures qui l’en protègent.