- Domanialité publique
le 16/10/2025

Redevance domaniale : contrôle limité du juge sur son montant…mais prudence est de mise

CE, 26 septembre 2025, n° 500350

Par une décision en date du 26 septembre 2025, le Conseil d’État rappelle que le contrôle du juge en matière de fixation d’une redevance domaniale est cantonné à l’erreur manifeste d’appréciation.

Dans cette affaire (qui fait mouche), l’association des bateaux de Levallois contestait une décision de Voies navigables de France (VNF) fixant le montant des redevances domaniales applicables aux différents usages et localisation du domaine public fluvial confié à VNF, en région parisienne.

Pour mémoire, la détermination du montant d’une redevance domaniale s’amarre à l’article L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que « La redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation« . Alors que le Conseil d’Etat se livrait initialement à un « entier contrôle sur les modalités de calcul des redevances d’occupation du domaine public« [1], il a ensuite immédiatement repris le cap pour calquer son niveau de contrôle sur l’erreur manifeste d’appréciation[2]. Soit le contrôle de ce qui est excessif[3].

Plus récemment, il est notamment jugé :

Qu’elle détermine ou qu’elle révise le tarif d’une redevance d’occupation domaniale, l’autorité compétente doit tenir compte des avantages de toute nature — que le titulaire de l’autorisation est susceptible de retirer de l’usage privatif du domaine public. Cette fixation ou cette révision du tarif ne saurait aboutir à ce que le montant de la redevance atteigne un niveau manifestement disproportionné au regard de ces avantages[4].

La décision commentée a l’intérêt de rappeler que le juge de l’excès de pouvoir exerce, certes, un contrôle limité à l’erreur manifeste sur les paramètres permettant de déterminer le montant d’une redevance domaniale, mais non moins circonstancié. Autrement dit, il ne lâche pas totalement la barre…

Ainsi, si la méthode de calcul de la fraction « stationnement » de la redevance, basée sur une valeur locative de référence multipliée par des coefficients de contexte urbain et de type d’embarcation ne soulevait globalement pas de difficulté, le secteur des berges du bois de Boulogne, où des sujétions significatives sont constatées (éloignement, dégradations), n’a pas été suffisamment pris en compte.

Et le Conseil d’Etat de juger :

« L’association fluviale de Longchamp produit un procès-verbal établi par un commissaire de justice faisant état, sans être contredit sur ce point, de sujétions significatives à certains emplacements des berges du bois de Boulogne, situés dans le secteur « Pont du Garigliano – Clichy » entre le pont de Suresnes et la passerelle de l’Avre, tenant notamment à l’état particulièrement dégradé des berges, à la présence d’une végétation invasive obstruant certains accès ou encore à une localisation particulièrement éloignée des commerces. Dans les circonstances de l’espèce, et alors même que l’application d’un coefficient de contexte urbain, prévu par la décision attaquée, est susceptible de prendre en compte une partie des sujétions liées à une localisation moins avantageuse, la directrice générale de VNF, en incluant les emplacements situés sur les berges du bois de Boulogne dans le secteur « Pont du Garigliano – Clichy », dont la valeur locative de référence est fixée à 43,34 euros par mètre carré par an, a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation. »

Et encore :

« L’association fluviale de Longchamp produit un procès-verbal établi par un commissaire de justice indiquant, sans que cela ne soit contesté par VNF, que les équipements mis à la disposition des occupants du domaine public à certains emplacements du secteur « Port de Bois de Boulogne » sont dans un état de dégradation avancé, qu’en particulier, des chambres de distribution d’eau et d’électricité sont déformées par la végétation, les câbles de certaines armoires électriques ont été sectionnés et des armoires à gaz ne disposent plus de porte de protection. Par suite, et alors même que l’abattement « équipements », prévu par la décision attaquée, permet de réduire le montant total de la redevance due, la directrice générale de VNF, en fixant le montant forfaitaire de la fraction « équipement » de la redevance pour l’ensemble de ce secteur à hauteur de 5.150,14 euros par an a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation. »

En dépit du contrôle restreint opéré par le juge, il reste important de prendre en compte les spécificités locales et les conditions réelles d’occupation du domaine public pour fixer des redevances équitables.

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[1] Selon l’abstract : CE, 4 / 1 ss-sect. réunies, 10 févr. 1978, n° 07652, Lebon.

[2] CE, 6 / 2 ss-sect. réunies, 13 déc. 1978, n° 06545, Lebon T. pour des panneaux publicitaires, CE, 7 / 8 ss-sect. réunies, 21 avr. 1986, n° 62123 pour des cultures marines.

[3] CE, sect., 26 oct. 1979, n° 04983, Lebon.

[4] CE, 8-3 chr, 29 juin 2020, n° 432453.