La réforme des Services Autonomie à Domicile (SAD) mixtes s’inscrit dans une volonté de dépasser le cloisonnement traditionnel entre l’aide et le soin à domicile, en proposant un fonctionnement intégré au sein d’une entité juridique unique et, ce faisant, en rapprochant progressivement les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). La volonté annoncée du législateur a été de construire un modèle intégré, capable d’assurer une prise en charge continue des personnes âgées ou en perte d’autonomie.
Ce rapprochement obéit à un calendrier en deux temps.
Une période transitoire, d’une durée maximale de cinq ans, autorise plusieurs entités à gérer ensemble un SAD mixte.
À l’issue de cette étape, l’autorisation doit impérativement être portée par une seule entité juridique, qu’il s’agisse d’un groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS), d’une fusion ou d’un transfert d’activité.
Le cadre juridique de la rupture des partenariats dépend ainsi du moment où elle intervient. Les conséquences ne sont pas identiques selon qu’il s’agit d’une coopération transitoire ou d’une entité unique stabilisée.
La rupture pendant la période transitoire
Durant la période transitoire, la relation entre les services repose sur un lien contractuel : convention conclue directement entre eux ou convention constitutive d’un GCSMS exploitant. Comme toute relation contractuelle, elle peut être rompue. Elle peut être volontaire, lorsque l’un des partenaires décide de se retirer, dans les conditions prévues dans la convention ou imposée, en cas de faute lourde.
La convention joue alors un rôle central, puisqu’elle doit organiser les conditions de résiliation : motifs limitatifs, préavis suffisant, recours à la médiation ou à la conciliation, et parfois même clause pénale destinée à dissuader les ruptures abusives. Quelles que soient les prévisions de la convention, les parties pourront toujours résilier la convention en cas de faute lourde de l’autre partenaire. En effet les juges considèrent que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale « à ses risques et périls », y compris sans respecter le délai de préavis contractuellement prévu[1]. La rupture peut également résulter d’événements extérieurs à la volonté des parties, comme la cessation d’activité d’un service à la suite d’une procédure collective.
Dans le cadre d’un GCSMS, la situation est plus complexe : le retrait d’un membre[2], son exclusion[3] ou la fermeture de son service peuvent fragiliser l’ensemble du dispositif. Lorsque le groupement ne compte plus qu’un seul membre, la dissolution de plein droit s’impose et entraîne sa liquidation[4].
Les conséquences d’une telle rupture sur l’autorisation de SAD mixte varient en fonction de la configuration initiale.
Lorsque deux services seulement s’étaient associés, la rupture provoque la caducité de l’autorisation. Le SAD aide retrouve son habilitation pour l’activité d’aide, mais l’ancien SSIAD perd son autorisation de soins, ce qui crée un déséquilibre manifeste entre les partenaires.
Dans les partenariats réunissant plus de deux services, les effets devraient dépendre de l’impact du retrait sur la zone d’intervention. A ce sujet, les autorités considèrent que si les autres partenaires couvrent intégralement le territoire, ils peuvent continuer à exploiter le SAD mixte, sous réserve d’un avenant et d’une modification de l’autorisation. Si, en revanche, la zone d’intervention se trouve amputée, la convention transitoire devient caduque, à moins qu’un avenant ne permette d’anticiper cette réorganisation[5]. Dans un GCSMS, la solution consisterait à demander une modification de l’autorisation pour redéfinir la zone et les titulaires.
Enfin, si c’est l’ex-SSIAD qui quitte le dispositif, le partenariat prendra nécessairement fin pour l’ensemble des acteurs : les SAAD poursuivent leurs activités d’aide et d’accompagnement, tandis que le SSIAD perdra définitivement son autorisation.
Au-delà de l’autorisation, la rupture est également susceptible d’engager la responsabilité contractuelle d’un partenaire puisqu’un manquement, qu’il s’agisse d’une inexécution, d’une exécution défectueuse ou d’une rupture brutale, peut ouvrir droit à réparation dès lors qu’il a entrainé un préjudice[6]. Cette responsabilité se double, pour les GCSMS, de la solidarité des dettes du groupement qui perdurera au-delà du retrait du membre.
La rupture après la période transitoire
À l’issue des cinq années prévues par les textes, l’autorisation de SAD mixte doit être portée par une entité unique. Le rapprochement entre SAAD et SSIAD s’est alors définitivement concrétisé : soit un GCSMS est devenu titulaire de l’autorisation de SAD mixte, soit l’un des services a absorbé l’autre par fusion, soit l’activité a été transférée à une structure distincte.
Le but étant de stabiliser la gouvernance en supprimant la fragilité d’un partenariat temporaire.
Lorsque l’autorisation est portée par un GCSMS, les hypothèses de rupture sont identiques à celles rencontrées durant la période transitoire. Si le retrait ou l’exclusion d’un membre réduit le groupement à une seule entité, la dissolution s’impose, et l’autorité compétente peut décider de transférer l’autorisation à un autre gestionnaire. Cette situation est lourde de conséquences car les anciens titulaires ne retrouvent pas leurs autorisations initiales. Pour reprendre une activité d’aide, un SAD devra donc répondre à un appel à projet. Si le groupement conserve au moins deux membres, il continue de bénéficier de l’autorisation de SAD mixte et doit assurer la continuité, y compris en recrutant du personnel en propre lorsque celui-ci n’est plus mis à disposition par les membres.
Dans le cas d’une fusion ou d’un transfert d’activité, la question de la rupture ne se pose plus en principe : l’un des services a disparu, absorbé ou dépossédé de son activité. La seule hypothèse de contentieux réside dans une remise en cause de la validité de l’opération. Si la fusion ou le transfert est annulé, l’autorisation devient caduque et les services ne retrouvent pas leurs autorisations antérieures.
Comme dans la période transitoire, la responsabilité contractuelle ou délictuelle peut être engagée lorsqu’un comportement fautif a provoqué la rupture.
Une vigilance accrue nécessaire
La rupture d’un partenariat dans le cadre d’un SAD mixte n’est donc pas un simple désaccord entre gestionnaires : elle met en péril l’équilibre des autorisations et, par ricochet, l’offre de services sur un territoire. Pendant la période transitoire, la convention constitue l’instrument essentiel de sécurisation : elle doit anticiper les modalités de sortie et encadrer les ruptures possibles. Dans la phase pérenne, c’est la stabilité de l’entité juridique unique qui garantit la continuité.
À ce jour, les acteurs disposent de très peu, voire pas, de retour d’expérience sur ces mécanismes. L’incertitude invite donc à une grande prudence. Le soin apporté à la rédaction des conventions et à la gouvernance des groupements est capital mais l’essentiel résidera surtout dans le dialogue et le consensus trouvé sur le projet de service. Un accord entre les parties sur leur fonctionnement intégré sera la meilleure garantie pour éviter les dissensions.
L’enjeu restant d’assurer une continuité du service rendu aux usagers.
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[1] Cour de cass., ch. Com., 10 fév. 2009, n° 08-12.415
[2] CASF, art. R. 312-194-10 alinéa 2
[3] CASF, art. R. 312-194-10 alinéa 3
[4] CASF, art. R. 312-194-24
[5] FAQ publiée le 25/06/2025 par le ministère des Solidarités (https://solidarites.gouv.fr/faq-reforme-des-services-autonomie-domicile)
[6] Code civil, art. 1231-1