La Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé l’annulation partielle d’une délibération d’un conseil municipal subordonnant l’attribution de subventions à des associations à la signature par celles-ci d’un contrat d’engagement républicain, dont elle approuvait les termes, en ce que ce contrat imposait aux associations d’adopter « en tous points un fonctionnement laïc » et de s’abstenir « de tout prosélytisme ».
Pour ce faire, la Cour s’est fondée sur la liberté d’association, ainsi que sur la liberté religieuse de ces associations, dont elle a rappelé la portée en précisant que celle-ci implique la liberté de manifester sa religion, y compris le droit d’essayer de convaincre son prochain, sans toutefois protéger « le prosélytisme de mauvais aloi ».
Elle a ainsi considéré que l’atteinte portée, en l’espèce, à ces libertés – constitutionnellement et conventionnellement protégées – était excessive. Si la Commune soutenait que sa délibération se bornait à encadrer l’octroi de subventions, et n’affectait ainsi pas la liberté d’organisation et de fonctionnement des associations, ni leur liberté de religion, l’arrêt rappelle que l’octroi de subventions est parfois nécessaire au fonctionnement de ces associations. Il constitue, au demeurant, une ressource habituelle des associations, de sorte que cette délibération les impactait nécessairement.
La Cour a également rappelé la jurisprudence constante relative au subventionnement des associations qui, sans être cultuelles, ont des activités cultuelles, à savoir qu’un tel subventionnement, bien qu’encadré[1], est possible.
Elle a, enfin, tranché la question de savoir si les associations subventionnées doivent être regardées comme usagères d’un service public, en répondant par la négative. Ainsi, celles-ci ne peuvent se voir interdire tout acte de prosélytisme, comme cela est le cas pour les usagers des services publics (voir en ce sens la charte de la laïcité dans les services publics).
Pour être complet, il convient de relever que, d’une part, la délibération contestée avait été adoptée le 8 avril 2021, soit avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a créé le contrat d’engagement républicain, codifié à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (DCRA).
Plus précisément, la loi prévoit désormais que « toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :
1° A respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
2° A ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
3° A s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ».
Le décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris pour l’application de ces dispositions approuve le modèle de contrat d’engagement républicain ainsi prévu par la loi.
Celui-ci prévoit, en matière de laïcité, que l’association s’engage « à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République » et, s’agissant du prosélytisme, qu’elle « s’abstient de tout acte de prosélytisme abusif exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression » (engagements n° 1 et 2).
Ces stipulations n’ont ainsi pas la même portée que celles qui ont été censurées par la Cour administrative d’appel de Lyon puisqu’elles rappellent que c’est la République qui a un caractère laïc (ce qui ne remet pas en cause la liberté de religion, au contraire) et que c’est le prosélytisme abusif qui est proscrit.
Au surplus, le CER ainsi prévu par la loi et fixé par décret ne peut être modifié par les collectivités territoriales.
En ce sens, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour incompétence, la délibération par laquelle un conseil régional avait adapté le contenu du premier engagement du texte, « notamment en ajoutant, au sein de l’engagement n°1, une obligation non prévue par ce décret, relative à l’interdiction, par le bénéficiaire de la subvention, du « port de tenues vestimentaires traduisant une quelconque forme de prosélytisme religieux dans un espace public, à l’exception des représentants des cultes″ » (TA Lyon, 24 juillet 2024, Ligue des droits de l’homme, n° 2203793).
D’autre part, la délibération attaquée dans l’arrêt présentement analysé a été, pour le reste, validée.
Ainsi, d’autres conditions fixées à l’octroi d’une subvention ont échappé à la censure du Tribunal administratif de Dijon, saisi en première instance, parmi lesquelles figurent les obligations de « ne pas revendiquer sa propre soustraction aux lois de la République pour un quelconque motif », ce qui prend sans doute pour cible les mouvements de désobéissance civile[2], de « ne pas causer de trouble à l’ordre public » ou encore de respecter « l’emblème national, l’hymne national et la devise de la République ».
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[1] Les collectivités territoriales peuvent accorder des subventions « uniquement en vue de la réalisation d’un projet, d’une manifestation ou d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que ce projet, cette manifestation ou cette activité présente un intérêt public local et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n’est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association » (par exemple : CE, 19 juillet 2011, Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône, n°308817).
[2] v. en ce sens : P. David, Administration / Citoyens – À propos d’un pastiche du contrat d’engagement républicain, La Semaine Juridique Administration et collectivités territoriales n° 35 du 1er septembre 2025