Funéraire
le 28/08/2025

Rappels sur la compétence de la juridiction administrative en cas de destruction erronée de monuments funéraires par les services communaux

Tribunal des Conflits, 5 mai 2025, n° 4344

La responsabilité qui peut incomber aux services communaux en raison des dommages qu’ils auraient causés par erreur à un monument funéraire dans un cimetière relève en principe des juridictions administratives

C’est ce que vient de rappeler le Tribunal des conflits dans un récent jugement du 5 mai 2025.

En première lecture, cela semble évident.

Mais il convient de préciser que la jurisprudence reconnait au titulaire d’une concession funéraire des droits réels immobiliers[1], et notamment la propriété des monuments et signes funéraires érigés sur la concession (CE, ass., 9 févr. 1940, Monier, n° 58877).

Ainsi, la destruction des dalles et monuments funéraires réalisées par erreur par les services municipaux des cimetières porte atteinte au droit des propriété des titulaires de concession (ou leur ayant droits) sur les constructions érigées sur les sépultures et peut – si elle s’accompagne d’autres décisions – aller jusqu’à l’extinction des droits réels immobiliers sur la concession.

Or, on rappellera que la reconnaissance d’une voie de fait – c’est-à-dire d’une atteinte particulièrement grave portée par l’administration au droit de propriété aboutissant à son extinction – entraîne en principe la compétence du juge judiciaire.

C’est ainsi que certains requérants ont pu se méprendre en considérant que le litige qui les opposait aux services communaux de cimetières relevait des juridictions judiciaires.

Tel est le cas de Mme B dans cette affaire qui, après avoir constaté que les monuments funéraires et les dalles de deux tombes familiales avaient été supprimés, a assigné à la Commune gestionnaire du cimetière devant le Tribunal judiciaire de Lyon afin qu’elle soit condamnée à l’indemniser des préjudices financier et moral résultant de son comportement fautif.

Celui-ci s’est déclaré incompétent pour connaître du litige.

La requérante a alors saisi le Tribunal administratif de Lyon de son recours indemnitaire.

Mais ce dernier, estimant à son tour que le litige ne relevait pas de sa compétence, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la juridiction compétente dans cette affaire.

Ce dernier apporte donc une clarification bienvenue dans son jugement du 5 mai 2025, reprenant les règles de compétence de droit commun en la matière ci-avant évoquées :

  • En l’absence d’extinction pure et simple du droit réel immobilier tiré de la concession funéraire par la décision des services communaux, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d’une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l’administration, le sera également pour connaître des conclusions tendant à la réparation du préjudice causé par cette décision ;
  • Dans le cas inverse, c’est-à-dire en situation de «voie de fait », le juge judiciaire sera compétent pour connaître des conclusions tendant à la réparation des dommages causés à la sépulture.

Dans cette affaire, le Tribunal des conflits considère que « la destruction des dalles et monuments funéraires à laquelle il a été procédé par erreur pour le compte de la commune, sans réattribution des emplacements correspondants à de nouveaux concessionnaires, si elle a porté atteinte à la propriété des constructions érigées sur ces sépultures, n’a pas eu pour conséquence l’extinction du droit réel immobilier » des titulaires de la concession. Il conclut donc à la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de réparation en cause.

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[1] Conclusion du rapporteur public Laurent Cytermann sur CE, 18 mars 2020, M. B, n° 436693 : « Il est donc cohérent que le droit du titulaire de la concession sur le terrain concédé ait été qualifié de « droit réel immobilier », […] dans une décision J… c/ commune de Maixe (TC, 6 juillet 1981, n° 02193, Rec.). « Quant aux monuments et signes funéraires élevés sur la concession, la jurisprudence civile reconnaît le droit de propriété du concessionnaire (T. civ. Seine, 21 juin 1938, Veuve Jacquelin c/ ville de Neuilly, DH 1938.589) et vous refusez vous-mêmes de les qualifier d’ouvrage public (CE, 23 juin 1976, T…, n° 94115, Tab. sur un autre point) ».