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le 10/07/2025

Recours administratif : il conviendra désormais de conserver les enveloppes !

CE, 30 juin 2025, n° 494573

Par une décision du 30 juin 2025, à publier au Recueil, le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que, pour apprécier si un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) interrompt valablement le délai de recours contentieux, c’est désormais la date d’envoi du recours qui doit être prise en compte (n° 494573).

C’est donc à une jurisprudence ancienne et établie (par exemple : CE, 27 mars 1991, Préfet de la Haute-Garonne, n° 114854), en vertu de laquelle il convenait de tenir compte de la date de réception du recours administratif par l’administration, que la Haute juridiction a mis fin.

Cette nouvelle solution s’inscrit dans la continuité d’un précédent revirement de jurisprudence, intervenu le 13 mai 2024. Plus précisément, par cette décision de section, il a été jugé que, sauf exceptions législatives ou réglementaires, la date d’expédition – établie par le cachet de la poste – fait foi pour juger de la recevabilité d’un recours contentieux envoyé par voie postale (CE, 13 mai 2024, n° 466541).

Là encore, il s’est agi de revenir sur une jurisprudence séculaire, en application de laquelle était prise en compte la date de réception au greffe de la juridiction, sauf délai postal d’acheminement anormal (par exemple : CE, 14 janvier 1910, Levallois, p. 24).

Trois raisons principales ont justifié ce revirement de 2024 :

  • L’allongement du délai standard d’acheminement du courrier par la Poste, porté à trois jours et non plus à deux en 2022 ;
  • Le caractère imprévisible en jurisprudence et variable selon les zones géographiques et donc source d’insécurité juridique du critère de l’acheminement normal du recours ;
  • La circonstance que le critère de la date de réception n’était plus appliqué que par la seule juridiction administrative et souffrait, en outre, en son sein, déjà de plusieurs exceptions, à l’image de la demande d’aide juridictionnelle ou des recours préalables obligatoires (article 37 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; CE, 25 juillet 2005, n° 271916).

Pour le second revirement évoqué ici, il s’est agi d’harmoniser les règles applicables aux recours administratifs et aux recours contentieux, dans un contexte où la règle de la date de réception faisait figure d’exception parmi les règles de computation des délais.

Au demeurant, cette règle de la date de réception des recours administratifs présentait les mêmes inconvénients liés au délai normal d’acheminement du courrier évoqués supra s’agissant des recours contentieux.

Ce revirement de jurisprudence impacte directement les administrations qui souhaiteraient soulever l’irrecevabilité d’un recours contentieux introduit à la suite d’un recours administratif tardif.

En effet, en cas d’envoi du recours administratif par lettre simple, il leur faudra produire au contentieux l’enveloppe affranchie, afin d’attester de la date d’envoi.

Ainsi, la seule production du recours administratif portant un tampon de réception ne suffira plus.

En revanche, en cas d’envoi du recours administratif en LRAR, le bordereau remis à l’expéditeur pourra faire foi.

Pour être complet, on relèvera, comme l’indique Thomas Janicot, rapporteur public, dans ses conclusions sous la décision commentée du 30 juin 2025, que le revirement de jurisprudence auquel a procédé le Conseil d’Etat n’est pas fondé sur l’actuel article L. 112-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui prévoit que le cachet de la poste fait foi pour démontrer le respect d’un délai de dépôt d’une demande. En effet, le Conseil d’État en a exclu l’application aux recours administratifs (CE, 21 mars 2003, n° 240511), ceux-ci ne constituant pas une demande encadrée par un délai au sens de cette disposition, mais une faculté dont l’exercice n’est encadré que pour interrompre le délai de recours contentieux.