Mobilité et transports
le 02/07/2025

Le Conseil d’État rejette le recours d’usagers contre le décret approuvant la conclusion d’un avenant à une concession autoroutière

CE, 5 juin 2025, n° 492192

À l’heure où les séries ont le vent en poupe, nous serions tentés de dire que la vie des différentes concessions autoroutières s’inscrit dans cette nouvelle tendance puisqu’elle nous offre une longue série de contentieux dont la décision du Conseil d’État en date du 5 juin 2025 est un des derniers épisodes en date.

Pour rappel du contexte, un décret n° 2022-81 du 28 janvier 2022 avait approuvé la conclusion du dix-huitième avenant à la convention liant l’État et la société ASF qui avait pour objet d’acter de la réalisation d’un nouveau tronçon d’autoroutes, d’une longueur de 6,2 km, permettant le contournement par l’ouest de Montpellier et reliant les autoroutes A 750 et A 709. Toutefois, les parties à l’avenant n’avaient pas convenu des modalités de financement de ce tronçon d’autoroutes et avaient renvoyé à nouvel avenant le soin de déterminer ces dernières. C’était précisément l’objet du décret du n° 2023-1313 du 28 décembre 2023 approuvant le vingtième avenant à la convention passée entre l’Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes et au cahier des charges annexé.

Aux termes de ce décret, la réalisation du nouveau tronçon d’autoroutes est financée par des suppléments de péage acquittés par les usagers de l’autoroute A 709 franchissant les barrières de Baillargues et de Saint-Jean-de-Védas, ainsi que par les usagers empruntant l’autoroute A 9 au droit de Montpellier. Plusieurs usagers de ces segments d’autoroute ont toutefois perçu d’un mauvais œil cette augmentation tarifaire. Ils ont donc décidé, conformément à la jurisprudence constante du Conseil d’État qui juge que les clauses tarifaires sont qualifiables de clauses règlementaires dont les usagers du service public sont fondés à demander devant le juge de l’excès de pouvoir[1], d’introduire un recours en excès de pouvoir pour demander l’annulation du décret n° 2023-1313 du 28 décembre 2023.

Les requérants soutenaient tout d’abord que la Commission nationale du débat public aurait dû être saisie pour avis dès lors que le tronçon d’autoroutes tombait dans le champ des projets d’aménagement ou d’équipement pour laquelle la saisine de cette commission est obligatoire. Cependant, le Conseil d’État rappelle à bon droit que l’objet du décret attaqué n’était pas d’approuver la réalisation du tronçon mais de préciser les modalités de son financement. Partant, ce moyen ne pouvait qu’être rejeté.

Les requérants soutenaient ensuite que cette hausse tarifaire violait l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière qui encadre les modalités de modification des péages. Les requérants affirmaient que la hausse tarifaire n’était pas proportionnée au service rendu aux usagers dès lors, d’une part, que 86 % des usagers acquittant ces péages n’emprunteront pas le nouveau tronçon et, d’autre part, que le choix d’amortir intégralement le coût du nouveau tronçon sur la période de douze années restant à courir jusqu’au terme de la concession actuelle plutôt que de prévoir un amortissement plus long avec le versement d’une soulte au concessionnaire en fin de concession, fait peser sur les usagers des douze prochaines années la charge financière d’un ouvrage qui bénéficiera aux usagers au-delà de 2036.

Le Conseil d’État rejette cette argumentation aux motifs qu’il résultait d’un avis de l’Autorité de régulation des transports que la création du nouveau tronçon, dont l’objet même est de réduire la congestion du trafic local, permettra à l’ensemble des usagers de l’A 709 et de l’A 9 de réaliser des gains de temps sur leur trajet, de sorte que les suppléments de péage qu’ils acquittent trouvent leur contrepartie directe dans une prestation rendue. En outre, le Conseil d’État notait « si la mise à contribution des usagers circulant sur l’A 709 et l’A 9 entre 2024 et 2036 n’est pas strictement proportionnelle à la valeur du service qui leur est spécifiquement rendu, la distorsion tarifaire en cause est d’ampleur limitée eu égard au faible montant du supplément de péage, qui est en moyenne de 18 centimes par trajet ». Enfin, le choix de ne pas créer un péage dédié à ce nouveau tronçon trouve sa justification dans un motif d’intérêt général de fluidité du trafic.

Le Conseil d’État en conclut que les requérants n’étaient pas fondés à soutenir que la hausse tarifaire ne respecterait pas « la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu résultant de l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière et serait contraire au principe d’égalité des usagers devant le service public et, en tout état de cause, au principe d’égalité devant les charges publiques. »

Parmi les autres moyens soulevaient par les requérants figuraient notamment un moyen tenant à une violation de la prohibition des aides d’État puisque ces derniers considéraient que l’augmentation des tarifs constituait un avantage sélectif et caractérisait une aide d’État. Cependant, le Conseil d’État souligne à bon droit qu’une des conditions à la qualification d’aide d’État est l’origine étatique des ressources. Or, en l’espèce, la clause tarifaire litigieuse ne prévoyait aucun dispositif de compensation financière de la société ASF par l’État mais uniquement une hausse des péages autoroutiers lesquels sont acquittés par les usagers du service. Partant, elle ne pouvait pas être regardée comme une aide accordée par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens des stipulations de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et ce moyen ne pouvait donc qu’être rejeté.

Les autres moyens n’appellent pas de commentaires particuliers et n’ont pas davantage prospéré si bien que le Conseil d’État a rejeté les requêtes introduites à l’encontre du décret litigieux.

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[1] CE Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele, n° 138536 ; CE, 9 février 2018, Communauté d’agglomération Val d’Europe agglomération, n° 404982.