Pour rappel, par une directive 2023/1791 en date du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955, le Parlement européen et le Conseil ont procédé à une véritable refonte de la directive 2012/27/UE qui a rendu nécessaire l’introduction d’un chapitre V dans le Code de l’énergie intitulé « La performance énergétique des organismes publics » et donnant un rôle moteur au secteur public en matière de réduction de la consommation d’énergie finale.
A ce titre, l’article L. 235-1 du Code de l’énergie indique que sont soumis au dit chapitre :
- L’Etat, les opérateurs de l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements ;
- Les entités, publiques ou privées, répondant à l’ensemble des critères suivants :
- Elles ont été ou sont créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général n’ayant pas de caractère industriel ou commercial ;
- Elles sont majoritairement et directement financées par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ;
- Plus de la moitié des membres de leur organe d’administration, de direction ou de surveillance sont désignés par au moins une par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, à l’exclusion des opérateurs de l’Etat.
Nous relevons que cette définition des organisme publics soumis à ce chapitre est très similaire à celle des pouvoirs adjudicateurs à l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique, de sorte qu’elle est susceptible d’intégrer des entités privées (ex : SEM, SPL, SEMOP) dès lors qu’elles respectent les trois critères cumulatifs. A ce titre, l’étude d’impact du projet de loi a souligné que cette définition, qui transpose fidèlement la directive, exclut notablement les établissements publics de santé du champ des organismes publics car leur financement est majoritairement lié à leur activité.
Conformément à l’article 5 de la directive, l’article L. 235-2 du Code de l’énergie prévoit que la consommation d’énergie finale cumulée des organismes publics susmentionnés doit diminuer d’un volume représentant au moins 1,9 % de leur consommation d’énergie finale cumulée de l’année 2021.
Il convient de préciser cependant que, dans le respect de la directive, cette obligation ne couvre pas, jusqu’au 31 décembre 2026, la consommation d’énergie des collectivités territoriales et de leurs groupements[1] de moins de 50.000 habitants ainsi que de leurs établissements publics. Il en va de même jusqu’au 31 décembre 2029, des collectivités territoriales et de leurs groupements de moins de 5.000 habitants ainsi que de leurs établissements publics.
Est par ailleurs exclue de cette obligation la consommation d’énergie des transports publics et des forces armées.
A ce titre, le législateur a renvoyé à un décret pour définir les règles de la transmission annuelle par chaque organisme public des données relatives à sa consommation annuelle d’énergie, et en particulier le service de l’Etat ou l’organisme désigné pour les recevoir, les modalités de calcul de l’objectif de réduction de leur consommation énergétique, le contenu et les modalités de transmission des données relatives à leur consommation énergétique finale, ainsi que les modalités selon lesquelles l’évaluation et le constat du respect de l’objectif de réduction des consommations d’énergie finale seront établis chaque année.
De même, conformément à l’article 6 de la directive, l’article L. 235-3 du Code de l’énergie confère un rôle exemplaire aux bâtiments des organismes publics en imposant qu’au moins 3 % de la surface cumulée de leurs bâtiments soit rénovée chaque année afin de réduire leur consommation d’énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. A l’issue de cette rénovation, les bâtiments concernés doivent atteindre un haut niveau de performance énergétique qui sera ultérieurement défini par arrêté des ministres chargés de la Construction et de l’Energie.
De manière alternative, cet objectif pourra être réputé atteint si les organismes publics réduisent chaque année leur consommation d’énergie finale, planifient les rénovations de leurs bâtiments et les réalisent.
Cette obligation ne s’impose toutefois pas à certains organismes tels que les logements sociaux faisant l’objet d’une convention au titre de l’aide personnalisée au logement (APL) et appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré (HLM) ou les logements sociaux non conventionnés des organismes d’habitations à loyer modéré.
A l’instar de la transmission des données relatives à sa consommation annuelle d’énergie, le législateur a renvoyé à un décret pour la définition des modalités de calcul de la surface de bâtiments devant faire l’objet de la rénovation, des conditions alternatives permettant de réputer atteint l’objectif de rénovation des bâtiments publics relatives au niveau de performance énergétique, des conditions dans lesquelles un bâtiment peut faire l’objet de dérogations[2], ainsi que des modalités selon lesquelles l’évaluation et le constat du respect de l’objectif de rénovation de bâtiments sont établis.
En outre, l’article L. 235-4 du Code de l’énergie énonce qu’afin de constituer un inventaire national des bâtiments publics, les organismes publics transmettent, tous les deux ans et selon des conditions précisées par décret, à l’Etat ou à un organisme désigné par lui, les données relatives à la performance énergétique de leurs bâtiments.
Le législateur a indiqué que ces dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2025 et a prévu que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, puis tous les deux ans, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’estimation de la trajectoire financière, pour les organismes publics, de l’atteinte de l’objectif de réduction de leur consommation d’énergie ainsi que de l’objectif de rénovation de leurs bâtiments et des mesures alternatives, en recensant notamment les difficultés auxquelles ils font face pour atteindre cet objectif.
L’enjeu est effectivement de taille dès lors qu’un groupe de travail piloté par la direction de l’immobilier de l’État a estimé que l’objectif de 3 % de surfaces rénovées porte sur douze millions de mètres carrés par an, soit un investissement annuel de cinq milliards d’euros pour le seul patrimoine de l’État[3] et au moins dix milliards d’euros pour les collectivités locales[4] – étant rappelé que, d’après l’étude d’impact du projet de loi, seulement un peu « plus de 3,8 milliards d’euros ont été investis pour rénover près de 4.000 bâtiments de l’État depuis 2019, dont 2,7 milliards d’euros dans le cadre du plan France Relance ».
Or, le parc immobilier détenu par l’ensemble des organismes publics représente plus de 400.000 bâtiments, pour une surface totale de plus de 500 millions de mètres carrés, soit 47 % du parc immobilier tertiaire. Ainsi, de manière compréhensible au regard de la difficulté de mise en œuvre des dispositions précitées, il peut être relevé que le dispositif institué n’est assorti d’aucune sanction pour les organismes publics en cas de manquement à l’atteinte des objectifs de réduction de consommation d’énergie ou de rénovation énergétique.
Enfin, le Gouvernement a été habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire à la transposition notamment de l’article 7 de la directive (UE) 2023/1791 qui prévoyait en particulier que :
- les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ne peuvent acquérir que des produits, services, bâtiments et travaux à haute performance énergétique (sous réserve que cela soit techniquement faisable), conformément aux exigences en matière d’efficacité énergétique énoncées à l’annexe IV de la directive, lorsqu’ils concluent des marchés publics et des contrats de concession d’une valeur égale ou supérieure aux seuils européens de procédure en droit de la commande publique , à moins que cela ne soit pas faisable techniquement ;
- les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices doivent faire application du principe de primauté de l’efficacité énergétique;
- les Etats membres doivent éliminer toute entrave réglementaire ou non réglementaire qui dissuadent d’effectuer des investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique et de recourir à des contrats de performance énergétique et à des instruments de financement par des tiers sur une base contractuelle de longue durée.
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Si ces nouvelles dispositions donnent à juste titre un rôle moteur au secteur public en matière de réduction de la consommation d’énergie finale, en soumettant les organismes publics à des objectifs ambitieux, elles devront être accompagnées d’un soutien accru au regard des efforts budgétaires qu’elles emportent.
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[1] Au sens de l’article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales, à savoir « les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes, mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-8, les pôles métropolitains, les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les agences départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales ».
[2] En effet, en vertu du paragraphe 2 de l’article 6 de la directive UE 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955, les Etats membres peuvent appliquer des exigences moins strictes – qui seront précisées par arrêté des ministres chargés de la Construction et de l’Energie – à certaines catégories de bâtiments en raison de leur valeur historique ou architecturale, de leur appartenance aux forces armées ou s’ils servent de lieu de culte et à la défense nationale.
[3] Rapport sur le projet de loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (n° 529), n° 631 déposé le mercredi 27 novembre 2024.
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L17B0631.html
[4] Voir l’étude d’impact, page 395.