La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a été saisie d’un projet de décret relatif au partage des revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques.
Ainsi que nous l’indiquions dans notre précédent focus (disponible ici), le législateur est récemment intervenu pour définir les contours du dispositif qui prendra la suite de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.
Si le cadre légal est désormais connu, de nombreuses dispositions doivent faire l’objet de précisions par le pouvoir réglementaire. C’est précisément l’objet du projet de décret qui a été soumis à l’avis de la CRE, ici commenté.
Par une délibération du 11 juin 2025 portant avis sur le projet de décret pris en application de l’article L. 336-16 du Code de l’énergie, la CRE a émis un avis défavorable sur ledit projet de décret.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 336-16 du Code de l’énergie, un décret pris en conseil d’Etat doit préciser :
1° Les principes méthodologiques régissant les évaluations mentionnées à l’article L. 336-3 ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont régulièrement mises à jour ;
2° Les périodes d’évaluation des revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques mentionnées à l’article L. 336-9 ;
3° Les périodes infra-journalières pertinentes d’injection d’électricité dans le système électrique mentionnées à l’article L. 336-11, les produits représentatifs mentionnés au même article L. 336-11 et les conditions dans lesquelles les prix de ces produits sont calculés et constatés ;
4° La régularité, les échéances et les conditions de communication aux ministres chargés de l’Economie et de l’Energie des estimations mentionnées à l’article L. 336-15 et les conditions dans lesquelles le public est informé de ces estimations et du montant de la minoration du prix de fourniture applicable le cas échéant.
En premier lieu, le projet de décret analysé par la CRE précise la période de réalisation des transactions mentionnée à l’article L. 336-9 du Code de l’énergie, qui détermine la granularité temporelle à laquelle la CRE constate les revenus d’EDF en application de la comptabilité appropriée.
Aux termes du projet de décret, la période de réalisation des transactions est égale à une semaine. Par ailleurs, en cas de demande d’EDF, cette période peut être étendue à un mois.
La CRE accueille favorablement cette nouvelle disposition.
En deuxième lieu, l’article L. 336-9 du Code de l’énergie prévoit la définition d’un seuil de quantités d’électricité à partir duquel les transactions font l’objet d’une constatation explicite.
Ce seuil est défini à l’article D. 336-45 du projet de décret comme l’équivalent du produit d’un mégawatt multiplié par la durée de la période d’injection du produit de couverture correspondant. L’article R. 336-2 du projet de décret détermine la période de réalisation des transactions applicable si les quantités d’électricité sont inférieures à ce seuil.
Là encore, la CRE accueille favorablement le projet de décret en soulignant que « le seuil d’un mégawatt en ruban est pertinent pour débuter la constatation des revenus d’EDF ».
En troisième lieu, l’article L. 336-11 du Code de l’énergie prévoit un traitement spécifique dans la comptabilité appropriée des transactions en temps réel ou quasi-réel, c’est-à-dire des transactions très proches de la livraison.
L’article R. 336-3 du projet de décret précise cette disposition en :
- définissant la période infrajournalière pertinente pour l’injection dans le système électrique, mentionnée à l’article L. 336-11 du Code de l’énergie, comme l’unité de temps du marché organisé français de l’électricité ;
- précisant les catégories de produits considérées comme des transactions en temps réel ou quasi réel, qui s’entendent comme celles se rapportant à une livraison d’électricité ou à un instrument dérivé portant sur une livraison d’électricité au cours d’une période ne pouvant excéder une semaine ;
- définissant les prix de marché utilisés comme référence pour la valorisation des transactions en temps réel ou quasi réel comme le prix de la zone de livraison française issu du couplage journalier européen.
Si le traitement différencié des transactions en temps réel ou quasi-réel et la référence de prix utilisée pour ces transactions sont validées par la CRE, elle recommande toutefois de modifier la définition des catégories de produits considérées comme des transactions en temps réel ou quasi-réel.
En quatrième lieu, l’article R. 336-4 du Code de l’énergie introduit par le projet de décret prévoit les modalités de communication des estimations des paramètres permettant de déterminer le versement universel aux ministres chargés de l’Economie et de l’Energie ainsi que les conditions dans lesquels ils sont rendus publics.
Au regard de l’incertitude résultant des prévisions de production d’EDF, la CRE propose un rythme de communication différencié à mesure que l’incertitude sur les revenus totaux estimés diminue, contrairement au projet de décret.
Pour cette raison, la CRE émet un avis défavorable sur le projet de décret, notamment en raison du calendrier de communication et de publication des revenus issus de la comptabilité appropriée ainsi que du tarif unitaire prévisionnel de la minoration.