Energie
le 02/07/2025

Implantation irrégulière d’ouvrages électriques sur les terrains privés : il est possible pour le propriétaire de solliciter du juge des référés la désignation d’un expert afin d’apprécier la possibilité de procéder à son déplacement

CAA Toulouse, 20 juin 2025, n° 25TL00552

Le juge administratif est souvent saisi par des propriétaires sollicitant le déplacement ou la suppression d’ouvrages de distribution d’électricité implantés sur leur parcelle en raison des troubles de jouissances qu’entraînent leur présence.

Deux cas de figure sont alors à distinguer :

  • L’ouvrage est régulièrement implanté sur la parcelle en vertu d’une convention de servitude régulièrement conclue ou d’une déclaration d’utilité publique des ouvrages (il devra alors être déplacé si sa présence porte atteinte aux droits de propriété du propriétaire dans les conditions prévues par le cahier des charges de la concession de distribution d’électricité conclue par le gestionnaire du réseau) ;
  • L’ouvrage est irrégulièrement implanté sur la parcelle.

Dans ce deuxième cas, le juge administratif peut ordonner la démolition ou le déplacement de l’ouvrage prétendument implanté de façon irrégulière sous réserve que, conformément à une jurisprudence bien établie, soient réunies les conditions suivantes :

  • le caractère irrégulier de l’implantation de l’ouvrage est établi ;
  • il n’y a pas, le cas échéant, de possibilité de régularisation de cette-dernière ;
  • enfin, il ne résulte pas du déplacement ou de la suppression sollicitée de l’ouvrage une atteinte excessive à l’intérêt général au regard des inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour le propriétaire du terrain d’assiette (selon la théorie du bilan « avantages/inconvénients ») (Voir notamment en ce sens CE, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l’électricité́ et du gaz des Alpes Maritimes, n° 245239 ou encore CAA de Nancy, 16 mars 2021, C c/ société Enedis, n° 20NC00531).

Une démonstration qu’il convient de préparer afin d’éviter d’engager les frais et subir les délais de justice inhérents à ce genre de contentieux, sans pour autant obtenir la mesure d’injonction sollicitée.

Et à ce titre, la Cour administrative d’appel de Toulouse vient de rendre un arrêt intéressant.

Elle reconnaît la possibilité à un propriétaire d’un bâtiment de saisir le juge des référés (d’un référé dit « mesures utiles ») afin qu’il prescrive une mesure d’expertise sur le fondement des dispositions de l’article R. 532-1 du Code justice administrative « aux fins d’apprécier la possibilité de déplacer ou de remplacer le transformateur installé sur leur propriété et d’évaluer les préjudices qui résultent de cette présence. »

Dans cette affaire, la Cour a estimé que l’expertise sollicitée constituait une mesure utile, dès lors qu’un désaccord était établi entre le propriétaire et le gestionnaire du réseau de distribution quant aux conséquences dommageables liées à l’implantation d’un poste de transformation sur la parcelle, susceptible de faire l’objet d’un contentieux. Elle a également relevé qu’il n’était pas démontré que les propriétaires étaient en mesure d’apprécier eux-mêmes les effets préjudiciables de cette implantation.

On rappellera en effet que l’utilité de la mesure d’instruction ou d’expertise sollicitée est appréciée, « d’une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d’autres moyens et, d’autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l’intérêt que la mesure présente dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ».

Une telle expertise pourrait permettre à de nombreux propriétaires d’obtenir dans des délais relativement raisonnables les moyens de satisfaire leurs demandes de déplacement d’ouvrage (formulée, le cas échéant, à l’amiable ou devant les tribunaux administratifs).