Par deux jugements rendus le même jour, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a précisé les cas dans lesquels un motif financier pouvait constituer un motif d’intérêt général justifiant la résiliation anticipée d’un contrat administratif.
Le Syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa avait unilatéralement résilié les contrats de délégation de service public pour l’exploitation des réseaux de transport du Grand Nouméa qui avait été confiée à deux sociétés.
Il s’appuyait à cette fin sur l’extrême détérioration des conditions financières d’exécution des conventions de délégation de service public, lesquelles avaient, en outre, empiré du fait des conséquences économiques des émeutes survenues à compter du mois de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie.
Les deux sociétés délégataires ont alors saisi le tribunal administratif, estimant que les motifs financiers invoqués ne pouvaient constituer un motif d’intérêt général au sens de l’article L 6, 5° du Code de la commande publique.
Il appartenait donc au juge administratif d’apprécier la légalité des décisions de résiliation contestées, ce qui revenait en substance à définir les situations dans lesquelles un motif financier peut être reconnu comme relevant de l’intérêt général.
Au préalable, la juridiction rappelle qu’une personne publique peut toujours résilier unilatéralement un contrat administratif pour motif d’intérêt général[1], lequel peut d’ailleurs être financier[2].
En l’état, le tribunal considère qu’il n’appartient pas juge administratif d’apprécier la pertinence des choix opérés par l’autorité administrative, au risque d’excéder sa compétence, mais plutôt d’apprécier si le motif invoqué se vérifiait au regard des éléments apportés au stade de l’instruction.
Autrement dit, le juge devait déterminer si la situation financière du contrat faisait obstacle à sa poursuite.
C’est à cette conclusion qu’il parvient dans les deux affaires en question. Pour ce faire, il s’est fondé sur différents éléments recueillis au cours de l’instruction, notamment les échanges entre les parties contractantes mentionnant la dégradation des conditions financières, la menace pesant sur leur trésorerie, le risque de redressement judiciaire, ainsi que la volonté exprimée par l’autorité délégante de renégocier ses engagements contractuels[3].
En définitive, il ressort que l’augmentation des charges corrélée à la diminution des recettes d’exploitation compromettait de manière excessive l’équilibre économique initialement établi entre les parties, au point de rendre sa pérennité impossible. C’est précisément en raison du caractère « irréversible » de cette évolution économique et de l’« incapacité de l’administration à supporter le coût du contrat de délégation, même en procédant à des réductions significatives dans d’autres postes budgétaires » [4], que la résiliation anticipée a été jugée justifiée.
Il en découle qu’un motif financier peut être reconnu comme un motif d’intérêt général justifiant la résiliation d’un contrat lorsque la situation économique est irrémédiablement compromise et ne peut raisonnablement s’améliorer. Par ailleurs, l’intérêt général tenant à la continuité du service public de transport ne saurait, à lui seul, imposer la reprise des relations contractuelles.
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[1] Cons. n° 2 dans les jugements n° 2400598 et n° 2400606.
[2] Cons. n° 3 dans les jugements n° 2400598 et n° 2400606.
[3] Cons. n° 17 dans le jugement n° 2400598 et cons. n°8 dans le jugement n° 2400606.
[4] Cons. n° 19 dans le jugement n° 2400598 et cons. n° 10 dans le jugement n° 2400606.