Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, l’exploitation de la production d’énergies renouvelables dans le cadre d’un service public industriel et commercial impliquait, en principe, la création d’une régie – excepté pour la production d’électricité photovoltaïque dans le cadre d’opérations d’autoconsommation n’excédant pas un seuil de puissance d’un mégawatt cumulé par collectivité.
Cette obligation découlait des termes de l’article L. 1412-1 du Code général des collectivités territoriales (ci-après le « CGCT »), dont le premier alinéa subordonne l’exploitation directe d’un service public industriel et commercial (ci-après « SPIC ») à la constitution d’une régie dotée soit de la personnalité morale et de l’autonomie financière, soit de la seule autonomie financière.
De même, les communes, les départements et leurs établissements publics avaient l’obligation de constituer des budgets annexes pour la gestion de tels SPIC exploités en régie dès lors que ces budgets doivent être équilibrés en recettes et en dépenses conformément aux articles L. 2224‑1 et L. 3241‑4 du CGCT.
Or, il résulte de ces dispositions que la collectivité de rattachement d’un SPIC ne peut, sauf dérogation prévue par l’article L. 2224-2 du CGCT, subventionner librement le service. Elle ne peut pas non plus prendre en charge dans son budget propre des dépenses au titre du SPIC dès lors que le budget annexe doit être équilibré en recettes et en dépenses (article L. 2224-1 du CGCT ; CE, 6 avril 2007, n ° 284544). A l’inverse, le reversement au budget général des excédents du budget annexe du SPIC « qui seraient nécessaire au financement des dépenses d’exploitation ou d’investissement devant être réalisés à court terme » est également exclu (Conseil d’État, 9 avril 1999, n° 170999).
Au regard de la complexité liée à la création d’une régie a minima à autonomie financière et au suivi de l’activité, l’article 88 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après la « loi APER ») a supprimé l’obligation de constituer une régie et un budget annexe lorsque la production d’électricité photovoltaïque, n’excédant pas un seuil de puissance (1 MW cumulé par collectivité) défini par arrêté du 10 juillet 2024, est injectée sur le réseau public de distribution dans le cadre d’une opération d’autoconsommation individuelle ou collective.
Cette dérogation visait à permettre « une réelle simplification et un effet utile pour lever le frein au développement de l’autoconsommation, sans toutefois fragiliser le cadre des services de production de taille plus conséquente pour qui la création d’une régie et d’une budget annexe » […] « reste nécessaire dans les conditions de droit commun » (Amendement n° 2298 déposé le jeudi 15 décembre 2022 en séance publique de l’Assemblée nationale).
Si cette disposition est le fruit de nombreux débats ayant écarté l’élargissement de cette dérogation au cas plus général de la production d’électricité photovoltaïque (Amendement n° 282 rect, déposé le 31 octobre 2022 en séance publique du Sénat), la commission mixte paritaire a circonstancié cette possibilité en la limitant au respect de critères de puissance des installations photovoltaïques édictés par le pouvoir réglementaire (Rapport n° 267 (2022-2023) fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 24 janvier 2023).
En effet, le législateur n’a pas souhaité autoriser une dérogation plus globale au principe de constitution d’une régie et d’un budget annexe applicable de manière générale à « la production d’électricité photovoltaïque lorsqu’elle est revendue par la collectivité, notamment dans le cadre de l’obligation d’achat instituée par les mécanismes de soutien » (Amendement n° CE1029 déposé le 19 novembre 2022 en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, supprimant la disposition sénatoriale), cette autorisation posant au demeurant la question de l’intégration au budget général des collectivités des entités gestionnaires du SPIC (Rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (n° 443), n° 526).
En dépit de ces réticences initiales du législateur, l’article 24 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 est venu élargir cette dérogation à tout « projet d’installation de production d’énergies renouvelables, au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie »afin « d’inciter les collectivités territoriales à porter des projets d’énergie renouvelable, en facilitant le reversement des recettes de l’installation dans le budget général de la collectivité » (Amendement n° COM-27 du 3 mars 2025, déposé le 3 mars 2025 en Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ; Rapport n° 401 (2024-2025), déposé le 5 mars 2025).
A ce titre, il est néanmoins regrettable que l’article L. 2224-2 du CGCT n’ait pas été modifié en conséquence afin de permettre expressément une dérogation à l’interdiction aux collectivités et à leurs groupements de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics de production d’énergies renouvelables, au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie, à l’instar de ce qui avait été prévu par la loi APER – et qui demeure en vigueur – pour les « services de production d’électricité exploités dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 1412-1 ».
A ce titre, une mise en cohérence semble donc nécessaire afin de pallier cet oubli du législateur.
Par ailleurs, il convient également de relever que, par ces modifications successives de l’article L. 1412-1 du CGCT, le législateur a incidemment reconnu que la production d’énergies renouvelables est un service public, ce qui était jusqu’alors sujet à discussion[1] malgré plusieurs réponses ministérielles ayant déjà retenu cette qualification, et ce avant même l’intervention de la loi[2].
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[1] P. Coleman, « La production d’énergies renouvelables par les collectivités territoriales : un nouveau service public érigé par accident ? », Droit Administratif, n° 7, Juillet 2023 ; C. Fontaine et F. Lousteau, « De l’existence d’un service public de la production d’énergies renouvelables », Energie – Environnement – Infrastructures, n°5, Mai 2023.
[2] Rép. min. n° 04754 : JO Sénat 14 févr. 2019, p. 830 ; Rép. min. n° 56011 : JOAN 6 janv. 2015 page 86.