Par une délibération du 11 juin 2020, le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a formulé, sous la forme d’un vœu à l’intention du Gouvernement, plusieurs souhaits relatifs à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale, notamment en ce qui concerne la Seine-Saint-Denis.
D’une manière générale, le vœu consiste en l’expression d’une prise de position sur des sujets intéressant la vie locale. Cette possibilité découle, pour les conseils départementaux, de leur compétence pour régler les affaires du département, prévue à l’article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales – CGCT[1].
Par principe, dans la mesure où il s’agit d’une simple prise de position de l’organe délibérant, le vœu ne constitue pas un acte faisant grief et n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir, même en raison de ses vices propres[2].
La seule exception à ce principe réside dans le déféré préfectoral, le juge administratif admettant que le préfet puisse déférer, conformément à l’article L. 3132-1 du CGCT, les vœux qu’il estime contraires à l’ordre public ou à la légalité[3].
C’est donc sur ce fondement que le préfet a formé un déféré contre la délibération du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
Si le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le déféré, la Cour administrative d’appel de Paris a, ensuite, annulé ce jugement ainsi que la délibération du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Elle a en effet considéré que, dans la mesure où la sécurité publique n’est pas un domaine de compétence que la loi a attribué au département, le conseil départemental n’était pas compétent pour adopter la délibération litigieuse.
Saisi en cassation par le Département, le Conseil d’Etat a d’abord relevé que l’article 58 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a abrogé l’article L. 121-29 du Code des communes interdisant aux conseils municipaux d’émettre des vœux politiques, ainsi que celles du troisième alinéa de l’article 51 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux – devenus les conseils départementaux – interdisant à ces derniers d’émettre des vœux politiques et ne leur reconnaissant, explicitement, que la possibilité d’émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d’administration générale.
Le Conseil d’Etat en a déduit que « le législateur doit être regardé comme ayant, implicitement mais nécessairement, reconnu la faculté, pour les organes délibérants des collectivités territoriales, de formuler des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention, y compris de nature politique, sans la restreindre aux domaines de compétence que la loi leur attribue, pourvu qu’ils portent sur des objets présentant un intérêt public local ».
De sorte que, en jugeant que le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis n’était pas compétent pour adopter la délibération contestée au motif que la sécurité publique n’est pas un domaine de compétence que la loi a attribué au département, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a alors estimé que dès lors que les questions relatives à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale dans le département présentent un intérêt public local, le préfet n’était pas fondé à soutenir que la délibération contestée serait illégale.
Il a par ailleurs rappelé, avant de rejeter la requête du préfet, que la méconnaissance du principe de neutralité ne pouvait utilement être invoquée par ce dernier à l’encontre d’un vœu dont, on l’a dit, le législateur a entendu qu’il puisse revêtir un caractère politique.
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la solution retenue par le Conseil d’Etat dans sa décision Département du Gers en date du 30 novembre 2009 (n° 308514), dans laquelle il avait déjà jugé qu’« il est loisible aux conseils généraux de prendre des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention ; que de telles délibérations peuvent porter sur des objets à caractère politique et sur des objets qui relèvent de la compétence d’autres personnes publiques, dès lors qu’ils présentent un intérêt départemental ».
La piqûre de rappel semblait néanmoins nécessaire.
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[1] CE, 30 décembre 2009, Département du Gers, n° 308514.
[2] CE, 29 décembre 1997, Sarl. Enlem, n° 157623.
[3] CE, 30 décembre 2009, Op. cit.