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le 22/05/2025

Indemnités de fonction : quelles conséquences pour l’annulation de la délibération fixant les indemnités des élus ?

CE, 4 avril 2025, n° 473305

Par un arrêt du 4 avril 2025 qui sera mentionné aux tables du recueil, le Conseil d’État apporté d’utiles précisions sur les conséquences qui s’attachent à l’annulation de la délibération fixant le montant des indemnités de fonction perçues par les élus.

Dans cette affaire, par un jugement devenu définitif du 3 juillet 2014, le Tribunal administratif de Versailles avait annulé, sur déféré du Préfet de l’Essonne, la délibération du 31 mars 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Wissous avait fixé le montant brut mensuel des indemnités de fonction du maire, des sept adjoints et des dix conseillers municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions.

En 2016, la commune avait émis un titre exécutoire à l’encontre de l’ancien maire, pour recouvrer les indemnités perçues sur la base de cette délibération annulée. Ce titre a été annulé par un jugement du tribunal administratif du 25 octobre 2018.

L’appel de la commune a d’abord été rejeté en 2021, mais le Conseil d’État a annulé cette décision et renvoyé l’affaire. Statuant sur renvoi, la Cour administrative d’appel de Versailles avait, par un arrêt du 14 février 2023, jugé que l’annulation contentieuse de la délibération fixant le montant des indemnités de fonction des conseillers municipaux avait eu pour effet de faire revivre les délibérations antérieures des 2 avril et 19 mai 2008 auxquelles elle s’était substituée. Par suite, la Cour avait partiellement annulé le titre exécutoire, considérant que la commune ne pouvait réclamer que la différence entre les indemnités perçues et celles dues selon les délibérations antérieures de 2008.

 

1. La remise en vigueur de la précédente délibération adoptée après le dernier renouvellement du conseil si non retirée, abrogée ou annulée

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État estime dans sa décision qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2123-20 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), « qui ne prescrivent l’adoption d’aucune nouvelle délibération fixant les indemnités des membres du conseil municipal sinon à l’occasion du renouvellement de ce conseil, qu’à moins qu’elle n’ait été elle-même adoptée expressément pour une durée limitée, toute délibération fixant de telles indemnités demeure en vigueur, aussi longtemps qu’elle n’a pas été retirée, abrogée ou annulée, jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal, sans que la circonstance que des changements aient été apportés à la liste des adjoints et conseillers municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions implique, par elle-même, que la délibération cesse de recevoir application ».

Partant, contrairement à ce que soutenait la commune requérante, les délibérations des 2 avril et 19 mai 2008, qui avaient été prises dans les trois mois suivant l’installation du conseil municipal à la suite des élections de mars 2008, ne trouvaient pas à s’appliquer pour cette seule année. Aussi, n’ayant pas été retirées, abrogées ou annulées, elles avaient vocation à rester en vigueur jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal. Dès lors, le Conseil d’État considère que les juges d’appel en avaient justement déduit que l’annulation de la délibération du 31 mars 2011 a avait eu pour effet de remettre en vigueur celles des 2 avril et 19 mai 2008.

 

2. Le sort des indemnités indûment perçues par les élus municipaux

Une fois ce raisonnement posé, les incidences sur le titre exécutoire émis – c’est-à-dire concrètement sur les sommes pouvant être réclamées par la collectivité aux élus – en découlent assez naturellement.

Confirmant l’arrêt d’appel, le Conseil d’État retient ainsi que le titre exécutoire en litige, correspondant à l’intégralité des indemnités perçues par le maire au cours de la période d’avril 2011 à avril 2014, était illégal en tant qu’il réclamait le remboursement d’une somme excédant la différence entre le montant des indemnités qu’il a perçues sur le fondement de la délibération annulée du 31 mars 2011 et celui des indemnités qu’il aurait perçues sur le fondement de la délibération du 2 avril 2008.

En clair, on retiendra donc que l’annulation d’une délibération illégale fixant le montant des indemnités de fonction n’entraîne pas l’obligation, pour les élus, de rembourser l’intégralité des sommes perçues. Seule la différence entre ce qui a été perçu et ce qui aurait dû l’être (sur la base de la dernière délibération valide, remise en vigueur par l’effet de l’annulation de celle s’y substituant) peut leur être réclamée. La collectivité ne peut pas émettre de titre exécutoire couvrant des montants supérieurs à cette différence.