Urbanisme, aménagement et foncier
le 09/04/2025

Péremption du permis de construire et justice

CE, 21 février 2025 n° 493902

Dans sa décision en date du 21 février 2025, le Conseil d’Etat apporte des précisions utiles sur la caducité des permis de construire et son contentieux[1].

 

1) En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que la voie de l’appel n’est pas ouverte en zone tendue pour les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption.

Pour rappel en effet, les dispositions de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative disposent que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort (c’est-à-dire qu’un appel n’est pas possible) sur certaines décisions rendues en matière d’urbanisme, dans les zones où est applicable la taxe annuelle sur les logements vacants en vue d’accélérer la construction de logements.

Le Conseil d’Etat rappelle l’objectif de la suppression de l’appel dans la décision commentée tout en précisant que celle-ci est également applicable aux décisions constatant leur péremption[2] :

« 3. Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements ayant bénéficié d’un droit à construire, doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d’aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption ou refusant de la constater. »

 

2) En deuxième lieu, le Conseil d’Etat juge que le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme lorsqu’elle est contestée dans le cadre d’un recours contentieux est suspendu jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle devenue irrévocable, autrement dit à l’expiration du délai de recours contre cette décision juridictionnelle, si un tel recours n’a effectivement pas été actionné.

Sur ce point en effet, rappelons que les permis de construire ont un délai de validité : les dispositions du premier alinéa de l’article R. 424-17 du Code de l’urbanisme imposant que des travaux soient entrepris dans un délai de trois ans :

« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. ».

Et les dispositions de l’alinéa 1er de l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme prévoient la suspension du délai de péremption du permis si l’autorisation est contestée en justice :

« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable. ».

Le Conseil d’Etat estime que cette durée de validité doit donc être suspendue jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable. En l’espèce, dès lors qu’aucun recours n’avait été formé contre le jugement rendu en premier et dernier ressort, cette date était donc celle de l’expiration du délai de recours :

« 13. Il résulte des dispositions de l’article R.* 424-19 du Code de l’urbanisme citées au point précédent qu’en cas de recours contentieux contre un permis de construire, le délai à l’issue duquel ce permis de construire est périmé en l’absence d’engagement des travaux dans le délai prévu à l’article R.* 424-17 du même code, prorogé le cas échéant dans les conditions prévues aux articles R.* 424-21 et R.* 424-23 de ce code, est suspendu jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable.

14. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire accordé à la société Logirem le 30 mars 2016 lui a été notifié le 5 avril 2016 et a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir introduit le 13 septembre 2016 devant le Tribunal administratif de Marseille. Ce recours a été rejeté par un jugement du 26 octobre 2017, devenu irrévocable, en l’absence de recours, le 28 décembre 2017. Le délai de validité prévu à l’article R.* 424-17 a, dès lors, été suspendu du 13 septembre 2016 au 28 décembre 2017 pour expirer, compte tenu de la prorogation d’une année obtenue par le pétitionnaire, le 18 juillet 2021. Par suite, eu égard à la nature et l’importance des travaux effectués par le pétitionnaire à cette date, le Maire de Marseille ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles R.* 424-17 et suivants, constater, par la décision contestée du 9 septembre 2021, la péremption du permis de construire délivré à la société Logirem. ».

 

C’est donc aussi l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler, conformément à une jurisprudence très fournie en la matière, que la caducité ne peut être constatée si des travaux suffisants, eu égard à leur nature et leur importance, ont débutés avant la péremption du permis.

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[1] Le Conseil d’Etat apporte également des précisions intéressantes sur la tierce opposition, non commentée dans la présente analyse.

[2] Le Conseil d’Etat avait déjà admis que les décisions refusant de constater la caducité du permis étaient également des décisions insusceptibles d’appel en application de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative : CE, 22 novembre 2022, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble 153 rue de Saussure, n° 461869.