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le 12/03/2025

Compétence du Tribunal des conflits et prescription quadriennale applicable à une demande d’indemnisation du préjudice résultant d’un délai excessif d’une procédure d’expropriation

Tribunal des conflits, 10 février 2025, n° C4330

Dans cette affaire, une demande indemnitaire préalable a été adressée le 11 décembre 2018 au ministre de la Justice par un expropriant au motif de la durée excessive de la procédure d’expropriation mise en œuvre à son encontre.

Plus précisément, l’expropriant estimait avoir subi un préjudice en raison de la durée excessive de la procédure d’expropriation, car un délai de plus de quatre ans s’était écoulé entre la prise par le préfet de son arrêté déclarant d’utilité publique (DUP) le projet du 20 février 2007 et l’intervention de l’ordonnance d’expropriation (ici rectificative) du 22 mars 2011.

Le Tribunal des Conflits est saisi ici dans la mesure où la procédure d’expropriation a fait naître à la fois des contentieux devant la juridiction judiciaire (fixation judiciaire) mais également devant la juridiction administrative (légalité de la DUP et de l’arrêté de cessibilité). Et pour cause, en vertu de l’article 16 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits :

« Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître d’une action en indemnisation du préjudice découlant d’une durée totale excessive des procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence applicables et, le cas échéant, devant lui  ».

En l’espèce, le Tribunal des conflits est compétent car le juge de l’expropriation ayant rendu l’ordonnance d’expropriation rectificative a attendu que la Cour de cassation ait statué sur le pourvoi formé contre la première ordonnance et la Cour de cassation a elle-même attendu qu’il soit définitivement statué par la juridiction administrative sur la légalité de l’arrêté de DUP et de l’arrêté de cessibilité.

Cela étant dit, le Tribunal des conflits considère que la demande d’indemnisation de l’expropriant est tardive puisque, quand bien même les indemnités d’expropriation n’ont été fixées que par jugement du 7 juillet 2014, « la réalité et l’étendue du préjudice allégué étaient entièrement révélées à la date de cette ordonnance [d’expropriation] rectificative » du 22 mars 2011.

Le Tribunal des conflits fait débuter la prescription quadriennale de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 à compter du 1er janvier 2012 (c’est-à-dire le 1er janvier de l’année suivant l’ordonnance d’expropriation) jusqu’au 31 décembre 2015.

En conséquence, la créance dont se prévalait l’expropriant était manifestement prescrite à la date à laquelle il a formé sa réclamation préalable en décembre 2018.

Cette décision a le mérite de rappeler, en premier lieu, qu’une action en indemnisation d’un préjudice découlant d’une durée excessive des procédures est portée devant le Tribunal des conflits lorsque ces procédures sont relatives à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres, comme ce peut être le cas en expropriation. En second lieu, elle traite de l’application des règles de prescription quadriennale en expropriation.