Le 19 février puis le 20 février 2025 l’Assemblée nationale puis le Sénat ont définitivement adopté le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
Ce texte qui a suscité de nombreux débats et a été très critiqué par les défenseurs de l’environnement a finalement retenu un certain nombre de principes et de règles qui doivent encore être soumis à la validation du Conseil constitutionnel saisi par au moins soixante députés le 24 février suivant l’adoption du texte.
L’article 1er du projet de loi érige la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche en intérêt général majeur et leur reconnaît un intérêt fondamental de la Nation. Ce principe doit être intégré à l’article L. 1 A du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) et les priorités qui en découlent ainsi que les finalités que doivent traduire ces priorités, à l’article L. 1. On relèvera dès à présent le législateur a ainsi refusé d’acter l’interdiction des produits phytopharmaceutiques malgré les débats que ces derniers suscitent. En effet, parmi les finalités retenues, on retiendra celle de maintenir un haut niveau de protection des cultures, en soutenant la recherche en faveur de solutions apportées aux agriculteurs économiquement viables, techniquement efficaces et compatibles avec le développement durable, afin de diminuer l’usage des produits phytopharmaceutiques et, à défaut de telles solutions, en s’abstenant d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne.
Parmi les priorités il faut également relever que la politique doit également conduire à préserver et développer les réseaux d’irrigation nécessaires à une gestion durable de la production et des surfaces agricoles.
L’article L. 1 B du CRPM pose quant à lui le principe de non‑régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.
De nombreuses mesures sont alors prévues pour favoriser l’accès à la professions agricoles dans les trois premiers titres de la loi (développements des moyens dans le système éducatif, facilitation des transmissions d’exploitation, élaboration d’un contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles…).
Sur le plan environnemental c’est plus particulièrement le titre IV relatif à la sécurisation, la simplification et la facilitation de l’exercice des activités agricoles qui nous intéresse.
Des mesures sont d’abord prises pour limiter à 450 euros maximum les amendes sanctionnant les atteintes commises par une personne physique à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées ou d’habitats naturels en violation des interdictions prévues à l’article L. 411‑1 ou des prescriptions prévues par les règlements ou par les décisions individuelles pris en application de l’article L. 411‑2, lorsque ces atteintes ont été commises de manière non intentionnelle ou par négligence grave. Le texte précise alors dans quelles conditions il doit être considéré que l’atteinte a été intentionnelle ou non (article L. 171-7-2 et suivants du Code de l’environnement issus de l’article 13 du projet de loi). Un dispositif similaire d’amende plafonné est introduit pour les propriétaires d’élevages exploité sans la déclaration ou l’enregistrement qui s’impose (articles L. 171-7-3 du Code de l’environnement issus de l’article 13 bis AAA du projet de loi)
Un certain nombre de travaux forestiers sont, par ailleurs, reconnus d’intérêt général et sécurisés juridiquement tout au long de l’année (article L. 121-7 du Code forestier).
Mais on notera plus particulièrement l’intégration au sein du Code de l’environnement, d’une section entière consacrée à la protection et la gestion durable des haies pour lesquelles une nouvelle définition est proposée (articles L. 412-21 et suivants). L’intervention sur ces haies doit poursuivre un objectif de gestion durable et tout projet de destruction est soumis à déclaration unique préalable à moins que le préfet n’indique à l’auteur de la déclaration que la mise en œuvre de son projet est subordonnée à l’obtention d’une autorisation unique. L’article L. 412-24 définit alors les déclarations, les absences d’opposition, les dérogations et les autorisations intégrées dans la déclaration ou l’autorisation unique. Le principe de la compensation par replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit est également posé et il appartiendra par ailleurs aux préfets de mettre à la disposition du public une cartographie régulièrement mise à jour des protections législatives ou réglementaires applicables aux haies, à une échelle géographique fine. Encore doit on relever que le CRPM sera désormais doté d’une section spécifique relative à la stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie qui doit définir les orientations à suivre pour conduire la politique de gestion et de développement durables du linéaire de haies sur le territoire (article L. 126-6 du CRPM). Enfin, l’article L. 611-9 du CRPM prévoit les conditions dans lesquelles les gestionnaires de haies peuvent faire l’objet d’une certification garantissant la gestion durable des haies sur la totalité de l’exploitation.
On notera encore qu’un certain nombre de dispositions a vocation à neutraliser les effets du principe de non régression environnemental, prévu à l’article L. 110 du Code de l’environnement – selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment –, en vue d’évolutions à prévoir dans les nomenclatures IOTA et ICPE (article 15 bis du projet de loi). C’est ainsi que ce principe ne pourra être invoqué pour s’opposer à la modification de la nomenclature IOTA en ce qui concerne les retenues collinaires ou encore la nomenclature ICPE en ce qui concerne les produits et sous‑produits lainiers, les chiens de troupeaux ou les piscicultures.
Le rôle des départements dans la gestion de l’eau potable est par ailleurs élargie dès lors que ces derniers se voient reconnaître expressément la possibilité de recevoir un mandat de maîtrise d’ouvrage, conclu à titre gratuit, en vue de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l’approvisionnement en eau, au sens du 3° du I de l’article L. 211‑7 du Code de l’environnement, confié par l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent (article L. 2224-7-8 du CGCT).
Enfin, le texte (article 15 du projet de loi) élargit les pouvoirs du juge administratif en cas de contentieux dirigé contre certaines décisions portant sur les IOTA « au titre des ouvrages de stockage d’eau ou des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, à l’exclusion des ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines, à la condition que ces projets poursuivent à titre principal une finalité agricole, qu’elle soit culturale, sylvicole, aquacole ou d’élevage » ou sur les ICPE destinées « à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes ainsi qu’aux couvoirs et à la pisciculture ». Selon les cas, le juge pourra alors annuler partiellement les décisions soumises à son examen ou encore permettre leur régularisation (articles L. 77-15-1 du Code de justice administrative). L’introduction d’un référé suspension contre ces décisions est en outre encadrée car elle ne sera possible que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. La condition d’urgence sera, en revanche, présumée satisfaite.
Saisi de la constitutionnalité de ce texte, le Conseil constitutionnel doit encore se prononcer. Au regard de la saisine de la juridiction, celle-ci devra dès lors notamment valider, d’ici le 24 mars prochain, la constitutionalité des articles 1er,13, 13 bis AAAA, 13 bis AAA, 15 ou encore 15 bis du projet de loi.