Par une décision en date du 9 janvier 2024, l’EPF PACA a exercé, par délégation de la commune de Sanary-sur-Mer, le droit de priorité prévu à l’article L. 240-1 du Code de l’urbanisme sur des parcelles et des droits indivis propriétés de la SNCF.
La SNCF avait trouvé un acquéreur avec lequel une promesse de vente avait été signée et qui avait obtenu un permis de construire délivré le 13 juin 2023 pour la réalisation de 30 logements dont 15 logements locatifs sociaux.
L’acquéreur évincé a donc saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon pour suspendre l’exécution de la décision portant exercice du droit de priorité. Il a été débouté par ordonnance n° 2400792 du 9 avril 2024 et s’est pourvu en cassation.
Par un arrêt “Groupe A et A Novelis” du 9 février 2025, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur :
- 1°) Le champ d’application du droit de priorité et, notamment, sur le point de savoir s’il s’appliquait aux cessions d’immeubles appartenant à la société nationale SNCF (ancien établissement public SNCF) ;
- 2°) Un cas d’exclusion du champ d’application du droit de priorité, notamment, en cas d’aliénation d’immeubles en vue de réaliser des opérations d’intérêt national (OIN), y compris s’agissant des opérations de logements ayant les effets des OIN ;
- 3°) Le point de savoir si, dans une commune carencée en logements sociaux, le droit de priorité est ou non transféré au préfet.
En premier lieu, le Conseil d’Etat énonce que l’article L. 240-1 du Code de l’urbanisme dispose que le droit de priorité s’applique aux cessions d’immeubles appartenant aux établissements publics mentionnés aux articles L. 2102-1, L. 2111-9 et L. 2141-1 du Code des transports, renvoyant notamment à la SNCF.
Et, s’il relève encore que l’établissement public SNCF est devenu, à compter de l’ordonnance du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF et de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, la société nationale SNCF et que le législateur a laissé subsister la mention “établissements publics”, le droit de priorité reste applicable à la société nationale SNCF.
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat rappelle, au visa de l’article L. 240-2 alinéa 3, que le droit de priorité ne s’applique pas à l’aliénation d’immeubles en vue de réaliser les opérations d’intérêt national mentionnées à l’article L.132-1 du Code de l’urbanisme, y compris les opérations ayant ces effets en vertu de l’article 1 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement qui dispose notamment que la réalisation de logements présente un caractère d’intérêt national lorsqu’elle contribue à l’atteinte des objectifs fixés de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale en application de l’article L. 302-8 du Code de la construction et de l’habitation.
Or, en l’espèce, le Conseil d’Etat relève que l’acquéreur évincé a conclu une promesse de vente avec la SNCF subordonnée à l’obtention d’un permis de construire, effectivement délivré pour la construction de 30 logements dont 15 logements locatifs sociaux.
Il en conclu, à juste titre, que le projet de l’acquéreur évincé présente un caractère d’intérêt national en soulignant, d’une part, que la commune de Sanary-sur-Mer n’a pas atteint l’objectif global de réalisation de logements sociaux pour la période triennale 2020-2022 fixée par le préfet et, d’autre part, qu’un arrêté préfectoral de carence a été prononcé le 20 décembre 2023 pour la période 2023-2025. Ainsi, le droit de priorité n’était pas applicable à l’aliénation des biens en cause vendus par la SNCF pour réaliser un programme de logements dont une partie est réalisée en logement social et a l’effet d’une opération d’intérêt national.
En troisième et dernier lieu, le Conseil d’Etat énonce qu’en l’absence de dispositions prévoyant que, lorsqu’une commune a fait l’objet d’un arrêté de carence au regard de ses objectifs en matière de réalisation de logements sociaux, le droit de priorité des terrains affectés au logement ou destinés à être affectés à une opération de construction ou d’acquisition de logements sociaux serait exercé par le représentant de l’Etat dans le département, il ne peut être reproché à la commune d’avoir voulu déléguer le droit de priorité à l’EPF PACA.
Au total, le Conseil d’Etat suspend la décision d’exercer le droit de priorité prise par l’EPF PACA au motif que la cession de la SNCF en vue de réaliser une opération ayant l’effet d’une OIN est exclue du champ d’application du droit de priorité.