Ce lundi 10 février à 16 heures, l’Assemblée nationale examine, en première lecture, la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet. Cette proposition de loi, déjà adoptée par le Sénat, tend à assouplir le régime juridique applicable aux modalités d’élection du maire et des adjoints dans les communes nouvelles, en cas de conseil municipal incomplet.
1. Les communes nouvelles exposées plus que les autres communes au renouvellement intégral de leur conseil municipal en cas de vacance du maire ou d’un ou de plusieurs adjoints
A titre liminaire, on rappellera que l’article L. 2122-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pose un principe de complétude du conseil municipal : pour procéder à l’élection du maire et des adjoints, le conseil municipal doit être complet au moment de l’élection, sous peine d’annulation par le juge administratif[1].
Or, en l’état, en cas de vacance du maire nouvellement élu dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle, les règles en vigueur conduisent généralement au renouvellement intégral du conseil municipal de la commune.
Plus précisément, si les principes généraux qui régissent l’élection du maire et de ses adjoints dans les communes sont également applicables aux communes nouvelles, ces dernières sont néanmoins confrontées à deux difficultés particulières en cas de vacance du maire ou d’un ou plusieurs adjoints.
D’une part, il n’est pas possible de faire appel aux « suivants de liste » dans les communes nouvelles de plus de 1 000 habitants pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, ainsi que l’a très clairement jugé le Conseil d’État[2].
D’autre part, il n’est pas non plus possible de procéder à des élections complémentaires pour remplacer les conseillers élus dans les communes historiques de moins de 1 000 habitants. Comme a pu le souligner une sénatrice, « cela conduirait à organiser un scrutin sur une partie seulement du territoire communal, comme s’il s’agissait d’une section électorale »[3].
Les communes nouvelles sont donc plus susceptibles que les autres communes de devoir procéder à un renouvellement intégral de leur conseil municipal en cas de vacance du maire ou d’un ou de plusieurs adjoints.
2. Les conséquences préjudiciables d’un renouvellement intégral prématuré du conseil municipal d’une commune nouvelle
Surtout, dans les communes nouvelles qui ont été constituées récemment, le fait de devoir procéder à un tel renouvellement du conseil municipal a des conséquences particulièrement importantes sur l’effectif de ce conseil municipal.
En effet, le terme de « renouvellement », employé par les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT pour renvoyer au premier renouvellement qui suit la création de la commune nouvelle, fait référence à tout renouvellement du conseil municipal, quelle qu’en soit la cause.
Pour rappel, ces dispositions précisent les règles applicables à la composition du conseil municipal d’une commune nouvelle après sa création et les modalités d’évolution du nombre de ses membres dans le temps. Très concrètement, il s’agit d’un régime transitoire qui prévoit une diminution progressive de l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles, au gré des renouvellements.
Or, le tout premier renouvellement du conseil municipal, qu’il s’agisse d’élections partielles ou générales, entraîne l’application des articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT, et conduit donc mécaniquement à une baisse immédiate du nombre de conseillers municipaux au sein du conseil municipal.
Et cette baisse peut elle-même conduire à un renouvellement important au sein de l’équipe d’élus, voire à écarter rapidement les élus des anciennes communes qui ont pourtant porté le projet de création de la commune nouvelle.
3. Une proposition pragmatique s’inscrivant dans la continuité d’une exception récemment introduite
Afin d’éviter une baisse trop rapide du nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles tout juste créées, une loi du 1er août 2019[4] avait déjà introduit une exception au principe de complétude du conseil municipal, lorsque la vacance d’un ou de plusieurs conseillers municipaux se produit juste après la création d’une commune nouvelle.
Plus précisément, l’article L. 2113-8-1 A du CGCT, issu de cette loi, permet au conseil municipal de la commune nouvelle de procéder à l’élection du maire et des adjoints nonobstant la circonstance que le siège d’un ou plusieurs conseillers municipaux soit devenu vacant entre la date de publication de l’arrêté du préfet prononçant la création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal (à moins qu’un tiers des sièges ou plus soit vacant).
Si l’introduction de cette dérogation a pu être saluée, force est de constater qu’elle demeurait limitée à la courte période qui s’étend de la création de la commune nouvelle à la première réunion de son conseil municipal. Et comme l’a justement relevé la rapporteure de cette nouvelle proposition de loi, cette dérogation ne permet pas de résoudre toutes les difficultés liées à la diminution progressive de l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles. En effet, « des difficultés subsistent notamment dans le cas où une vacance survient peu de temps après la première réunion du conseil municipal »[5]. Dans cette situation, si une élection du maire ou d’adjoints au maire devait être organisée, il serait nécessaire de procéder à un renouvellement intégral du conseil municipal, impliquant ainsi une baisse du nombre de conseillers municipaux.
A l’instar du rapporteur en commission des lois à l’Assemblée nationale, on soulignera que cette hypothèse n’est pas théorique : elle correspond très exactement à la situation dans laquelle s’est trouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, dans le département de la Vendée, à la suite du décès du maire nouvellement élu, quelques mois après la création de la commune nouvelle.
En conséquence, de manière pragmatique, l’article unique de la proposition de loi propose d’étendre la dérogation prévue à l’article L. 2113-8-1 A du CGCT précité. Le I permet de procéder à l’élection du maire d’une commune nouvelle et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet, et ce jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle (et non plus jusqu’à la première réunion du conseil municipal comme c’est le cas actuellement), à moins qu’un tiers des sièges ou plus soit vacant. Il complète pour cela l’article L. 2113-8-1 A du CGCT précité. Le II prévoit que le I n’est applicable qu’aux communes nouvelles dont le conseil municipal n’a pas fait l’objet d’un renouvellement à la date de publication de la présente loi, sous réserve des décisions de justice ayant force de chose jugée.
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[1] CE, 9 janvier 2007, Élection des adjoints au Maire de Maurepas, n° 289431.
[2] CE, 24 avril 2019, n° 426468, point 5.
[3] Rapport de Mme Agnès Canayer fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, 5 décembre 2018, n° 179 (2018-2019).
[4] Loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.
[5] Rapport de Mme Nadine BELLUROT fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, 5 juin 2024, n° 661(2023-2024).