Projets immobiliers publics privés
le 13/02/2025

Requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial : la fraude corrompt tout

Cass. Civ., 3ème, 30 mai 2024, n° 23-10.184

La Cour de cassation a, dans une décision récente en date du 30 mai 2024 (Civ.3e , 30 mai 2024, FS-B, n° 23-10.184), rappelé ce principe bien connu de tous les juristes : « fraus omnia corrumpit », la fraude corrompt tout.

Dans cette affaire, un bailleur avait consenti trois baux dérogatoires successifs à trois preneurs différents : Madame S le 15 novembre 2011 pour une durée de 23 mois, la société Y le 9 octobre 2013 pour une durée de 23 mois et la société G, dont Madame S était présidente, le 2 septembre 2015 pour une durée de 36 mois.

Le bailleur a par la suite signifié le 13 septembre 2018 un congé à la société G. aux fins de quitter les lieux puis une sommation de déguerpir le 9 octobre 2018 et enfin une assignation en référé aux fins d’expulsion le 12 octobre 2018.

Madame S et la société G. invoquant une fraude du bailleur l’ont assigné le 5 novembre 2018 en reconnaissance d’un bail commercial au profit de Madame S et en indemnisation de son préjudice.

La Cour d’appel a déclaré prescrite l’action de Madame S et de la société G. en requalification des baux conclus les 15 novembre 2011 et 9 octobre 2013 car engagée plus de cinq années après la conclusion des contrats et non pas dans le délai de deux ans de l’article L. 145-60 du Code de commerce.

La Cour de cassation a cassé et annulé cette décision au visa des articles L. 145-5 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi Pinel du 18 juin 2014 ainsi que l’article L. 145-60 du Code de commerce.

Mais surtout, la Cour a visé le principe selon lequel la fraude corrompt tout.

En effet, la Cour de cassation a rappelé que les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut du bail commercial à la condition que la durée du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans et que si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail statutaire.

Qu’ainsi, il résulte de la combinaison de ces dispositions et du principe selon lequel la fraude corrompt tout que « la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d’un bail commercial. »

Par conséquent, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond qui n’avaient pas recherché « si les fraudes, dont l’existence était invoquée, n’étaient pas de nature à suspendre le délai de prescription » et n’avaient pas donné de base légale à leur décision.