Dans une décision commentée dans une précédente LAJ [avril 2024], le Conseil d’Etat a précisé que la mise à disposition à titre gratuit d’un local affecté à un service public communal pour l’exercice d’un culte ne constitue pas nécessairement une libéralité consentie par la commune à l’association bénéficiaire.
Il a ainsi jugé que l’existence d’une libéralité doit être appréciée « compte tenu de la durée et des conditions d’utilisation du local communal, de l’ampleur de l’avantage éventuellement consenti et, le cas échéant, des motifs d’intérêt général justifiant la décision de la commune ».
Il avait ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé l’inverse et renvoyé l’affaire devant la même cour.
Cette dernière s’est de nouveau prononcée par un arrêt du 15 octobre 2024 (n° 24MA00665).
A cette occasion, la Cour a estimé que, dans l’affaire en cause, la gratuité de la mise à disposition d’une salle communale pour l’exercice d’un culte n’était pas constitutive d’une libéralité.
Pour ce faire, elle a constaté que :
- La mise à disposition du local, de quatre heures au total, était de « très faible durée»,
- L’association bénéficiaire ne pouvait y assurer des prestations et tirer des recettes de cette mise à disposition ;
- L’avantage consenti, de l’ordre de 1.020 euros TTC, était « modeste», alors que, au vu du jour et de l’heure concernés par la mise à disposition, à savoir un vendredi de 7 à 11 heures du matin, la commune n’avait été privée d’aucune recette prévisible en cas de location payante pour un autre usage,
- La mise à disposition répondait à un motif d’intérêt général dès lors qu’aucun des lieux de culte existant sur la commune ne permettait d’accueillir le nombre prévisible de personnes susceptibles de participer à cette fête religieuse à l’appel de cette association, dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public.
Il s’agit ainsi d’une première application intéressante des critères fixés par le Conseil d’Etat en mars 2024 qui pourra servir de base à une appréciation, in concreto, par les communes sollicitées pour une mise à disposition gratuite de locaux communaux à des fins cultuelles.
Les conclusions du rapporteur public sur cette affaire sont également éclairantes (A. Gautron, Gratuité ne vaut pas nécessairement libéralité, AJDA 2024.2282).
Il y est en effet rappelé certaines modalités d’identification d’une libéralité.
Ainsi, d’une part, il est précisé que la question de l’existence d’une libéralité ne se confond pas avec celle de l’économie éventuellement réalisée par la bénéficiaire de l’autorisation querellée. En effet, la libéralité, au-delà de constituer un avantage pour son bénéficiaire, doit révéler l’intention de l’administration d’avantager ce dernier.
D’autre part, il est indiqué que l’utilité publique qui s’attache à l’organisation d’une prière collective dans un espace clos, plutôt que sur la voie publique ou dans d’autres lieux inadaptés est certaine alors que, plus généralement, la jurisprudence exclut de longue date la qualification de libéralité lorsqu’un avantage financier est accordé pour un motif d’intérêt général (par exemple : CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473).