Droit pénal et de la presse
le 12/12/2024
Marlène JOUBIER
Médina DJENCIC

Saisies pénales et travail dissimulé : la Cour de cassation élargit sa définition du produit de l’infraction

Cass. Crim., 16 octobre 2024, n° 23-85.360

Par une décision en date du 16 octobre 2024, la chambre criminelle a précisé sa définition du produit de l’infraction de travail dissimulé en revenant sur ce qu’inclut la notion d’ « économie réalisée par la fraude ».

En l’espèce, plusieurs sociétés étaient mises en causes du chef de travail dissimulé. Parmi elles, il était reproché à une société de droit roumain de ne déclarer ni établissement ni salariés en France alors même que son activité de transport se déroulait exclusivement sur l’hexagone. En outre, la totalité de l’activité était gérée à partir de comptes bancaires français, ceux-ci alimentant un compte roumain pour payer les salaires et les charges fiscales et sociales.

Une enquête pénale était diligentée à la suite d’un signalement par la DREAL au procureur de la République. Dans ce cadre, deux saisies pénales étaient ordonnées sur le fondement des articles 706-153 et 706-154 du Code de procédure pénale, correspondant à deux régimes de saisie distincts.

Plus précisément, l’ordonnance contestée par les prévenus avait été rendue par le juge des libertés et de la détention et portait sur la saisie pénale d’une somme détenue en fonds de garantie d’un compte d’affacturage, pour un montant communiqué lors de l’échéance du terme.

A l’issue de l’appel interjeté par les sociétés et leur gérant, la chambre de l’instruction avait confirmé l’ordonnance, rappelant d’abord que l’article L. 8224-5 du Code du travail prévoit la peine de confiscation à l’endroit des personnes morales en matière de travail dissimulé. Par ailleurs, les juges du fond estimaient que le produit de l’infraction résultait du gain tiré de la différence de salaire entre les salariés roumains et français et de la durée de travail supérieure du salarié roumain sur le salarié français hors charge.

La chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé par le gérant et les sociétés et confirmé l’ordonnance de saisie pénale, indiquant que « le produit de l’infraction est également constitué par le gain tiré de la différence de salaire entre salariés français et roumains établie sur le salaire moyen mensuel français des chauffeurs routiers et le salaire moyen versé aux chauffeurs roumains, et le gain tiré de la durée de travail supérieure du salarié roumain sur le salarié français hors charge ».

La Cour de cassation a, à cette occasion, élargit la notion « d’économie réalisée par la fraude », estimant que celle-ci comprend, outre le montant des cotisations sociales ou des droits éludés, le gain obtenu en rémunérant des salariés à un salaire inférieur au salaire français et en les faisant travailler selon une durée de travail supérieure à la durée légale du travail en France.

Cette décision, qui revient sur l’appréhension du produit de l’infraction de travail dissimulé, s’inscrit dans une construction jurisprudentielle prenant son point de départ en 2016 lorsque l’expression d’ « économie réalisée par la fraude » a été employée par les magistrats de la Cour de cassation pour la première fois[1]. Depuis, la chambre criminelle a régulièrement confirmé cette solution.

In fine, l’extension de la notion de produit de l’infraction de travail dissimulé conduit de manière concomitante à l’élargissement de l’assiette des saisies et confiscations pénales pouvant être autorisées.

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[1] Cass. Crim., 29 juin 2016, n° 15-81.426