Environnement, eau et déchet
le 07/11/2024

Protection de la biodiversité : l’interdiction d’installer des clôtures en milieu naturel est conforme à la Constitution

CC, 18 octobre 2024, Décision QPC n° 2024-1109

Par une décision en date du 18 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité aux normes constitutionnelles de plusieurs dispositions du Code de l’environnement introduites par la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

L’article L. 372-1 du Code de l’environnement instaure en effet une obligation de mise en conformité de certaines clôtures situées dans des espaces naturels afin de permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Les clôtures concernées doivent ainsi respecter certaines caractéristiques afin de permettre ce passage. Et l’article L. 424-3-1 du même code fixe les conditions dans lesquelles un propriétaire procède à l’effacement des clôtures tandis que ses articles L. 171-1 et L. 428-21 reconnaissent à certains agents un droit de visite pour la réalisation de contrôles administratifs.

Plusieurs requérants ont entendu contester la conformité de ces dispositions aux normes constitutionnelles se rattachant au droit de propriété, au principe d’égalité, à la liberté d’entreprendre ou encore à la garantie des droits. Le Conseil constitutionnel a néanmoins écarté l’ensemble de cet argumentaire. Ainsi :

  • Les requérants invoquaient des atteintes à l’article 17 de la DDHC relatif à l’interdiction de la privation de propriété, dans la mesure où le texte impose la mise en conformité des clôtures sans indemnisation, et à l’article 2 de la DDHC consacrant le droit de propriété, dès lors que le texte, selon eux non justifié par un motif d’intérêt général, remettrait en cause le droit de se clore par son champ d’application trop large. Mais le Conseil constitutionnel expose que :
  • Le texte impose une mise en conformité pour l’implantation, la réfection ou la rénovation de clôtures et constitue donc seulement une limitation du droit de propriété et non une privation ;
  • Il poursuit notamment l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. En outre, des exceptions sont prévues et les zones dans lesquelles cette obligation s’applique sont précisément définies.

Dès lors, il n’existe pas de déséquilibre manifeste entre le droit de propriété et, notamment, l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement

  • Il serait selon les requérant porté atteinte à l’article 16 de la DDHC relatif à la garantie des droits, ainsi qu’aux principes de sûreté et de sécurité juridique, l’obligation de mise en conformité des clôtures s’appliquant également à celles édifiées jusqu’à 30 ans avant l’adoption de la loi. Le Conseil Constitutionnel écarte cet argument en rappelant que cette mesure poursuit un objectif de valeur constitutionnelle et qu’elle est encadrée puisque les propriétaires ont jusqu’au 1er janvier 2027 pour mettre en conformité leurs clôtures, que les clôture de plus de trente ans ne sont pas concernées et que les clôtures peuvent être maintenues mais doivent seulement répondre à de nouvelles caractéristiques ;
  • Les requérants invoquaient également le principe d’égalité devant la loi car les textes instaureraient une différence de traitement injustifiée entre propriétaires, mais le Conseil constitutionnel relève que les propriétaires fonciers ne sont pas placés dans la même situation selon que leurs clôtures ont été ou non édifiées au moins trente ans avant la date de publication de la loi du 2 février 2023
  • Le Conseil constitutionnel rejette également, en raison de la définition du champ d’application du texte et des objectifs qu’il poursuit, les arguments liés à la liberté d’entreprendre invoquée par les requérants ;
  • Les dispositions de l’article L. 424-3-1 n’ont pas pour effet de faire peser sur les propriétaires des dépenses incombant à l’Etat, et ne créent donc aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
  • Les dispositions des articles L. 171-1 et L. 428-21 ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni le principe de l’inviolabilité du domicile eu égard à la nature des lieux auxquels les agents peuvent accéder.