Energie
le 07/11/2024

Le préfet de département est-il compétent pour abroger un certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat ?

TA de Toulouse, 15 octobre 2024, n° 2405748

Par une décision en date du 15 octobre 2024, le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a suspendu la décision du Préfet de l’Aveyron d’abroger le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat dont bénéficiait la société hydro-électrique de la vallée de Salles la Source.

Pour rappel, le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat (CODOA) était un document devant être détenu par un producteur d’électricité d’origine renouvelable pour bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat. Supprimé par le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016, le CODOA subsiste pour les installations qui bénéficiaient déjà d’un contrat d’obligation d’achat à la date d’entrée en vigueur du décret précité.

Au cas présent, face aux difficultés financières rencontrées par la société hydro-électrique de la vallée de Salles la Source, le Préfet du département de l’Aveyron a abrogé le CODOA du 17 décembre 2012 n° 2012-hy 0105 dont elle bénéficiait. La société a alors introduit un référé suspension pour obtenir la suspension de cette décision d’abrogation.

Aux termes de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. »

Le requérant doit ainsi démontrer de manière cumulative :

  • Une urgence, caractérisée par une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts ;
  • Un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Au cas présent, le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a considéré que ces deux conditions étaient remplies.

En premier lieu, le tribunal a jugé que l’urgence était caractérisée dans la mesure où la décision du Préfet de l’Aveyron avait conduit la société EDF, cocontractant de la société requérante et acheteur de l’intégralité de la production de l’usine hydroélectrique, à réclamer à ladite société une somme de 478.267,25 euros en application du contrat d’obligation d’achat conclu.

Le tribunal a relevé que cette somme représentait 21 années de bénéfice annuel moyen de la société requérante et que dans ces conditions, « la décision (attaquée) porte à la situation économique de la société une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une urgence. »

En second lieu, concernant le doute sérieux sur la légalité de la décision, le tribunal a relevé que le Préfet de l’Aveyron n’était pas compétent pour prononcer l’annulation du CODOA détenu par la société requérante.

En effet, la décision accordant le CODOA a été prise sur le fondement du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par des producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat, codifié aux articles R. 314-1 et suivants du Code de l’énergie et dont les dispositions relatives aux CODOA sont aujourd’hui abrogées.

Or, aux termes de ce décret, le CODOA était attribué par le préfet de région. Le préfet de région était donc seul compétent pour apprécier le respect des conditions de maintien du CODOA et le cas échéant décider de son abrogation.

Partant, le tribunal a jugé qu’« en l’état de l’instruction, le moyen soulevé tiré de ce que seul le préfet de région était habilité à prononcer la mise en demeure puis la sanction, tel qu’il a été ci-dessus visé et analysé, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. ».

Le tribunal suspend donc la décision d’abrogation contestée, permettant la poursuite du contrat d’obligation d’achat qui lie EDF à l’exploitant de l’usine hydroélectrique.