Contrats publics
le 17/10/2024

L’information du rejet de l’offre d’un candidat évincé plus de 15 mois après l’attribution d’un marché public ne constitue pas un manquement

CE, 27 septembre 2024, n° 490697

Quelle que soit la procédure de passation de marchés publics suivie, l’acheteur public doit informer les candidats et soumissionnaires évincés « dès qu’il fait son choix[1] » et « sans délai[2] ».

Le Conseil d’Etat est récemment venu nuancer ces exigences d’immédiateté de l’information des candidats et soumissionnaires évincés qui semblaient résulter des dispositions des articles L. 2181-1 et R. 2181-1 du Code de la commande publique. Ainsi, par une décision en date du 27 septembre 2024, n° 490697, la haute juridiction administrative précise que le délai écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé du rejet de son offre n’est pas susceptible, à lui seul, de constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence.

Dans cette affaire, la région Guadeloupe avait lancé une consultation, en appel d’offres ouvert, pour l’attribution d’un marché public de travaux décomposé en plusieurs lots. Le lot n° 2 a été attribué à un groupement d’entreprises par la commission d’appel d’offres le 12 août 2022. Le lot n° 1 a été déclaré sans suite en décembre 2022 puis relancé après scission en deux lots distincts, le 14 juin 2023. Ce n’est que le 14 novembre 2023, au terme de la nouvelle procédure du lot n° 1, que la région Guadeloupe a informé le groupement d’entreprises dont la société EPTO est membre, que son offre présentée pour le lot n° 2 avait été rejetée.

La société ETPO a alors formé un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Guadeloupe dont le juge des référés a, par ordonnance n° 2001443 du 21 décembre 2023, annulé la procédure de passation du lot n° 2. La région Guadeloupe s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance.

A cette occasion, le Conseil d’Etat revient sur la finalité de l’obligation d’information des candidats évincés consacrée par le Code de la commande publique au nom du principe de transparence. Il précise qu’elle « a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel [3]» et qu’en conséquence l’absence d’information ou l’insuffisance de communication, à une entreprise, des motifs de rejet constitue un manquement aux obligations de mise en concurrence.

Aucun manquement n’est, toutefois, constitué si d’une part, l’ensemble des informations a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés précontractuels statue et, d’autre part, si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction[4]. Il est désormais de jurisprudence constante qu’un tel manquement n’est pas sanctionné de manière automatique par le juge du référé précontractuel qui accepte même que les acheteurs publics puissent régulariser un éventuel défaut d’information des candidats évincés en produisant les informations attendues en cours d’instance.

En application de ces principes, le Conseil d’Etat considère donc qu’en l’espèce la région Guadeloupe n’a pas commis de manquement en communiquant au groupement d’entreprises évincé sa décision de rejet quinze mois après l’attribution du lot n° 2 par la commission d’appel d’offres.

Il retient que la société ETPO qui a eu connaissance des motifs de rejet de offres par décision en date du 14 novembre 2023, complétée par les éléments communiqués par la région dans son mémoire en défense produit en cours d’instance, a été mise à même de contester utilement son éviction et dans un délai suffisant avant que le juge des référés ne statue.

En définitive, le délai de communication des informations aux candidats évincés importe peu, l’essentiel étant qu’ils disposent de ces informations suffisamment tôt pour contester utilement le rejet de leur offre.

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[1] Article L. 2181-1 du Code de la commande publique

[2] Article R. 2181-1 du Code de la commande publique

[3] CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon, n°321217

[4] CE, 1er avril 2022, société Bourdarios, n°458793