Environnement, eau et déchet
le 06/06/2024
Julie CAZOU
Eloïse GUILLERMIC

La Cour administrative d’appel de Bordeaux autorise la création de 21 méga-bassines en Charente-Maritime

CAA de Bordeaux, 28 mai 2024, SYRES 17, n° 21BX01360, 21BX01416

Le 28 mai 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait à se prononcer sur le recours en appel introduit par le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) et le ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire à l’encontre du jugement par lequel, à la demande de plusieurs associations, le Tribunal administratif de Poitiers avait annulé un arrêté préfectoral autorisant le SYRES 17 à construire et exploiter vingt-et-une réserves de substitution et à réhabiliter celle existante pour l’irrigation agricole, pour un volume total de stockage de 5,08 millions de m3.

Le Tribunal avait alors fondé cette décision d’annulation sur plusieurs insuffisances de l’étude d’impact concernant les impacts de l’une des réserves, la R19, sur l’outarde canepetière (une espèce d’oiseau menacée d’extinction – liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature [UICN]) et les tests de rabattement de nappe, ainsi que sur la méconnaissance de la méthodologie nécessaire à la détermination des impacts et des meures éviter-réduire-compenser (ERC). Il avait également considéré qu’une dérogation espèces protégées aurait dû être sollicitée et que le projet méconnaissait les principes de gestion de la ressource tirés de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement.

Pour annuler la décision des premiers juges, la Cour a considéré, d’une part, que l’étude d’impact ne comportait pas d’incomplétude ou d’insuffisance susceptible d’entrainer l’illégalité de la décision. Plus particulièrement, en ce qui concerne l’une des réserves et l’outarde canepetière, la Cour énonce que l’étude « comporte un examen détaillé de l’état initial de l’environnement », que la réserve « n’est incluse dans aucun site Natura 2000 et n’inclut aucun habitat d’intérêt communautaire et qu’elle n’intercepte ainsi pas la zone de protection spéciale (ZPS) « Vallée de Néré à Bresdon« , site Natura 2000, situé à environ 6 km à l’est, d’importance nationale en raison des effectifs d’outardes canepetières, abritant, entre autres, 10 % des mâles chanteurs de cette espèce particulièrement protégée » et qu’ainsi il ressort de l’étude d’impact que le projet n’engendrera aucun impact négatif à court et long terme sur les sites Natura 2000 de la réserve . Elle écarte également le raisonnement du Tribunal administratif sur le moyen tiré du non- respect, par le porteur de projet, de la méthodologie ERC (éviter, réduire, compenser). Quant à la suffisance de l’étude d’impact sur les tests de rabattement de nappe et aux modélisations relatives à l’impact des prélèvements pour le remplissage des réserves de substitution, le juge relève que malgré le « modèle de calcul basé sur l’examen des ressources en eau passées [depuis 1969] et non futures », le porteur de projet a prévu des mesures visant à « adapter le projet aux évolutions climatiques et à leurs effets sur la ressource en eau ».

D’autre part, le juge d’appel a considéré que le projet en litige ne présenterait pas un risque suffisamment caractérisé de destruction d’individus ou d’habitats protégés et que le pétitionnaire n’avait donc pas besoin d’obtenir de dérogation « espèces protégées ».

Enfin, pour décider que le projet ne méconnaît pas le principe de gestion équilibrée et durable de l’eau, édicté à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, la Cour soulève notamment que le projet « s’inscrit dans le cadre du projet de territoire de gestion de l’eau (PTGE) Boutonne de 2016 actualisé le 28 février 2022, qu’il fait partie intégrante du dispositif de sécurisation et de maintien de l’activité agricole dans le bassin, et qu’il n’est autorisé que dans le cadre d’un objectif bien précis d’atteinte du volume prélevable (volume à atteindre en vue d’un retour à l’équilibre quantitatif de la ressource en eau) fixé par la règle n°1 du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la Boutonne et dont la date d’échéance était initialement fixée à 2021 ».

Au terme de son arrêt, la Cour annule ainsi le jugement du Tribunal administratif de Poitiers du 4 février 2021 et écarte les autres moyens qui avaient été soulevés par les associations en première instance.