Fonction publique
le 23/05/2024

Notifier la sanction avant la réception de l’avis du conseil de discipline ? C’est oui pour la Fonction Publique Territoriale !

CAA Lyon, 23 novembre 2023, n° 23LY00310

Par une décision en date du 23 novembre dernier, la Cour administrative d’appel de Lyon est venue rappeler qu’une sanction disciplinaire peut être notifiée à l’agent, et donc entrer en vigueur, avant même que le procès-verbal de la séance du conseil de discipline, également appelé « avis » ne soit établi et adressé à l’agent.

Pour mémoire, les textes applicables sont les suivants :

  • L’article L. 532-5 CGFP :
  • « Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe de l’échelle des sanctions de l’article L. 533-1 ne peut être prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire sans consultation préalable de l’organisme siégeant en conseil de discipline au sein duquel le personnel est représenté.
    L’avis de cet organisme et la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés
    ». ;
  • L’article 14 du décret 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : « L’avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu’à l’autorité territoriale qui statue par décision motivée […]».

A aucun moment il n’est donc imposé que l’avis ait été notifié à l’agent avant de prendre la décision, et c’est en effet ce qu’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision n° 444511 du 15 octobre 2021, publiée aux Tables : « les dispositions précitées n’imposent pas que la communication à l’agent de l’avis du conseil de discipline intervienne, à peine d’illégalité de la décision de sanction, avant que cette décision ne soit prise. »

D’ailleurs, le Conseil d’Etat dans cette décision censure la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui elle, avait considéré que la communication préalable de l’avis était nécessaire mais qu’elle ne constituait pas une garantie pour l’agent au sens de la jurisprudence Danthony. Il a ainsi substitué à ce motif erroné sur lequel la Cour s’était fondée celui tiré de ce que le défaut de communication à l’agent de l’avis du conseil de discipline préalablement à l’intervention de la décision lui infligeant une sanction n’était pas de nature à entacher d’illégalité de cette décision.

Les conclusions du Rapporteur public sous cette décision, lesquelles sont particulièrement éclairantes, opposent la FPE justement à la FPH et à la FPT pour en conclure qu’il n’est pas nécessaire de communiquer préalablement l’avis pour prendre la sanction. En réalité, la question est celle de la portée d’une décision concomitante du Conseil d’Etat (n° 435352 du 12 février 2021) aux termes de laquelle :

« Aucun avis motivé de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline le 21 juillet 2016 pour examiner le cas de M. A… ni même aucun procès-verbal de sa réunion n’ayant été produits au dossier, l’exigence de motivation de l’avis du conseil de discipline prévue par les dispositions citées au point précédent, qui constitue une garantie, ne peut être regardée comme ayant été respectée ».

Au-delà du fait que cette décision est rendue en matière de FPE (avec un texte différent de celui de la FPT et de la FPH), l’exigence est donc uniquement celle de pouvoir démontrer l’existence, à savoir la réalité, de l’avis du conseil de discipline. Et cette preuve peut être rapportée à tout moment de la procédure juridictionnelle. C’est cette analyse qui est confirmée par la décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Lyon le 23 novembre 2023, n° 23LY00310 :

« L’exigence de motivation de l’avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline constitue une garantie. Cette motivation peut être attestée par la production, sinon de l’avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire comportant des mentions suffisantes ».

En synthèse : on peut notifier la sanction avant de recevoir le procès-verbal du conseil de discipline, mais à condition de pouvoir rapporter la preuve de ce dernier devant le juge.