Urbanisme, aménagement et foncier
le 24/11/2022

Objectif ZAN : Publication d’un nouveau décret relatif aux conditions d’octroi d’une autorisation d’exploitation commerciale générant une artificialisation des sols

Décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols

Le décret n° 2022-1312 en date du 13 octobre 2022 apporte de nouvelles précisions sur l’application de la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « Loi Climat », en matière d’autorisation d’exploitation commerciale lorsque les projets génèrent une artificialisation des sols.

 

I. Rappel sur le principe d’interdiction d’implantation d’une zone commerciale générant une artificialisation des sols et ses dérogations

Pour mémoire, dans le cadre de la Loi Climat, un objectif de ZAN, lequel vise à atteindre une zéro artificialisation nette des sols, avec un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranches de 10 ans, d’ici 2050.

A ce titre, en matière d’exploitation commerciale, l’article 215 de la Loi Climat a modifié l’article 752-6 du Code de commerce qui prévoit, désormais, que « l’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme ».

Cela étant, l’article 215 de la Loi Climat prévoit un régime dérogatoire permettant de délivrer une autorisation d’exploitation commerciale lorsque les projets ont pour objet :

  • La création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10.000 mètres carrés ;
  • L’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial dès lors que la surface de vente totale dudit magasin ou ensemble commercial reste inférieure à 10.000 mètres carrés ;
  • L’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10.000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d’une seule extension par magasin ou ensemble commercial et sous réserve que l’extension de la surface de vente soit inférieure à 1.000 mètres carrés.

Pour bénéficier de cette dérogation, la Loi Climat impose toutefois que les pétitionnaires concernés démontrent, à l’appui de l’analyse d’impact, que leurs projets s’insèrent « en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat » et « qu’il répond aux besoins du territoire ».  En outre, les projets de construction objet de l’autorisation d’exploitation commerciale doivent répondre à l’un des critères suivants :

  • L’insertion de ce projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
  • L’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;
  • La compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
  • L’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCoT) entré en vigueur avant la publication de la Loi Climat ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) entré en vigueur avant la publication de la même loi.

Au surplus, pour tout projet d’une surface de vente supérieure à 3.000 mètres carrés et inférieure à 10.000 mètres carrés, la dérogation n’est accordée qu’après avis conforme du représentant de l’Etat (alinéa 11 de l’article L. 752-6 du Code de commerce).

 

II. Sur les précisions apportées par le décret n° 2022-1312 en date du 13 octobre 2022

Depuis le 15 octobre dernier (article 9 du décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022), les Commissions départementales d’autorisation commerciale ne peuvent, en principe, plus délivrer d’autorisation à une implantation commerciale ou une extension de commerce existant si le projet conduit à une artificialisation des sols, comprise comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage »  (article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme).

Le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 vient préciser les modalités d’application du régime dérogatoire relatif aux autorisations d’exploitation commerciale susceptibles d’être délivrées aux projets générant une artificialisation des sols au sens du premier alinéa du V de l’article L. 752-6 du Code de commerce, conformément aux dispositions de l’article 215 de la Loi Climat.

Plus précisément, ce nouveau décret modifie les dispositions de l’article R. 752-6 du Code de commerce relative au dossier de demande d’exploitation commerciale. Désormais, les dossiers de demande d’autorisation d’exploitation commerciale devront comprendre une présentation des effets du projet en matière d’artificialisation des sols et, lorsque le projet engendre une artificialisation des sols :

  1. La justification de l’insertion du projet dans l’urbanisation environnante, notamment par l’amélioration de la mixité fonctionnelle du secteur et de sa conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur (appuyé d’une carte ou d’un plan), ainsi que la justification de l’absence d’alternative à la consommation d’espace naturel, agricole ou forestier.
  2. Une description de la contribution du projet aux besoins du territoire, en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique de ce dernier, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise du projet ;
  3. Et, de manière alternative, appuyée d’un plan ou d’une carte du projet :
    • Soit une justification, appuyée d’un plan ou d’une carte, de l’insertion du projet dans un secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (article L. 303-2 du Code de la construction et de l’habitation) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
    • Soit une justification, appuyée d’un plan ou d’une carte, de l’insertion du projet dans une opération d’aménagement (article L. 300-1 du Code de l’urbanisme) au sein d’un espace déjà urbanisé ;
    • la justification de l’insertion du projet au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine, identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT, ou dans une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du PLUi, en vigueur avant la Loi Climat ;
    • Soit une justification que les mesures présentées permettent de compenser les atteintes prévues ou prévisibles, directes ou indirectes, occasionnées par la réalisation du projet, en transformant un sol artificialisé en sol non artificialisé (article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme), afin de restaurer de manière équivalente ou d’améliorer les fonctions écologiques et agronomiques altérées.

Ainsi, en l’absence de justification de l’insertion du projet dans un secteur d’intervention d’une ORT ou dans un quartier prioritaire, dans une opération d’aménagement dans un secteur déjà urbanisé ou identifié dans un SCoT ou un PLUi en vigueur avant la Loi Climat, le décret du 13 octobre 2022 prévoit la possibilité pour les porteurs de projets bénéficiant la de dérogation au principe d’interdiction d’artificialisation des sols pour les exploitations commerciales, de prévoir des mesures compensatoires aux atteintes occasionnées par la réalisation du projet.

A ce titre, le décret n date du 13 octobre 2022 prévoit que « l’équivalence est appréciée en termes qualitatifs et quantitatifs » et que « les gains obtenus par la compensation doivent être au moins égaux aux pertes occasionnées par le projet ». En outre, les mesures de compensation doivent être « mises en œuvre, en plus de ce qui peut être fait à proximité immédiate du projet, en priorité au sein des zones de renaturation préférentielles » lorsqu’elles sont identifiées sur le fondement de l’article L. 151-7 ou de l’article L. 141-10 du Code de l’urbanisme et qu’elles s’inscrivent dans les orientations d’aménagement et de programmation (article 2).

Cela étant précisé, l’application de l’objectif ZAN pourrait être amenée à évoluer prochainement.

En effet, le 16 novembre dernier, le Ministre de la Transition écologique, Monsieur Christophe Béchu, a fait part, devant la commission des affaires économiques du Sénat, de la nécessaire intervention d’un nouveau texte législatif compte tenu des difficultés rencontrées pour la mise en œuvre de l’objectif ZAN. Il n’est donc pas exclu que les modalités prévues par le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 relatives à l’applications de l’objectif ZAN en matière d’autorisation d’exploitation commerciale trouvent, elles-aussi, à évoluer.